Les
conséquences du “khessal” ou la dépigmentation artificielle de la
peau tendent à devenir, au Sénégal, une question de santé majeure.
C’est justement d’un groupe de Sénégalais et de Sénégalaise qui,
lasses de parler entre eux des méfaits du “ khessal ” et d’en constater
l’ampleur dans leur vie professionnelle, a décidé de créer une association
de sensibilisation sur les dangers de cette pratique.
La
dépigmentation artificielle de la peau ! Le “ khessal ” ! Beaucoup
de pages de ce journal, “ Le Soleil ”, ont été… noircies sur le
sujet sans parvenir à décourager les Sénégalaises à…blanchir leur
peau. La dépigmentation artificielle de la peau, le “ Khessal ”
pour parler comme les wolofs, ne fait plus la une des journaux et
les titres des radios FM. On s’habitue à tout, même au pire. En
effet, malgré tout ce qui a été écrit et dit sur le sujet, les choses
n’ont apparemment pas beaucoup évolué. Les Sénégalaises sont de
plus en plus nombreuses à faire du “ khessal ”, à vouloir s’éclaircir
la peau au risque de leur santé. Les médecins s’en alarment et constatent,
avec effroi, aujourd’hui, dans le secret de leur cabinet, les dégâts
causés par plus d’un quart de siècle de pratique intensive de la
dépigmentation artificielle de la peau. Une pratique qui est désormais
“ responsable d’une morbidité importante ”, affirment des médecins,
spécialistes des maladies de la peau. Leurs confidences donnent
la chair de poule. Doctement, ils vous expliquent que leurs patientes
usent “ de produits comme cosmétiques alors qu’il s’agit de médicaments
”. Les produits utilisés n’obéissent à aucune réglementation. Confidence
d’une dermatologue : “ on ne connaît souvent ni la composition ni
la teneur des substances constituant les produits ”. La législation
n’est pas adaptée pour combattre le commerce de ces produits dangereux
pour la santé.
COMPLIMENTS
ET CONSEILS DES AMIES
Beaucoup
de Sénégalaises se ruinent donc la santé pour s’éclaircir la peau.
Le plus grave est qu’elles n’en sont pas souvent conscientes. En
effet, la grande majorité des adeptes du “ khessal ” ont une seule
préoccupation : se faire belle. Elles veulent juste s’éclaircir
la peau. La mode les incite à le faire de même que les conseils
insistants et les compliments des amies. Les baptêmes et les mariages
sont des “ évènements mondains déclenchant ”, révèlent une enquête.
Toutes les couches sociales sont concernées par la dépigmentation.
Toutefois, on a le “ khessal ” de sa bourse. Le noir fait manifestement
peur aux noires au pays de Senghor, le poète qui a tant chanté la
peau couleur d’ébène. Pourtant, la pratique du “ khessal ” n’est
pas toujours acceptée par la famille et les conjoints. Des maris
en font des motifs de divorce.
Tout a presque été dit pour expliquer ce penchant de Sénégalaises
à avoir une peau claire : complexe du colonisé qui considère le
blanc comme “ un modèle supérieur ”, effet de mode, mimétisme, une
affaire des couches défavorisées, etc. Ferdinand Ezembe, psychologue
à Paris spécialisé dans la psychologie des communautés africaines
parle même de “ profond traumatisme post-colonial ” et du “ joug
d'un culte de la blancheur ”. (Lire interview de Ferdinand Ezembe,
psychologue à Paris spécialisé dans la psychologie des communautés
africaines du 21/11/00 dans Afrik.com)
UN PROBLEME DE SANTÉ
On
peut convoquer d’autres experts d’Afrique et de la diaspora puisque
le “ mal ”, avec la mondialisation, fait également des ravages en
Europe et en Amérique. En revanche, pour ce qui est de l’Afrique,
le “ khessal ” tend à devenir une question de santé majeure. C’est
justement l’avis de quatre dames : Dr Fatimata Ly, Dr Ndèye Nguénare
Diop-Niang, Dr Awa Boye et Dr Khadidiatou Ndoye-Ndir. Lasses de
parler entre elles des méfaits du “ khessal ” et d’en constater
l’ampleur dans leur vie professionnelle, elles ont décidé, avec
d’autres ami (e) s de créer une association de sensibilisation sur
les dangers de cette pratique. Un des buts visés par l’association
est son éradication par l’implication des autorités sanitaires,
des leaders d’opinion. Un autre objectif est la “ reconnaissance
par l’OMS des complications de cette pratique comme un problème
de santé ”.
L’association
devrait, le 19 janvier prochain à l’issue de l’assemblée générale
qui se déroulera à l’ENDSS à partir de 09 heures, en présence notamment
du Pr Bassirou Ndiaye, dermatologue, chef de la clinique dermatologique
de l’hôpital Aristide Le Dantec. “ L’association est ouverte à toute
personne de bonne volonté sensible au phénomène ”, déclare Dr Fatimata
Ly. Celles-ci et ses amis s’empressent de préciser que l’association
est “ apolitique ” et qu’elles mêmes ne veulent pas juger ou condamner.
Elles veulent informer et sensibiliser sur les risques liés à la
pratique du “ khessal ”. Elles reconnaissent volontiers que “ la
tâche ne sera pas facile ”. C’est vrai.
El Bachir SOW
Lire l'article original : www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=10601&index__edition=9487
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