Par
Ismaïla SARRE
Les
systèmes de surveillance du Vih/Sida des pays africains au sud du
Sahara figurent parmi les meilleurs du monde. Ils montrent de manière
tangible que l'infection Vih s'est stabilisée à un taux assez bas
au Sénégal et que les taux excessivement élevés de l'Ouganda se
sont abaissés. Mais dans la plupart des pays subsahariens, les adultes
et les enfants sont infectés par le Vih à un rythme plus soutenu
que jamais. Prostitution, émigration, sont entre autres, les causes
de cette pandémie dont les chercheurs n'ont pas encore trouver le
vaccin. Seuls les antirétroviraux sont disponibles mais restent
encore inaccessibles aux malades des pays en voie de développement.
Selon
les statistiques datant de décembre 2000 sur les Ist/Sida au Sénégal,
80.000 personnes sont infectées par le virus du Sida dont 30.000
sont décédées laissant 20.000 orphelins.
Lorsque
l'émigration mène au Sida
Etant
sur un lit dans une chambre mal éclairée, C. Diop, 37 ans rumine
sa souffrance. Cela fait maintenant quatre mois qu'il est couché.
"Dire que j'avais laissé ma femme et mes enfants pour aller chercher
fortune en Afrique Centrale" nous lance-t-il entre deux hoquets
avec une voix presque inaudible.
En
effet C. Diop est originaire la région du fleuve. Il y a neuf ans,
il a quitté son village natal où les rigueur d'une rude sécheresse
l'avait chassé pour venir chercher de quoi subvenir aux besoins
de sa famille à Dakar. Ayant laissé une épouse et trois enfants,
il s'installé dans la banlieue dakaoise tout en menant des activités
informelles dans les marchés de Sandaga et Tilèle. Cependant, chaque
année, à l'approche de la fête de Tabaski, il retournait au village
pour voir sa petite famille ainsi que ses vieux parents. "J'ai mené
cette vie jusqu'en 1996 où grâce à mes petite économie j'ai pu prendre
le train de Dakar-Bamako pour finalement déposer mes baluchons en
Côte D'ivoire" confie-t-il. Ayant déjà fait l'école de la souffrance
et de l'endurance pour gagner sa vie à Dakar, il n'eut aucune peine
à s'adonner aux petits métiers. "Dès fois j'allais au port d'Abijan
pour faire le docker et lorsqu'il n'y avait pas de bâteaux qui déchargeaient
des marchandises, je retapais des chaussures et faisais du cirage
grâce à mes connaissances en coordonnerie que j'ai acquise auprès
d'un cousin logeait avec moi à Dakar". Et de poursuivre qu'après
onze mois de galère et de privations, il parvint à rassembler le
prix du transport pour rallier la Centrafrique. C'est de cette région
centrale de l'Afrique qu'est parti tout son malheur. Il explique
en effet que dès son arrivée, ayant trouvé des parents qui sont
originaires de la même région que lui, il n'a pas eu des difficultés
à s'insérer contrairement à ces différentes autres périples où il
a galéré pour se faire une place. "Après le boulot, je vivais comme
un pacha. Je changeai de fille comme de chemise" se rappelle-t-il
un pincement au coeur. En effet, cette liberté qu'il n'avais jamais
auparavant le rendait insouscient et comme faisait comme il le disait
qu'il croquait la vie à belles dents. "Comme que j'envoyais régulièrement
de l'argent au village, je me disais que j'avais accompli mon devoir
et que la vie que je menais dans mon pays d'accueil ne regardait
que moi". Cependant trois ans après qu'il se soit véritablement
intégré à sa nouvelle "patrie", une maladie mystérieuse le terrassa.
"J'ai fait toutes les consultations possibles et imaginables mais
les médecins me donnaient toujours un diagnostic flou: Nous n'avons
pas déceler les causes de ta maladie par conséquent nous ne pouvons
pas te soigner". Voyant ses économies fondre comme du beurre au
soleil, ses parents lui conseillèrent de retourner à Dakar alors
qu'il encore temps pour qu'il puisse aller voir du côté des guérisseurs
traditionnels comme que la médecine moderne n'a pu rien deceler
de sa maladie mystérieuse. C'est ainsi que les ressortissants de
son vilage cotisèrent et lui payèrent son billet retour.
Dès
son retour, il est allé faire des consultations à l'hôpital Fann.
Et c'est à l'issue d'une d'elles qu'on lui a révélé les résultats
des analyses sanguines qui ont été effectuées sur lui. Il a le Sida.
"C'est comme si on m'annonçait la fin du monde" balbutie-t-il. Après
des séances de conselling, il est parvenu à accepter sa maladie.
"J'ai décidé de rentrer chez mes parents et de mourir auprès de
ma famille" s'est-il résolu. Cependant, il a décidé de ne pas contaminer
son épouse. C'est pourquoi il compte de la répudier dès son retour
malgré les conseils de son médecin traitant qui lui indiqué qu'il
pouvait continuer de vivre avec lui en prenant des précautions notamment
en utilisant des préservatifs.
Des cas comme celui de C. Diop, il en existe beaucoup de nos jours.
En effet comme le confie le Dr. Ibra Ndoye, l'immigration à côté
de la prostitution est l'une des causes de propagation de virus
du Sida dans nos pays. C'est ainsi que certaines régions commer
Saint-Louis, Louga et Tambacounda où il y a une forte colonie d'émigrés,
le Sida y fait des ravages incalculables. "La plupart des émigrés
reviennent de leurs virées avec le Sida et en retour ils contaminent
le plus souvent leurs épouses ou petites amies" confiait un médecin
que nous avons rencontré à Ourossogui dans le département de Matam.
Campagne
nationale contre le Sida
C'est dans le cadre de la lutte contre le Sida, qu'une campagne
nationale de mobilisation sociale contre les ist/sida a été lancé
le 26 août 2001 par le ministère de la santé et de la Prévention.
Pendant trois mois, des actions de prévention ont été initiées à
grande échelle à l'endroit des populations dans les différentes
régions du Sénégal pour renforcer davantage la lutte contre les
Ist/Sida.
Consciente
que le Sénégal est l'un des rares pays ayant connu un succès dans
le cadre de sa politique de prévention des Ist/Sida, le Pr. Marie
Eva Coll Seck, ministre de la Santé et de la Prévention considère
que malgré le fait que la prévalence reste estimée à 1,4% de la
population générale, toutes les forces vives de la nation doivent
être mobilisées afin d'en limiter la propagation. En effet, elle
estime que malgré le faible taux de prévalence du virus du Sida
qui constitue un succès entrant dans le programme national de lutte
contre le Sida, il ne faut pas crier très tôt victoire 'car le Sida
n'a pas de frontières et que tout le monde est concerné par ce fléau".
Aussi, est-elle résolument décidé à renforcer les capacités de prévention
contre la pandémie afin d'éviter au Sénégal d'atteindre le taux
de 3% en permettant de toucher et d'informer les populations jusque
dans leurs localités et aborder les aspects importants de cette
prévention.
La campagne de mobilisation sociale est un outil important dans
la lutte contre le Sida. Car comme le soulignent les responsables
du programme national de lutte contre le Sida, "l'épidémie du Vih/Sida
est suffisamment complexe pour appeler une plus grande diversification
des actions de sensibilisation en tenant compte des croyances et
comportements de chacun". Construite autour des idées fortes de
"s'abstenir, prévenir et se protéger", la campagne a par des sketches
et des jeux dans les différentes langues nationales essayé de poser
avec acuité toutes les dimensions sociales, culturelles et économiques
des comportements qui sont à la base de la propagation pernicieuse
des Ist/Sida. D'où l'intérêt, selon les initiateurs, de cette démarche
qui va permettre d'instaurer un climat de dialogue et de complicité
entre les acteurs et le public à travers des jeux de rôle engageant.
Kolda,
Tambacounda, Kaolack, Mbour,...,des carrefours à risques
La
lutte contre le Sida est un long combat. Comme l'a fait savoir le
Dr. Ibra Ndoye, coordonnateur du programme national de lutte contre
le Sida, "nous devons tout faire pour rester au dessous du taux
de prévalence de 3% car au delà la situation deviendra incontrôlable".
Mais
dans certaines régions comme Koda, Tambacounda, Kaolack et dans
le département de Mbour, le combat contre le Sida n'est pas gagné
d'avance malgré les nombreuses campagnes de sensibilisation menées
ça et là. Et pour cause:
Les
projections de l'an 2000 estiment à 4.000 cas le nombre de séropositifs
à Fouladou Pakao. En effet Kolda est une vaste région pauvre, frontalier
avec trois autres pays est une zone à risque pour la progression
du Sida. En effet Kolda, en plus e sa position géographique "stratégique"
a une population très mobile. Le marché hebdommadaire où "louma"
est un îlot de prostitution clandestine. Selon le médecin de région,
le colonel Samba Ndiaye qui se prononçait au cours d'un point de
presse marquant le lancement de la campagne de mobilisation sociale
contre les Ist/Sida à Kolda, "la séropositivité dans notre pays
augmente du nord au sud. Kolda n'étant pas une région sentinelle,
les spécialistes ont toutes les difficultés pour avoir des statistiques
fiables". En plus, déplore-t-il, "Kolda ne dispose pas d'une unité
de dépistage de Sida".
Au
Sénégal, dira-t-il, "80% des porteurs du virus ne le savent pas".
C'est pourquoi il préconise la mise à disposition de la région de
Kolda, d'une unité de dépistage et d'une unité de surveillance tout
en développant un programme de prise en charge des prostituées et
des personnes vivantes avec le Vih.
L'accroissement
la mobilisation sociale dans la région de Kolda est devenu une nécessité.
En effet sur 1600 personnes interrogées, seules 19,6% disent utiliser
le préservatif et 63% seulement d'entres elles affirment connaître
les modes de transmission du Sida. C'est la même situation dramatique
qui prévaut dans la région de Tambacounda.
Améliorer l'accès aux médicaments antirétroviraux
Améliorer
l'accès aux médicaments qui sont particulièrement importants pour
les personnes vivant avec une infection Vih constitue une stratégie
prioritaire qui suscite beaucoup d'intérêt de par le monde à l'heure
actuelle.
En effet l'accès aux médicaments est entravé par la difficulté que
rencontrent les systèmes de santé dans les pays en développement
à assurer une utilisation et un choix rationnels des médicaments,
à suivre l'évolution des malades et à gérer leurs ressources en
médicaments. Les antirétroviraux sont encore sous brevet dans les
pays nantis, ce qui les rend inaccessibles financièrement pour la
plupart des personnes infectées par le Vih. Cependant au Sénégal;
une initiative nationale concernant l'accès aux médicaments a conduit
à des réductions de prix sur les médicaments antirétroviraux.
Selon
l'Onusida, il est possible d'arriver à des dimunitions de prix par
d'autres voies que celle qui consiste à négocier avec les titulaires
de brevets. On peut par exemple, selon l'Onusida, recourir à l'alternative
qui consdiste à produire ou à importer des médicaments génériques.
Lire l'article original : www.sudonline.sn/archives/02012002.htm
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