Aïssatou
Diallo, mariée depuis 15 ans, est stérile. Couchée sur une table
de soins, elle a, à côté d’elle, un échographe, un ordinateur et
un téléphone “ satellitaire ”. A son chevet, des membres de la FISSA
(Force d’Intervention Sanitaire et Satellitaire Auto-portée), une
association humanitaire française soutenue par les ingénieurs du
Centre National d’Etudes Spatiales (CNES), des spécialistes sénégalais
de la médecine du ministère de la Santé. Ces spécialistes s’affairent
avec des gestes maîtrisés sur le cas de cette jeune malade, sous
l’œil vigilant de la présidente de l’Association “ Education Santé
”, Mme Viviane Wade. Elle a, pendant tout le temps, observé ce manège
technico-médical, une première en matière de télémédecine au Sénégal.
Les
résultats de son diagnostic sont envoyés par satellite à 740 km
de là, précisément à l’hôpital Aristides Le Dantec, pour y être
évalués et renvoyés à Nienefescha, en plein pays Bédick, sur les
montagnes du département de Kédougou. Aïssatou Diallo, hormis des
pathologies primaires, couve un kyste ovaire. Elle va être évacuée
vers le district sanitaire de Kédougou ou à Tamba et même sur Dakar.
Elle, comme la dizaine de patientes, a eu la chance de participer
à cette véritable innovation technologique : la télémédecine. Une
médecine à distance, qui permet d’examiner des patientes situées
dans des zones isolées et enclavées. Une haute technologie au service
de la santé pour tous, afin de rapprocher le médecin de ses patients.
Mme Viviane Wade sort de cette salle aménagée dans un coin de la
grande case bâtie au centre de ce qui va devenir l’hôpital de brousse
de Nienefesha, puis lance : “ C’est formidable ”. Cette exclamation
est relayée par le beau monde qui vient de constater, avec les populations
locales, à cette prouesse technique en pleine zone rurale. “
Cette
technologie, a indiqué la présidente de l’Association “ Education
Santé ”, va permettre de combler un retard de plusieurs décennies
en matière d’accès aux soins. François Camara, un jeune Bédick de
4 ans, qui a transformé les lianes d’un gros arbre gisant au milieu
de l’hôpital sortis de terre en balançoire, ne sait pas que son
hameau vient d’abriter une démonstration de haute technologie au
service de la santé. La télémédecine permettra, comme tant d’autres
technologies auxquelles nos pays doivent accéder, de sauver des
vies humaines.
LE
COUPLE WADE EN PREMIERE LIGNE
C’est
un symbole pour Mme Viviane Wade et pour le Sénégal des profondeurs
et Me Abdoulaye Wade, très attentif à ces questions essentielles
de santé et de prévention. D’ailleurs, à l’autre bout, à l’hôpital
Aristides Le Dantec, Me Wade était lui aussi présent pour assister
à cette présentation. Il y était accompagné de Mme le Premier ministre,
Mame Madior Boye et du Pr Awa Marie Coll Seck, ministre de la Santé
et de la Prévention.
C’est
aussi une heureuse coïncidence pour Mme Wade, car le président Wade
a été choisi par ses pairs de l’Afrique sub-saharienne pour développer
les nouvelles technologies à l’échelle du continent. Me Wade a beaucoup
apprécié les potentialités de la télémédecine, avant d’appeler à
un développement de cette technologie dans notre pays.
Cette
première expérimentation technique au Sénégal, après un peu plus
d’un an de préparation avec l’ensemble des partenaires, est la première
réponse concrète de mise en œuvre des nouvelles technologies sur
le terrain. “ Nienefesha, a précisé la présidente de ‘’Santé Education’’,
est une localité que j’adore. C’est aussi un laboratoire, a-t-elle
précisé, où il ne suffit pas seulement de faire de la santé, mais
également des activités de développement de l’éducation, d’agriculture
et social ”. Pour Mme : “ il ne peut y avoir santé pour tous sans
une mutuelle ”. Elle a annoncé la création dans un futur proche
d’une ferme-école. CASE DES TOUT-PETITS “
Nous
allons finalement concrétiser notre hôpital de brousse, a dit Mme
Wade. Le projet a commencé en novembre et le bâtiment de l’hôpital
est sorti de terre. L’expérimentation de la télémédecine a été un
succès et elle va permettre d’examiner des patients situés dans
des zones isolées et enclavées comme Nienefesha et Goumlayel, dans
le département de Kédougou ”.
La
localité de Balla va abriter la connexion avec l’hôpital de Tamba
et la clinique de gynécologie obstétrique du CHU Le Dantec. Dans
quelques mois, une autre mission expérimentale, conduite par les
mêmes acteurs, mettra en œuvre un réseau complet de télémédecine
impliquant deux autres régions médicales, Tambacounda et Kaolack
et de nombreux sites éloignés de leurs structures sanitaires de
référence. Les données transiteront par un centre technique situé
à Dakar et seront adressées à plusieurs médecins spécialistes, œuvrant
dans les Centres Hospitaliers Régionaux et dans les hôpitaux de
Dakar. Pour la présidente de l’Association ‘’Education Santé’’,
toute la pyramide de l’organisation de la santé publique du Sénégal
sera concernée par cette expérimentation.
UNITES
MOBILES DANS LES REGIONS
Les prochaines étapes concerneront, ultérieurement, la mise en place
d’unités mobiles équipées de tout le matériel d’examen médical (radiologie,
échographie, électrocardiographie, microscope, analyse sanguine,
prise de tension) et munies de moyens de transmission par satellite.
Elles seront positionnées dans les secteurs les plus enclavés du
pays. Eles seront constituées d’un équipage spécialement formé et
parfaitement autonome. Ces unités mobiles, dotées de véhicules spéciaux
tout terrain “Galavan”, effectueront des tournées régulières sur
indication des autorités médicales de proximité. Selon Mme Wade,
cette opération est le fruit de la collaboration de la FISSA, présidée
par Mme Ghislaine Alajouanine, elle-même accompagnée à Kédougou
par la vice-présidente Françoise Miguel et du Pr Philippe Arbeille,
de l’Université de Tours.
L’objectif
de la FISSA et de ses partenaires est de contribuer fortement à
la diminution de la mortalité maternelle encore beaucoup trop élevée,
en raison de difficultés diverses d’accès aux soins. La télémédecine
permettra aussi de combattre d’autres pathologies (paludisme, tuberculose,
rougeole) que l’on retrouve fréquemment dans ces régions périphériques
et isolées. Mme Viviane Wade s’est dite surprise de découvrir le
projet du ministère chargé de la Petite Enfance de bâtir à Nienefesha
une case des tout-petits. “ Cela rentre dans la deuxième phase du
projet qui est de bâtir une école ”, a-t-elle dit.
Les
conditions de vie sont précaires et les revenus avoisinent moins
d’un dollar (7O0 FCFA environ) par mois et par famille, déjà assaillie
par le paludisme et aussi par la mouche tsé-tsé. “ La lutte contre
le paludisme est devenue une obsession pour moi et nous avons commencé
à nous y consacrer ”, a renchéri Mme Viviane Wade.
PAPE DEMBA SIDIBE
Lire l'article original : www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=10447&index__edition=9483
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