Trente-deux médecins des centres
d'Abobo, de Yopougon et de l'hôpital protestant de Dabou sont formés
depuis hier à la prise en charge des malades atteints de la pandémie.
La prise en charge des malades du Sida ou les porteurs de ce virus
ne sera plus seulement l'affaire exclusive des centres spécialisés.
La lutte contre cette maladie va s'étendre aux formations sanitaires
urbaines aux PMI d'Abobo, Yopougon et de Dabou. Ces centres recevront
en même temps que les autres malades, ceux qui sont touchés par
le virus du Sida. Cela sans classification. Et comme cette expérience
ne peut se faire sans la "complicité" des médecins, L'ONG Aconda,
l'initiateur forme depuis hier, trente deux médecins à l'USAC de
Treichville. Afin que ceux-ci soient plus aptes à la prescription
et au suivi : pour tout dire, la prise en charge. Le séminaire a
pour thème : "la prescription des anti rétroviraux".
Le Pr Thérèse N'dri Yoman, Doyen
honoraire de l'UFR des Sciences Médicales et présidente de l'ONG
Aconda affirme que ce nouveau projet de prise en charge de la maladie
consiste à "dédramatiser ce mal et éviter la stigmatisation".
Car étant donné tous les préjugés qui entourent le Sida, les malades
hésitent à fréquenter les centres spécialisés. Il s'agit, dès lors
pour Aconda, d'aller vers eux dans les quartiers et leur ouvrir
les centres de santé généralement fréquentés par tout le monde.
D'où le choix de communes à forte population telles Abobo, Yopougon
et Dabou. La ville de Sassandra figure également sur la liste des
hôpitaux à s'ouvrir aux malades. Comme autre avantage selon le Pr
N'dri Yoman, le coût du traitement mensuel. Lequel revient à 5000f.
L'expérience, débutée par la formation
sanitaire de Yopougon-attié, où a été installé un Centre de Prise
en Charge, de Recherche et de Formation (CEPREF), a été un succès,
selon le Directeur exécutif des programmes, le Dr Touré Siaka. Ce
centre intègre le dépistage, la prise en charge clinique des adultes,
des enfants et la prise en charge communautaire. Aconda est née,
selon le Pr, de la volonté d'un groupe de médecins ayant fait des
recherches sur le VIH et obtenu des résultats. Notons que la mise
sous ARV (anti-rétroviraux) des femmes enceintes a permis une réduction
de 25% de la maladie; ensuite, que la prophylaxie des affections
opportunistes par le produit Cotrimoxazole ou Bactrim, améliore
la survie des patients. Aconda signifie "réflexion profonde", dans
la plupart des langues Akan. Le projet a trois volets : la formation,
la recherche et la déconcentration vers la périphérie, en quittant
les centres spécialisés. Le projet a démarré avec 450 patients.
Des chiffres largement dépassés aujourd'hui, compte tenu de la propension
de la maladie. La formation prend fin vendredi.
Dédramatiser la maladie
Favoriser l'accès des anti-rétroviraux
à une plus grande population, par l'ouverture des formations sanitaires.
L'ONG Aconda a pris le pari avec les formations sanitaires d'Abobo,
Yopougon et Dabou. Ce qu'il faut surtout relever, c'est la détermination
pour cette ONG de "dédramatiser la maladie. Eviter la stigmatisation".
Parce que, dans la difficulté à traiter cette maladie, figure au
dire de la présidente, le Pr Thérèse N'dri Yoman la gêne de certains
malades à se présenter dans une structure spécialisée. Au risque
d'être identifiés et sujets à des ragots de toutes sortes. D'où
l'intérêt de la création des centres au sein des formations sanitaires.
Lesquels sont appelés à recevoir, comme pour tous les autres malades,
ceux qui sont touchés par le virus, au prix de 5000f. Dès le démarrage
des activités du centre de Yopougon-attié, où les consultations
se font dans le plus grand anonymat, les consultations sont passées,
au dire des praticiens de 40 à plus de 110 malades. Comment ne pas
comprendre dès lors le pr N'dri Yoman, qui insistait hier sur le
succès de cette opération : "il faut que tous les médecins puissent
prendre en charge cette maladie. Et que sa prise en charge soit
mise au même niveau que la tuberculose ou la fièvre typhoïde". L'expérience
est appelée à s'étendre à plusieurs communes. Cependant, ce qu'il
faut craindre, c'est le manque de moyens financiers pour le personnel.
Certains n'ont n'a pas caché leur désarroi face à cette épée de
Damoclès. Ils ont lancé un appel dans ce sens à l'Etat. A lui de
jouer maintenant sa partition pour favoriser la pérennisation du
programme et éviter sa mort. Il constitue pour l'heure un signe
d'espoir pour les patients dont le nombre ne cesse de grandir chaque
jour.
Marceline GNEPROUST
Lire l'article original : http://www.fratmat.co.ci/content/detail.php?cid=p10Yszp3L6h
Dr Touré Siaka (Directeur
des Programmes) : "Nous attendons un appui financier de l'état"
- Fraternité
matin - Côte d'Ivoire - 14/09/2004
Fraternité Matin : La
formation que vous initiez va durer cinq jours. Pensez-vous que
ce temps est suffisant pour que les bénéficiaires soient véritablement
outillés à la prise en charge du Sida, une maladie délicate ?
Docteur Touré Siaka
: Oui bien sûr. Les cinq jours de formation vont servir à
leur donner les rudiments nécessaires pour reconnaître les patients
infectés, en faisant le dépistage. Il s'agira aussi pour eux de
déceler les infections opportunistes et connaître les principes
des traitements antirétroviraux. Dans la mise en pratique des connaissances
qu'ils ont acquises sur le terrain, ces médecins seront suivis par
une équipe de supervision de l'ONG Aconda.
Fraternité Matin : Les
formations sanitaires sont-elles toutes équipées de matériels adéquats,
de sorte que les médecins formés soient tout de suite opérationnels
?
Docteur Touré Siaka
: Il s'agit là d'un processus. Et il faut dire que dans beaucoup
de ces structures de soins, il y a déjà des laboratoires qui font
des tests, notamment dans le cadre de la prévention mère-enfant.
Ce que nous voulons réussir ici, c'est amener les praticiens à acquérir
le réflexe de la proposition de tests. C'est-à-dire que devant tout
malade qui se présente à eux, ils proposent le test.
Cela dit, les structures dans lesquelles nos praticiens travaillent
sont des établissements publics ou privés à but non lucratif. Le
programme va leur apporter un soutien pour accomplir leur tâche,
par la mise à disposition de machines pour faire le comptage des
CD4. C'est un examen essentiel pour juger de l'efficacité du traitement.
Fraternité Matin : L'une
des difficultés de la lutte contre la Sida, c'est souvent la rupture
en médicaments. Avez-vous pris des dispositions pour éviter cette
situation ?
Docteur Touré Siaka
: Oui. Il est vrai que la question de la rupture est un vieux
débat. Cependant, il faut reconnaître que la gestion du médicament,
l'approvisionnement est un gros problème. On ne va pas reprendre
le procès de la pharmacie de la Santé publique. Mais la disponibilité
en fonds nécessaires pour acheter ces médicaments est l'une des
causes essentielles. Il se trouve que nous sommes un programme qui
a des appuis extérieurs importants et l'essentiel de ces appuis
va vers l'achat des médicaments. Ensuite un mécanisme est mis en
place pour que les achats se fassent directement auprès des fournisseurs
pour garantir l'approvisionnement. Le challenge ici réside plutôt
dans la prévision. D'autant les moyens d'acheter ne nous manquent
pas, il faut maintenant qu'on prévoit le nombre de personnes qui
seront sous traitement à un moment donné. Cela pour prendre le temps
de passer les commandes et avoir les produits sur place. Nous sommes
en train de mettre ce mécanisme en place.
Fraternité Matin : Les
ruptures sont d'autant plus à craindre qu'elles favorisent le trafic
illicite et parallèle. Cela pourrait arriver pour des médicaments
qui ne coûtent que 5000 ?
Docteur Touré Siaka
: Tout à fait. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles
on devrait les éviter. Le challenge comme je le disais tantôt, c'est
l'idée d'intégrer la prise en charge dans le système. Parce que
les travers habituels existent. Ce sont des choses difficiles à
éviter mais il nous faut trouver les moyens. Et dans la définition
de nos volets, l'un porte sur la gestion de médicaments, l'approvisionnent,
la gestion dans les pharmacies, les établissements, tout cela pour
assurer une traçabilité. A cet effet, nous formerons les gestionnaires.
Nous mettrons à leur disposition des outils informatiques, des logiciels.
Au niveau des pharmacies, nous prendrons des dispositions pour mettre
en place des locaux appropriés. Les bailleurs de fonds font de la
traçabilité une exigence.
Fraternité Matin : S'agit-il
là d'un projet à long terme ?
Docteur Touré Siaka
: Non, il ne s'agit pas de projet mais d'un programme qui
s'inscrit dans le cadre du programme national de lutte contre le
Sida qui est censé s'inscrire dan un long terme. Ce que l'on pourra
discuter, ce sont les appuis qui s'étendent malheureusement sur
une période donnée.
Fraternité Matin : On
connaît le Programme national de lutte contre le sida (PNLS), le
projet Retroci et maintenant Aconda. Qu'est-ce qui change ?
Docteur Touré Siaka
: Le PNLS est l'institution à qui il revient d'organiser
les soins des personnes infectées par le VIH. Ensuite elle projette
son programme d'activité, dans lequel tous les autres partenaires
doivent engager leur activité. Notre programme n'est qu'une partie
que le PNLS nous concède. Ainsi, nous sommes chargés de couvrir
les zones de Yopougon, d'Abobo et de Sassandra pour le compte du
PNLS. Si le programme marche mieux et que nous avons des moyens
supplémentaires, il est évident que nous allons élargir ces zones.
Fraternité Matin : Quels
sont vos rapports avec le projet Retroci ?
Docteur Touré Siaka
: Ce projet n'entre pas dans notre fonctionnement. Cependant,
il me semble qu'il entre dans le cadre d'un partenariat entre les
Etats-unis et la Côte d'Ivoire. Il s'agit d'un appui en terme de
logistique, de méthodologie et notamment de fonds. Chacun joue son
rôle. Le programme national définit les politiques, trace le cadre,
les autres s'y installent.
Fraternité Matin : Pourquoi
Abobo et Yopougon pour lancer le programme ?
Docteur Touré Siaka
: Initialement c'est la commune de Yopougon qui avait été
choisie, parce que nous avons travaillé au sein de la formation
sanitaire de Yopougon- attié. Nous y avons mis en place un projet
de recherche et un centre de traitement.
Dans un deuxième temps, nous avions voulu nous mettre en réseau
avec les autres structures de cette commune, quand, dans la recherche
de financement nous avons eu un appui plus important. Nous avons
pensé qu'il nous fallait élargir notre champ d'action à Abobo. Ces
deux communes sont, d'après ce que l'on nous a dit, les plus peuplées.
En plus, elles souffrent du manque de structure de soins spécialisés
dans la prise en charge des personnes infectées. Celles qui existent
sont le plus souvent concentrées à Treichville : on connaît le CHU
de Treichville avec l'USAC, le service des maladies infectieuses.
Yopougon et Abobo sont les parents pauvres de l'offre de soins des
personnes infectées.
Fraternité Matin : Quelle
est la mission de Aconda ?
Docteur Touré Siaka
: Il s'agit d'une association des professionnels de santé,
c'est-à-dire des médecins, de paramédicaux. C'est notre manière
de participer à la lutte contre cette pandémie, non pas comme des
prestataires simples mais comme des personnes qui peuvent réfléchir
pour améliorer la prise en charge et aussi trouver des moyens supplémentaires
pour aider les patients. Il y a très peu d'endroits où on prend
en charge les malades. Notre volonté, c'est de décentraliser au
maximum cette prise en charge. Donc en terme d'activité, il y a
par exemple le concept de PTME plus. Il consiste à proposer l'offre
de soins complète aux femmes, en plus du bébé. Il faut dire qu'initialement,
l'objectif était de prévenir la prévention de la transmission du
virus de la mère à l'enfant. Au bout du compte, l'enfant peut être
sauf mais après, rien n'était proposé à la mère. Il s'agit à présent
de la prendre en charge. C'est un concept plus large. Il s'étend
même à toute la famille. Ce concept est évalué sur deux sites à
Abidjan. On espère pouvoir en faire un modèle de soins qu'on pourra
généraliser. C'est le prototype de notre démarche.
Fraternité Matin : Le
gouvernement a-t-il participé à la création de Aconda ? D'où vient
cette initiative ?
Docteur Touré Siaka
: C'est une initiative de praticiens. Le partenariat entre
la France et la Côte d'Ivoire qui existait à travers le PACCI avait
pris fin. Nous avons pensé aux malades, qui risquaient d'être livrés
à eux. Les compétences étaient déjà en place. Il fallait mieux les
garder. On a donc imaginé une structure. Elle aurait pu être publique
mais cela nous aurait limité. En effet dès que nous avons commencé
à rédiger nos projets, des partenariats avec des fondations et des
institutions nous sont venus de partout. On compte, l'université
de Columbia, celle de Bordeaux. Notre dernier soutien vient de la
Fondation Helène Glaser. Il nous a permis d'organiser cette formation.
Fraternité Matin : Comment
se fait la collaboration avec le ministère de la Santé ?
Docteur Touré Siaka
: Nous sommes liés par une convention. Toutes nos actions
se situent dans le cadre du ministère de la Santé. Ce que nous souhaitons
maintenant, c'est un appui financier. Parce que les financements
que nous recevons aujourd'hui sont essentiellement destinés aux
malades. Très peu va dans le fonctionnement des personnels. On estime
qu'il revient à l'Etat de mettre en œuvre des structures.
Marceline GNEPROUST
Lire l'article original : http://www.fratmat.co.ci/content/detail.php?cid=53wrO7OdHae
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