Paris
- La directrice générale de l'Organisation mondiale de la santé
(OMS), Gro Harlem Bruntland, a transmis récemment au ministre français
délégué à la Santé Bernard Kouchner un rapport dans lequel des experts
mandatés par son institution prônent une augmentation substantielle
des dépenses de santé en Afrique, a-t-on appris ce jeudi, de source
officielle à Paris.
Selon
le document intitulé "Macroéconomie et santé : Investir dans la
santé pour le développement économique", les dépenses de santé dans
les Etats du Sud, notamment ceux d'Afrique, sont susceptibles de
devenir des investissements rentables.
A l'appui de sa thèse, le groupe de dix-huit experts mandatés par
l'OMS estime qu'un investissement de 66 milliards de dollars dans
le secteur de la santé d'ici à 2015 pourrait dégager des gains de
360 milliards de dollars. "Ces gains seraient pour moitié directs
-les plus pauvres de la planète vivront plus longtemps en bonne
santé et pourront ainsi mieux gagner leur vie- et pour moitié indirects,
du fait de la productivité individuelle accrue", écrivent les rapporteurs,
sous la direction de l'Américain Jeffrey Sachs directeur du Centre
for international development de l'université de Harvard aux Etats-Unis.
Le
document souligne, en outre, qu'une "augmentation spectaculaire"
des dépenses de santé en Afrique est possible grâce à la fois à
la révision à la hausse de l'aide publique au développement, et
à l'accroissement des crédits accordés au secteur dans les budgets
nationaux. Sur ce dernier point, le rapport de l'OMS rejoint le
point de vue défendu depuis très longtemps par des praticiens africains
vivant en Europe, regroupés au sein de l'Association Médecins d'Afrique.
"Nous avons toujours appelé les Etats africains à accorder dans
les budgets nationaux la plus grande priorité aux dépenses liées
à la santé. C'est heureux qu'une institution comme l'OMS reprenne
aujourd'hui à son compte notre idée", a déclaré à la PANA, le docteur
Alioune-Blondin Diop président de Médecins d'Afrique.
Louant lui aussi la teneur du rapport de l'OMS, l'économiste Mallam
Nafiou invite cependant à la prudence, en soulignant la contradiction
entre la position des experts de l'organisation onusienne et les
programmes d'ajustements structurels signés entre les Etats africains
et les institutions de Bretton Wood. "J'ai bien peur que nos Etats
soient partagés entre ces recommandations pertinentes de l'OMS et
les injonctions de la Banque mondiale et du FMI, qui exigent la
réduction des dépenses sociales, notamment celles du secteur de
la santé", s'est inquiété M. Nafiou, qui redoute que le rapport
de l'OMS se transforme en "relevé de vœux pieux".
Interrogé sur le sujet, le Comité pour l'annulation totale de la
dette du Tiers-Monde(CADTM), qui affirme partager les thèses des
experts de l'OMS, a proposé vendredi que les sommes consacrées chaque
année par les Etats africains au service de la dette soient recyclées
dans les dépenses de santé. Selon Damien Millet de la CADTM, l'accès
des populations des pays pauvres à la santé pose un problème "moral
et éthique" qu'il faut régler au plus vite.
"Nous avons toujours exigé l'annulation des créances dues par le
sud au nord, afin que l'argent consacré au service de la dette serve
au développement du Tiers-Monde. Nous serons heureux que cet argent
soit investi dans le domaine de la santé", a espéré M. Millet de
la CADMT-France. On rappelle que l'enveloppe consacrée au secteur
de la santé au titre de l'aide publique au développement est de
66 milliards de dollars chaque année. L'OMS souhaite qu'elle soit
majorée de 27 milliards chaque année, d'ici à 2007.
SEIDIK ABBA (PANA)
Lire l'article original : www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=10628&index__edition=9488
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