Le
personnel des hôpitaux ploie sous le poids de la charge de travail
qui a beaucoup augmenté. Et les internes, en grève depuis quelques
jours, menacent de durcir leur mouvement si la tutelle tarde à les
rétablir dans leurs droits.
Dans
la cour du service de radiologie du Centre hospitalier universitaire
de Fann, un homme vêtu d'un boubou noir proteste. Il sort de l'intérieur
du long bâtiment blanc pour venir s'asseoir auprès d'un vieil homme,
la tête basse. Celui-ci tend un peu l'oreille pour écouter les quelques
mots de son accompagnateur. "C'est vraiment lent", lâche-t-il, furieux.
Puis, il explique que, depuis très tôt le matin, ils sont là. Mais
l'homme que semblent énerver nos questions, détourne le regard.
Il ne veut pas en dire plus. Mais inutile de chercher loin : la
grève des médecins internes est passée par là. Dans la salle d'attente,
de nombreux patients attendent debout, le regard abattu. L'air,
à cause de la forte odeur qui se dégage, est irrespirable.
Le Dr Ndoye, venu à notre rencontre, n'est pas en blouse blanche.
A l'instar de ses cinquantaines d'autres camarades qui sont médecins
internes à l'hôpital Fann, lui aussi a choisi de se croiser les
bras. Du coup, depuis quelques jours, les grands hôpitaux de Dakar
où ils exercent, fonctionnent au ralenti. Le Dr Ndoye ne veut pas
dire jusqu'à quel point cela touche les hôpitaux. Mais la réalité
est que, selon lui, "il y a une certaine paralysie suivant le hôpitaux".
"Actuellement, aucun interne ne travaille", explique-t-il. Les anciens
internes sont eux aussi en mouvement. Et ils sont appuyés en cela
par les nouveaux. Du coup, les patients ne peuvent plus prétendre
à des consultations de leur part. Ce service repose désormais sur
les seules épaules des assistants et des chefs de service. Une situation
qui est synonyme de "surcroît" de travaille pour ces derniers. Et
ce n'est pas cette assistante qui le démentira. "Je suis débordée,
écartelée et fatiguée", lance-t-elle avec une pointe d'humour. Pour
l'heure, elle ne souhaite qu'une seule chose : le retour de ses
camarades. Mais, en attendant, ceux-ci restent plus que jamais campés
sur leur position.
A
en croire le Dr Ndoye, il y a comme une sorte de négation du rôle
fondamental des médecins internes de la part du ministère de la
Santé. Les médecins internes sont loin de comprendre pourquoi on
les a ignorés pour la distribution des émoluments par le département
de tutelle à tous les agents du ministère de la Santé. Ces étudiants
en spécialisation sont les "chevilles ouvrières" des hôpitaux. Après
quatre ans d'études à la faculté de médecine, ils ont dû affronter
"un concours d'excellence organisé par le ministère de la Santé".
Ce n'est qu'après qu'ils deviennent étudiants en spécialisation.
Mais aussi médecins internes à la fois.
En fait, en plus des cours qu'il est obligé de suivre à l'université,
le médecin interne travaille six matinées et cinq après-midi par
semaine à l'hôpital. Et trois à quatre fois par mois, l'interne
y passe la nuit. Une situation qui amène le Dr Ndoye à faire la
remarque suivante : "Les internes sont constamment à l'hôpital,
d'où ils ne sortent pas." Si on tient compte du volume de travail,
les internes sont en mesure, au même titre que les autres agents,
de prétendre aux émoluments, ces fonds de motivation versés au personnel
de santé par le ministère de tutelle. Mieux, ils ont une carte professionnelle
délivrée par le ministère de la Santé et un numéro de matricule.
A ce titre, souligne le Dr Ndoye, ils ne sont rien moins que des
agents du ministère de la Santé.
Outre
le paiement des émoluments qu'ils réclament, les médecins internes
veulent aussi une clarification de leur statut. Ils sont écartelés
entre deux ministères : la Santé et l'Education nationale. Et n'arrivent
pas à savoir qui des deux assure réellement leur tutelle. "Il y
a eu toujours des blocages au niveau des deux ministères. Les textes
qui datent de 1970, n'ont jamais été changés". Mais la liste des
problèmes des internes est plus longue qu'on ne l'imagine.
"Beaucoup d'internes ne sont pas logés", regrette le Dr Ndoye qui
ajoute que les rémunérations sont dérisoires. Si dérisoires qu'il
n'ose pas en parler. Pour lui, il y a même une sorte de préméditation
à l'origine du problème. Il en veut pour preuve le blocage des cartes
professionnelles des internes de 2001. D'ailleurs, précise-t-il,
le mouvement ne fait que commencer. Lui et ses camarades prévoient
de hausser le ton à partir de ce vendredi à 8 h. A cette date, si
aucune décision n'est prise pour décanter la situation, ils vont
même surseoir à la garde et aux urgences, services encore assurés
depuis le début du mouvement d'humeur.
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