Un enfant sous traitement antiretroviraux, mais qui n'arrive pas
à manger ne serait ce qu'une fois par jour, qui ne peut se soigner
quand il fait un paludisme, une tuberculose, une grippe, qui ne
peut pas aller à l'école qu'est-ce que cela donne ? Rien de bon,
sinon qu'il manque au traitement aux antiretroviraux gratuits offerts
aux enfants de ce pays, un pan de social.
Sans avoir pour objectif de venir en aide aux enfants infectés
par le vih et démunis, le Projet Enfant de l'ANRS, un programme
de recherche voulant se documenter sur le vih de l'enfant, a fini
par se positionner comme le complément social au programme médical
d'accès aux antiretroviraux des enfants.
Le projet dont l'investigateur principal est le docteur Philippe
Mselatti, chercheur, aide à apporter soins et couverts à 230 enfants
infectés par le vih depuis son commencement en octobre 2000 dans
les locaux de la formation sanitaire de Yopougon Attié.
Des enfants de 18 mois à 17 ans dont 140 sont sous traitement antiretroviraux
au centre de prise en charge des enfants infectés du service de
pédiatrie du Chu de Yopougon. Un centre avec lequel collabore étroitement
le projet enfant.
Un enfant qui se présente au docteur Fassinou Patricia au Chu de
Yopougon est mis sous antiretroviraux (c'est gratuit pour tous les
enfants de ce pays), mais s'il a d'énormes difficultés de survie
quotidienne, il est orienté au Projet Enfant.
La seule condition à remplir est l'accord des parents ou du tuteur
de l'enfant, qui dès cet instant subit un bilan médical complet
avec surtout une recherche de tuberculose. A partir de ce jour,
il est pris en charge pour toutes les affections dont il pourrait
souffrir.
Avec ses conseillères, le Projet Enfant effectue des visites au
domicile de l'enfant pour voir ses conditions de vie, le suivi médical
avec notamment la prise des antiretroviraux etc.
Ainsi des familles reçoivent une assistance en nourriture, en vêtements
et en fournitures scolaires. Mais ce volet est assuré par la maison
communautaire d'une ONG partenaire au Projet Enfant dénommée CHIGATA.
Où les enfants reçoivent des consultations et des soins en psychologie,
en kinésithérapie respiratoire ou motrice, de même que des cours
dits de renforcement scolaire. Une halte garderie est aussi organisée
pour ses enfants à la demande des parents ou de la famille.
Le Projet Enfant, financé au départ pour deux ans et renouvelé jusqu'à
septembre 2004, prévoit de s'intégrer à partir du mois d'octobre
de la même année pour quitter progressivement le champ de la recherche
et devenir un programme de santé publique. Mais à ce moment, il
s'agira de rechercher des financements privés avec le Fonds global
ou toute autre structure de financement.
Pour l'instant, le Projet Enfant qui vient d'aménager dans de nouveaux
locaux à lui offerts par la fondation Glaxo, va augmenter le nombre
des enfants pris en charge. Il était limité selon, le docteur Mselatti,
par l'exiguïté du local que lui prêtait jusque-là la formation sanitaire
de Yopougon Attié.
Avec ce nouveau local de six pièces, le nombre de lits prévus pour
les observations (hôpital du jour) passe de deux à cinq, et le nombre
d'enfants suivis, de 230 à 250. Puisque selon le docteur Mselatti
, la vingtaine d'enfants sur la liste d'attente pourra être prise
en compte. Mais malgré cette rallonge, le docteur Mselatti craint
qu'il y ait toujours une liste d'attente.
90 des 230 enfants suivis par le Projet Enfant sont encore trop
jeunes pour aller à l'école. Une dizaine d'enfants est trop malade
pour reprendre le chemin de l'école cette année, et 85% du reste
du groupe scolarisés normalement, même si parfois ils connaissent
des retards scolaires.
Les plus grands dont certains ne fréquentent plus l'école, connaissent
leur sérologie et sont sous traitement antiretroviraux, participent
à un groupe de parole avec des conseillères d'association et des
psychologues pour les aider à mieux assumer leur statut, leur traitement
et gérer leur adolescence.
Le Projet Enfant revient à environ 100 millions de francs CFA par
an à l'Etat français à travers sa structure nationale de recherche
sur le sida(ANRS).
B. Zéguéla
Les difficultés d'une prise en charge
Il ne sert à rien de faire la sérologie du vih à un enfant de moins
de 15-18 mois. "Le résultat ne sera que le reflet de la pathologie
de la mère", comme nous l'a confié le docteur Fassinou Patricia,
coordinatrice des activités de prise en charge du centre accrédité
pour enfants infectés, au sein du service de pédiatrie du chu de
Yopougon. Avant 15-18 mois, pour savoir si un enfant est infecté,
il faut faire des examens coûteux tel que le PCR. Un examen qui
ne peut être fait dans le cadre de ce programme de prise en charge
des enfants.
L'absence de communication entre les conjoints sur leur état sérologique
constitue une grande difficulté dans la prise en charge des enfants
infectés par le vih. Ce qui fait que lorsqu'un enfant est mis sous
traitement, la cellule familiale ne peut être informée. Aussi en
cas de décès du conjoint qui suivait et accompagnait l'enfant au
centre pour les soins, ce dernier échappe à la structure de prise
en charge.
Les parents n'informent pas leur progéniture de leur état sérologique
par crainte qu'elle ne le divulgue. Conséquence, l'observance est
mise à mal dés que l'enfant dépasse 9-10 ans.
Vu que le traitement est à vie, l'enfant se lasse de prendre les
médicaments antiretroviraux, puisqu'il ne sait pas pourquoi il les
prend. Et il suffit que le médecin lui dise un jour qu'il va bien,
que l'enfant se rebelle contre les prises de médicaments. Comme
l'atteste cette histoire racontée par le docteur Kouakou du CIRBA.
Une fillette de 9 ans a été félicitée par son médecin traitant pour
avoir pris du poids etc. Une fois de retour à la maison dans une
ville de l'intérieur, la petite a refusé catégoriquement de prendre
ses médicaments. Raisons invoquées : le médecin a dit que je vais
bien. Il a fallu joindre le médecin au téléphone, lui demander de
parler à la petite fille pour qu'elle reprenne ses antiretroviraux.
Ce cas est parmi tant d'autres n'est qu'un exemple parmi d'autre,
Comment annoncer sa seroposititivé au malade ? Les médecins sont
interdits de le faire parce que les parents s'y opposent, alors
qu'eux-mêmes n'arrivent pas à le faire.
Cependant les enfants finissent par le découvrir en lisant les
noms des médicaments, selon le docteur Kouakou, mais feignent toujours
de ne rien savoir puisque leurs parents ne leur ont rien dit. Il
arrive aussi que les parents très enthousiastes au début de la mise
sous traitements antiretroviraux de leur enfant à veiller sur les
prises, baissent la garde lorsque l'enfant va mieux. Et les prises
de médicaments sont laissées, aux enfants sous la surveillance de
la bonne.
Un autre élément à ajouter aux difficultés de prise en charge du
sida pédiatrique c'est que sur la quinzaine de molécules antiretrovirales,
seules sept ont une formulation pédiatrique (présentation et dosage
enfant). Les médecins sont obligés de prescrire des posologies de
demi ou de quart de comprimés.
Les enfants atteints du vih /sida en Côte d'Ivoire sont pris en
charge gratuitement pour l'accès aux antiretroviraux, mais les parents
qui les accompagnent doivent payer. Cette situation pose un problème
moral aux médecins surtout si les parents sont indigents. Et souvent
nous raconte le docteur Kouakou du CIRBA, ce sont des parents malades
qui accompagnent leur enfant aux consultations. Et certains ne cessent
de nous répéter : "Mais docteur, vous voulez faire vivre nos enfants,
alors que nous même, on est mourant".
B. ZEGUELA
Lire l'article original : http://www.fratmat.co.ci/story.asp?ID=25491
|