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ENQUETE : Le Sida, au début d'un nouveau millénaire - Sud quotidien - Sénégal - 02/01/02

Par Ismaïla SARRE

Les systèmes de surveillance du Vih/Sida des pays africains au sud du Sahara figurent parmi les meilleurs du monde. Ils montrent de manière tangible que l'infection Vih s'est stabilisée à un taux assez bas au Sénégal et que les taux excessivement élevés de l'Ouganda se sont abaissés. Mais dans la plupart des pays subsahariens, les adultes et les enfants sont infectés par le Vih à un rythme plus soutenu que jamais. Prostitution, émigration, sont entre autres, les causes de cette pandémie dont les chercheurs n'ont pas encore trouver le vaccin. Seuls les antirétroviraux sont disponibles mais restent encore inaccessibles aux malades des pays en voie de développement.

Selon les statistiques datant de décembre 2000 sur les Ist/Sida au Sénégal, 80.000 personnes sont infectées par le virus du Sida dont 30.000 sont décédées laissant 20.000 orphelins.

Lorsque l'émigration mène au Sida

Etant sur un lit dans une chambre mal éclairée, C. Diop, 37 ans rumine sa souffrance. Cela fait maintenant quatre mois qu'il est couché. "Dire que j'avais laissé ma femme et mes enfants pour aller chercher fortune en Afrique Centrale" nous lance-t-il entre deux hoquets avec une voix presque inaudible.

En effet C. Diop est originaire la région du fleuve. Il y a neuf ans, il a quitté son village natal où les rigueur d'une rude sécheresse l'avait chassé pour venir chercher de quoi subvenir aux besoins de sa famille à Dakar. Ayant laissé une épouse et trois enfants, il s'installé dans la banlieue dakaoise tout en menant des activités informelles dans les marchés de Sandaga et Tilèle. Cependant, chaque année, à l'approche de la fête de Tabaski, il retournait au village pour voir sa petite famille ainsi que ses vieux parents. "J'ai mené cette vie jusqu'en 1996 où grâce à mes petite économie j'ai pu prendre le train de Dakar-Bamako pour finalement déposer mes baluchons en Côte D'ivoire" confie-t-il. Ayant déjà fait l'école de la souffrance et de l'endurance pour gagner sa vie à Dakar, il n'eut aucune peine à s'adonner aux petits métiers. "Dès fois j'allais au port d'Abijan pour faire le docker et lorsqu'il n'y avait pas de bâteaux qui déchargeaient des marchandises, je retapais des chaussures et faisais du cirage grâce à mes connaissances en coordonnerie que j'ai acquise auprès d'un cousin logeait avec moi à Dakar". Et de poursuivre qu'après onze mois de galère et de privations, il parvint à rassembler le prix du transport pour rallier la Centrafrique. C'est de cette région centrale de l'Afrique qu'est parti tout son malheur. Il explique en effet que dès son arrivée, ayant trouvé des parents qui sont originaires de la même région que lui, il n'a pas eu des difficultés à s'insérer contrairement à ces différentes autres périples où il a galéré pour se faire une place. "Après le boulot, je vivais comme un pacha. Je changeai de fille comme de chemise" se rappelle-t-il un pincement au coeur. En effet, cette liberté qu'il n'avais jamais auparavant le rendait insouscient et comme faisait comme il le disait qu'il croquait la vie à belles dents. "Comme que j'envoyais régulièrement de l'argent au village, je me disais que j'avais accompli mon devoir et que la vie que je menais dans mon pays d'accueil ne regardait que moi". Cependant trois ans après qu'il se soit véritablement intégré à sa nouvelle "patrie", une maladie mystérieuse le terrassa. "J'ai fait toutes les consultations possibles et imaginables mais les médecins me donnaient toujours un diagnostic flou: Nous n'avons pas déceler les causes de ta maladie par conséquent nous ne pouvons pas te soigner". Voyant ses économies fondre comme du beurre au soleil, ses parents lui conseillèrent de retourner à Dakar alors qu'il encore temps pour qu'il puisse aller voir du côté des guérisseurs traditionnels comme que la médecine moderne n'a pu rien deceler de sa maladie mystérieuse. C'est ainsi que les ressortissants de son vilage cotisèrent et lui payèrent son billet retour.

Dès son retour, il est allé faire des consultations à l'hôpital Fann. Et c'est à l'issue d'une d'elles qu'on lui a révélé les résultats des analyses sanguines qui ont été effectuées sur lui. Il a le Sida. "C'est comme si on m'annonçait la fin du monde" balbutie-t-il. Après des séances de conselling, il est parvenu à accepter sa maladie. "J'ai décidé de rentrer chez mes parents et de mourir auprès de ma famille" s'est-il résolu. Cependant, il a décidé de ne pas contaminer son épouse. C'est pourquoi il compte de la répudier dès son retour malgré les conseils de son médecin traitant qui lui indiqué qu'il pouvait continuer de vivre avec lui en prenant des précautions notamment en utilisant des préservatifs.

Des cas comme celui de C. Diop, il en existe beaucoup de nos jours. En effet comme le confie le Dr. Ibra Ndoye, l'immigration à côté de la prostitution est l'une des causes de propagation de virus du Sida dans nos pays. C'est ainsi que certaines régions commer Saint-Louis, Louga et Tambacounda où il y a une forte colonie d'émigrés, le Sida y fait des ravages incalculables. "La plupart des émigrés reviennent de leurs virées avec le Sida et en retour ils contaminent le plus souvent leurs épouses ou petites amies" confiait un médecin que nous avons rencontré à Ourossogui dans le département de Matam.

Campagne nationale contre le Sida

C'est dans le cadre de la lutte contre le Sida, qu'une campagne nationale de mobilisation sociale contre les ist/sida a été lancé le 26 août 2001 par le ministère de la santé et de la Prévention. Pendant trois mois, des actions de prévention ont été initiées à grande échelle à l'endroit des populations dans les différentes régions du Sénégal pour renforcer davantage la lutte contre les Ist/Sida.

Consciente que le Sénégal est l'un des rares pays ayant connu un succès dans le cadre de sa politique de prévention des Ist/Sida, le Pr. Marie Eva Coll Seck, ministre de la Santé et de la Prévention considère que malgré le fait que la prévalence reste estimée à 1,4% de la population générale, toutes les forces vives de la nation doivent être mobilisées afin d'en limiter la propagation. En effet, elle estime que malgré le faible taux de prévalence du virus du Sida qui constitue un succès entrant dans le programme national de lutte contre le Sida, il ne faut pas crier très tôt victoire 'car le Sida n'a pas de frontières et que tout le monde est concerné par ce fléau". Aussi, est-elle résolument décidé à renforcer les capacités de prévention contre la pandémie afin d'éviter au Sénégal d'atteindre le taux de 3% en permettant de toucher et d'informer les populations jusque dans leurs localités et aborder les aspects importants de cette prévention.

La campagne de mobilisation sociale est un outil important dans la lutte contre le Sida. Car comme le soulignent les responsables du programme national de lutte contre le Sida, "l'épidémie du Vih/Sida est suffisamment complexe pour appeler une plus grande diversification des actions de sensibilisation en tenant compte des croyances et comportements de chacun". Construite autour des idées fortes de "s'abstenir, prévenir et se protéger", la campagne a par des sketches et des jeux dans les différentes langues nationales essayé de poser avec acuité toutes les dimensions sociales, culturelles et économiques des comportements qui sont à la base de la propagation pernicieuse des Ist/Sida. D'où l'intérêt, selon les initiateurs, de cette démarche qui va permettre d'instaurer un climat de dialogue et de complicité entre les acteurs et le public à travers des jeux de rôle engageant.

Kolda, Tambacounda, Kaolack, Mbour,...,des carrefours à risques

La lutte contre le Sida est un long combat. Comme l'a fait savoir le Dr. Ibra Ndoye, coordonnateur du programme national de lutte contre le Sida, "nous devons tout faire pour rester au dessous du taux de prévalence de 3% car au delà la situation deviendra incontrôlable".

Mais dans certaines régions comme Koda, Tambacounda, Kaolack et dans le département de Mbour, le combat contre le Sida n'est pas gagné d'avance malgré les nombreuses campagnes de sensibilisation menées ça et là. Et pour cause:

Les projections de l'an 2000 estiment à 4.000 cas le nombre de séropositifs à Fouladou Pakao. En effet Kolda est une vaste région pauvre, frontalier avec trois autres pays est une zone à risque pour la progression du Sida. En effet Kolda, en plus e sa position géographique "stratégique" a une population très mobile. Le marché hebdommadaire où "louma" est un îlot de prostitution clandestine. Selon le médecin de région, le colonel Samba Ndiaye qui se prononçait au cours d'un point de presse marquant le lancement de la campagne de mobilisation sociale contre les Ist/Sida à Kolda, "la séropositivité dans notre pays augmente du nord au sud. Kolda n'étant pas une région sentinelle, les spécialistes ont toutes les difficultés pour avoir des statistiques fiables". En plus, déplore-t-il, "Kolda ne dispose pas d'une unité de dépistage de Sida".

Au Sénégal, dira-t-il, "80% des porteurs du virus ne le savent pas". C'est pourquoi il préconise la mise à disposition de la région de Kolda, d'une unité de dépistage et d'une unité de surveillance tout en développant un programme de prise en charge des prostituées et des personnes vivantes avec le Vih.

L'accroissement la mobilisation sociale dans la région de Kolda est devenu une nécessité. En effet sur 1600 personnes interrogées, seules 19,6% disent utiliser le préservatif et 63% seulement d'entres elles affirment connaître les modes de transmission du Sida. C'est la même situation dramatique qui prévaut dans la région de Tambacounda.

Améliorer l'accès aux médicaments antirétroviraux

Améliorer l'accès aux médicaments qui sont particulièrement importants pour les personnes vivant avec une infection Vih constitue une stratégie prioritaire qui suscite beaucoup d'intérêt de par le monde à l'heure actuelle.

En effet l'accès aux médicaments est entravé par la difficulté que rencontrent les systèmes de santé dans les pays en développement à assurer une utilisation et un choix rationnels des médicaments, à suivre l'évolution des malades et à gérer leurs ressources en médicaments. Les antirétroviraux sont encore sous brevet dans les pays nantis, ce qui les rend inaccessibles financièrement pour la plupart des personnes infectées par le Vih. Cependant au Sénégal; une initiative nationale concernant l'accès aux médicaments a conduit à des réductions de prix sur les médicaments antirétroviraux.

Selon l'Onusida, il est possible d'arriver à des dimunitions de prix par d'autres voies que celle qui consiste à négocier avec les titulaires de brevets. On peut par exemple, selon l'Onusida, recourir à l'alternative qui consdiste à produire ou à importer des médicaments génériques.

Lire l'article original : www.sudonline.sn/archives/02012002.htm

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