Le Sénégal va célébrer, le 6 octobre prochain,
la Journée africaine du don de sang. C'est sous ce prétexte que
nous avons rencontré le Pr. Lamine Diakhaté, directeur du Centre
national de transfusion sanguine, établissement public de santé
et référence nationale dans le domaine de l'hématologie. Il a lancé
un véritable cri du cœur pour appeler les Sénégalais adultes des
deux sexes à contribuer à la résorption du déficit entre la demande
et l'offre en matière de sang à transfuser. C'est en quelque sorte
un appel national pour sauver des vies…
Le Soleil : Pouvez-vous nous
faire une présentation sommaire du Centre national de transfusion
sanguine (CNTS) ?
Professeur Lamine Diakhaté
: Le Centre national de transfusion sanguine est un service
qui dépend du ministère de la santé, et dont la vocation essentielle
est d'assurer la sécurité de la transfusion sanguine sur l'ensemble
du territoire national. Nous avons aussi pour vocation de faire
la collecte et la distribution du sang. Depuis que le centre a été
érigé en établissement public de santé (EPS), il est également de
notre ressort d'élaborer la politique nationale de transfusion sanguine.
D'ailleurs, un document stratégique a été élaboré et il sera ultérieurement
soumis aux instances supérieures pour approbation.
L'autre chose qu'il faut préciser, c'est que le sang est un liquide
très précieux et il faut qu'une personne bien portante puisse en
donner. Ceci pour assurer une certaine solidarité entre les hommes.
Parce que vous savez que le sang est utilisé dans les hôpitaux en
permanence. Par exemple, si nous prenons le cas d'un patient devant
subir une opération chirurgicale, d'une femme en saignée par suite
d'accouchement, ou celui d'un enfant anémié, entre autres cas cruciaux,
nous sommes souvent obligés de faire appel à des bonnes volontés
pour pouvoir effectuer une collecte rapide.
Le Soleil : En ce qui concerne
l'offre et la demande, quelle est la situation des dons de sang
au Sénégal ?
Professeur Lamine Diakhaté
: Les offres sont nettement inférieures à la demande. La
raison vient du fait que le centre national de transfusion sanguine
n'est pas fréquenté, comme on l'aurait souhaité, par la population.
Et selon les normes de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS),
pour qu'un pays soit couvert sur le plan de ses besoins, il faudrait
au moins que dix pour cent de la population soit des donneurs de
sang. Au Sénégal, nous sommes encore loin de là dans la satisfaction
des besoins. Bon an mal an, nous faisons des collectes qui tournent
autour de 25 à 35000 dons de sang par an. Sur une population de
dix millions d'habitants, vous comprendrez que le ratio est trop
faible. Puisqu'on devrait au moins atteindre les 200000 poches de
sang capables de nous propulser au niveau des minima fixés par l'Oms,
afin de couvrir les besoins existants. Jusque-là, nous arrivons
à faire face à la demande venant des différents hôpitaux, mais il
est d'une impérieuse nécessité que la fréquentation du centre soit
beaucoup plus importante. Ce qui peut nous permettre de stocker
de très larges quantités de sang en vue de répondre à n'importe
quelle catastrophe qui pourrait survenir.
Le Soleil : Est-ce à dire que
les donneurs ne répondent pas à vos appels ?
Professeur Lamine Diakhaté
: Ils ne répondent pas comme on l'aurait souhaité. S'ils
fréquentent régulièrement le CNTS, c'est souvent tous les trois
mois lorsqu'il s'agit d'un homme ou tous les quatre mois, lorsqu'il
s'agit d'une femme. La démarche la plus judicieuse pour nous serait
d'avoir des donneurs réguliers, mais également fidélisés qui puissent
nous permettre de disposer toujours de sang de bonne qualité. Autrement,
nous serons obligés de procéder à des analyses en passant par un
traitement de laboratoire apte à nous assurer que le sang est absolument
indemne de tout virus. C'est à ce moment seulement que nous le mettons
en circulation.
Le Soleil : L'avènement du VIH/sida
ne constitue-t-il pas un facteur d'inhibition dans la propension
des Sénégalais à faire un don de sang ?
Professeur Lamine Diakhaté
: Évidemment, au début de l'avènement du sida, beaucoup de
gens rechignaient à venir donner du sang. Mais, c'est une situation
qui reposait sur trop d'amalgame et de confusion. Et cela ne se
justifiait point, puisque entre donner du sang et le sida, il n'y
avait pas d'inquiétudes à se faire. Depuis, la tendance s'est inversée.
Parce que les conditions de sécurité sont telles qu'il est pratiquement
impossible de retomber dans ces fausses opinions. Aujourd'hui, quand
le donneur de sang vient au Cnts, il est sur les fauteuils de prélèvement,
lequel se fait avec du matériel absolument stérile. On ouvre devant
lui le matériel tout neuf et qui n'a jamais servi. A partir de ce
moment, il est édifié sur l'absence totale de risque de contamination.
Il faut dire maintenant que la réalité est tout autre. Il y a des
gens qui pratiquent la politique de l'Autriche parce qu'ils ont
peur de connaître leur statut sérologique, ils préfèrent rester
dans le flou que de savoir qu'ils ont ou non le virus dans le sang.
D'autres vont même plus loin en vous disant : si vous trouvez que
j'ai le virus ne me le dîtes pas ! ! !
Le Soleil : Pourtant on remarque
qu'il y a plusieurs entreprises de la place qui répondent à vos
appels. Cela ne vous permet-il pas toujours de résorber la demande
?
Professeur Lamine Diakhaté
: Absolument ! Je profite de l'occasion pour remercier toutes
ces entreprises qui nous aident dans la recherche quotidienne de
sang. Naturellement, leur aide est d'un précieux apport. Il y a
à souligner également que c'est notre équipe mobile qui, le plus
souvent, sillonne les différentes entreprises. Ce sont là des opérations
qui se passent sans trop de difficultés. Puisque les chefs d'entreprise
et les travailleurs répondent favorablement à notre appel. Ils font
véritablement montre d'un grand esprit de solidarité.
Le Soleil : Quelle est la situation
des banques de sang au Sénégal ?
Professeur Lamine Diakhaté
: Notre politique sur le plan national est de faire en sorte
que l'ensemble du pays soit couvert en besoin en sang. Comme cela
se fait dans les pays développés, le Cnts fonctionne comme un organisme
régulateur qui a des banques de sang dans toutes les régions. Nous
travaillons également à ce que toutes les régions arrivent à un
niveau d'autosuffisance en matière de produits sanguins. Autant
il y a des banques de sang que de régions, autant cela nous facilite
la tâche en faisant de telle sorte que ces régions ne puissent pas
venir jusqu'à Dakar pour se ravitailler en sang. Actuellement les
banques de sang régionales assurent une très bonne couverture. Le
travail se fait également de la même manière que le CNTS au niveau
des techniques de prélèvement, en matière de réactifs et de tests
de laboratoire.
Le Soleil : Quels sont, au niveau
structurel, les véritables problèmes que vous rencontrez dans le
secteur ?
Professeur Lamine Diakhaté
: Ils sont essentiellement d'ordre logistique. Nous souhaiterions
naturellement être équipé de manière très moderne, parce que vous
savez que les avancées technologiques offrent actuellement un large
éventail de possibilités. Il est possible de procéder à ce qu'on
appelle un fractionnement du sang très poussé. A partir d'une seule
poche de sang, on peut fabriquer plusieurs dérivés, ensuite les
préparer pour finalement les distribuer à des malades différents
(ndlr : hémophiles, anémiés, drépanocytaires, etc.). Car vous savez,
en fonction de la maladie, certains patients n'ont besoin que des
globules rouges et non du plasma, et vice-versa. C'est dire qu'avec
un fractionnement très poussé et un équipement très moderne, on
pourrait régler tous ces problèmes.
Propos recueillis par Abdoulie John
Lire l'article original : http://www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=42547&index__edition=10304
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