Actualités de la santé
en Afrique
Février 2005
Au sommaire de cette semaine :
Burkina Faso :
© Lutte contre les épidémies en
Afrique de l'Ouest : Interrompre en 2005, la circulation du polio virus
sauvage
Cameroun :
© Ténofovir : l’Ordre
des médecins s’en mêle
© Ténofovir : et maintenant ?
© Hypertension : gare aux arrêts
cardiaques
Côte d'Ivoire :
© Docteur Oura N’guessan (médecin-chef du CTA) : “Nous
n’avons pas encore à notre disposition les anti-rétroviraux”
Madagascar :
© Hausse de 10% des cas de cancer
© 45% des Malgaches ont une affection
mentale
© Coopération bilatérale
: L’Oms triple son budget pour Madagascar
© Nomination : Luis Goes Sambo
devient directeur de l’oms Afrique
© Hôpitaux publics - Hausse
des honoraires
Maurice :
© Maurice veut être un centre
de médecine hi-tech
© Le laboratoire d’analyse
des médicaments avance
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Santé Tropicale
Notre Voie : Le CTA n’est pas très connu du grand public. Pourquoi ?
Oura N’Guessan : Le Centre de traitement ambulatoire (CTA) de Bondoukou est une structure de prise en charge des personnes vivant avec le VIH/sida. Il a été ouvert le 24 février 1997, à l’initiative de l’Organisation panafricaine de lutte contre le sida (OPALS), avec l’appui du ministère de la Santé de Côte d’Ivoire. C’est le 2ème du genre qui existe en Côte d’Ivoire.
Notre Voie : Ce centre, semble-t-il, a des difficultés…
Oura N’Guessan : Depuis avril
2002, notre principal financier, la Croix-Rouge française, a
suspendu son financement qui s’élève à 12
millions FCFA.
Aujourd’hui, nous engendrons plus de dépenses que de ressources.
Elles sont estimées à 300.000 FCFA. Les dépenses
sont de l’ordre de 600.000 FCFA par mois. Nous avons des arriérés
de paiements dus aux contractuels et également aux loyers. Le
laboratoire et la radio ne fonctionnent pas correctement. Il faut ajouter,
à tout ceci, le taux de fréquentation qui est très
faible.
Notre Voie : Vous parlez du taux de fréquentation qui est très faible. Est-ce à dire que vous n’avez pas souvent l’occasion de faire le dépistage ?
Oura N’Guessan : Je le fais.
Je propose systématiquement le dépistage à toutes
les personnes qui présentent des signes cliniques en rapport
avec le VIH/sida.
Depuis 3 mois, j’ai initié l’ouverture de dossiers
pour les malades atteints. Mais beaucoup parmi eux refusent qu’on
les suive. Ce qui est alarmant, c’est que nombreux sont ceux qui
font la maladie, car à chaque coin de rue, au marché,
il n’est pas rare de rencontrer des individus qui présentent
des signes réels de la maladie. C’est dommage qu’on
ne puisse pas les suivre. Et quand par extraordinaire ils se présentent
à nous, c’est qu’ils sont dans la phase terminale,
et Dieu seul sait combien de personnes ont contracté la maladie.
Notre Voie : Peut-on avoir des statistiques sur la pandémie ?
Oura N’Guessan : A la mi-mai
2004, nous avions 19 malades. En janvier, sur 18 dépistages,
14 positifs. En février, sur 22, 5 sont revenus positifs. En
mars, 74 dont 34 positifs. Pour le 1er trimestre, c’est ce que
nous avons constaté.
Aussi, depuis que je suis en poste ici, il y a 25 dossiers que je suis
régulièrement. Nous faisons quand même beaucoup
de dépistages. Mais, pour le suivi, les malades ne sont pas nombreux.
Notre Voie : Nous sommes dans une zone frontalière. Avec tout ce monde, n’y a-t-il pas un risque de propagation de la maladie ?
Oura N’Guessan : Bondoukou est
une zone à risques. En 2000, la séroprévalence
à Bondoukou était de 11%, selon le Retroci. La capitale
du Zanzan était alors la 2ème ville infectée, après
Abengourou, qui était à 12 %. Une chose est certaine,
ces chiffres ont à ce jour augmenté. Beaucoup de facteurs
entrent en ligne de compte.
Le 1er est la situation géographique de Bondoukou à cheval
sur deux frontières, le Ghana et le Burkina Faso. Ce qui favorise
les brassages. Le 2ème concerne certaines pratiques traditionnelles
comme le Sorora ou le levirat associé à la polygamie et
les mutilations génitales féminines.
Il faut ajouter à cela le phénomène des jeunes
filles bonnes et les mariages précoces. Le 3ème facteur
qui est tout aussi important, est la guerre depuis le 19 septembre 2002.
C’est donc très souvent la mort dans l’âme
que nous assistons impuissant à certaines pratiques et certains
comportements qui exposent les individus.
Notre Voie : Vous parliez tantôt de problèmes, entre autres matériels et financiers. Quel est le traitement que vous proposez à ceux qui viennent tout de même vous voir ?
Oura N’Guessan : Nous proposons pour les malades atteints du VIH/Sida, une prise en charge psychosociale. Nous avons ensuite non seulement la prise en charge des infections opportunistes, mais aussi celle des pathologies associées. Nous n’avons pas encore à notre disposition, les anti-rétroviraux. Nous orientons donc nos malades vers les centres hospitaliers universitaires à Abidjan, aux maladies infectieuses.
Notre Voie : Récemment le médecin du médico-scolaire affirmait que, chaque mois, il détectait en moyenne 30 cas d’infection sexuellement transmissible en milieu scolaire. Un commentaire?
Oura N’Guessan : Pour une petite ville comme Bondoukou, cela est grave.
Notre Voie : Dans quelle tranche d’âges situez-vous les dépistés et déclarés positifs. Et dans quel secteur d’activités les retrouve-t-on ?
Oura N’Guessan : En général, ce sont des commerçants. Nous avons ici un fort taux de femmes. La tranche d’âges se situe entre 35 et 40 ans, avec des cas extrêmes de 20 à 62 ans. Ceci veut tout simplement dire que nous retrouvons la maladie partout. Ce constat nous a amené à penser à l’ouverture d’un centre d’écoute pour les femmes afin de les instruire.
Notre Voie : Il existe maintenant un comité régional de lutte contre le sida à Bondoukou. Quelle est votre attente par rapport à cette structure ?
Oura N’Guessan : Nous avons besoin d’aide au niveau de la sensibilisation de la population, qui est à un stade embryonnaire dans le domaine du VIH/sida. Ici, les gens sont hostiles à l’usage des préservatifs. Aussi des conférenciers musulmans prêchent-ils dans ce sens. Il faut donc une sensibilisation accrue. Le VIH/sida est une réalité à Bondoukou. Les malades sont nombreux, et nous les rencontrons partout. Il est urgent de prendre des dispositions, car cette pandémie se répand assez rapidement. La maladie est présente dans la ville. Nous demandons donc aux autorités administratives, politiques et religieuses de nous aider dans notre tâche quotidienne. Aussi nos regards sont-ils tournés vers le ministère de la Santé afin qu’il nous vienne en aide et maintienne le CTA ouvert. Si cette structure ferme ses portes, ce sera une véritable catastrophe pour Bondoukou.
Entretien réalisé par Adolphe Ouattara
Lire l'article original : http://www.notrevoie.com/develop.asp?id=4310
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