Les résultats enregistrés après le dépistage de 300 personnes dont
une seule s'est révélée séropositive, et sur deux contingents en
partance et de retour de la RD Congo, fondent la fierté affichée
par les autorités sanitaires de l'armée nationale. Même si le médecin-colonel,
Cheikh Diagne, directeur de la Santé des Armées, qui a rencontré
lundi la presse, relativise ce "succès", il le fait surtout au regard
de la caractéristique assignée à sa corporation.
Groupe à risque classé au même registre que les prostitués (on
note au sein de ce dernier groupe un taux de prévalence de 12 à
15 %), l'armée est heureuse de se retrouver avec un taux qui ne
s'écarte pas trop du taux national. A cela s'ajoute un taux d'incidence
nul après le retour des contingents engagés dans les missions de
maintien de paix.
Les "circonstances à risque" s'analysant avec la mobilité perpétuelle
des troupes qui sont souvent en contact avec des populations réfugiées,
en quête de sécurité, et des communautés d'accueil pauvres. Ainsi,
pour gérer une bonne politique de prévention, les autorités militaires
entendent jouer aussi bien en amont et en aval des opérations et
embrasser large dans leurs objectifs spécifiques. L'objectif général
décliné vise, selon le colonel Diagne, à "maintenir la prévalence
au-dessous de 3 % d'ici à la fin de l'année 2006 au niveau militaire,
paramilitaire et en milieu carcéral".
Optimiste, le médecin-colonel envisage d'aller plus loin, eu égard
aux capacités et aux ressources dont dispose l'armée nationale (250
médecins, 400 infirmiers, un des meilleurs circuits de distribution
de condoms, etc.). Seulement, le Plan stratégique (2002-2006) de
lutte contre les IST-sida, présenté par le colonel Cheikh Diagne,
est en phase avec le cadre institutionnel national dans lequel il
s'intègre. L'armée veut prévenir les fâcheuses conséquences du VIH/SIDA
et des IST.
Cette volonté procède d'un détournement des problèmes liés à la
gestion des malades. Des problèmes qui se conjuguaient, souligne
le colonel, avec l'"absence de plan stratégique, de données statistiques
sur la prévalence, de moyens propres au diagnostic, d'un vide institutionnel,
de l'inexistence de moyens matériels et financiers, d'une absence
de formation du personnel de santé…"
L'abstinence n'est pas militaire
Avec près de 15 centres médicaux de garnison et 9 postes de santé,
un laboratoire de dépistage performant et une prise en charge, l'armée
nationale a de quoi veiller sur ses troupes. Grâce aux actions de
sensibilisation et aux campagnes d'information, d'éducation et de
communication qui ont permis des dépistages volontaires, les militaires
devraient bientôt parvenir à une maîtrise plus globale de la situation.
Le changement de comportement recherché s'obtiendra certainement
avec une dotation suffisante de préservatifs et le regard systématique
des relais (gradés de contact à qui il a été assigné de surveiller
les camarades). L'armée doit également conjurer ses "facteurs de
vulnérabilité" pour réaliser son dessein. Ces facteurs ont trait
à sa jeunesse, dont la vulnérabilité s'explique par le goût du risque,
à sa mobilité (séjours prolongés loin des foyers), à l'entretien
de rapports sexuels pour remédier au stress, à la solitude ou à
l'ennui. Différents volets, liés au plaidoyer et à la mobilisation
sociale, au développement des ressources humaines, à la prévention,
à la recherche seront développés pour les objectifs spécifiques.
L'armée a développé une politique de non-stigmatisation et de confidentialité…
Pour les nouvelles recrues, la période d'essai de 90 jours est toujours
de rigueur en vue de réformer les personnes malades. Et des cours
de secourisme sont prodigués aux uns et aux autres pour éviter la
transmission sanguine du VIH.
"L'abstinence n'est pas militaire", avancent certains. Mais on
peut faire du militaire un "citoyen avec une image de marque par
le comportement".
IBRAHIMA KHALILOULLAH NDIAYE
Lire l'article original : http://www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=28788&index__edition=9929
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