Si l'estimation du nombre d'hommes infectés révèle que le chiffre
a presque doublé, passant de 24 048 à 41 326 entre 1988 et 2002,
au cours de la même période, le nombre de femmes infectées a été
multiplié par quatre. Il est passé de 9108 à 35 945. Soit un taux
de progression de 3,95 %. Avec notamment des pics chez les adolescentes,
cinq fois plus touchées par l'infection que les adultes.
"Pourtant, indique la directrice régionale de l'Unifem, pour que
le Sénégal puisse continuer à être cité comme exemple dans la prévention
et la lutte contre le Vih-Sida, il faut qu'il déploie encore des
stratégies afin de mieux maîtriser la vulnérabilité des femmes".
Ces propos ont été tenus lors du forum organisé, ce mercredi dernier,
par l'Alliance nationale contre le Sida (ANCS), en collaboration
avec le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme sur
le thème : la vulnérabilité des femmes par rapport au Vih-Sida :
enjeux et perspectives.
Une préoccupation qui vient à son heure, si l'on suit les explications
de Baba Goumbala, secrétaire exécutif de l'ANCS. En effet, selon
lui : " la problématique-genre n'était pas bien intégrée dans les
programmes de la structure qu'il dirige, d'où la nécessité de rectifier
désormais le tir en s'intéressant davantage à la vulnérabilité des
femmes à l'infection au Vih". Surtout que dira la directrice régionale
de l'Unifem, si on devait donner un statut général aux personnes
les plus affectées par le virus du Sida, ce serait une adolescente
non instruite vivant en Afrique au Sud du Sahara. "C'est pourquoi,
soutient-elle, le droit à l'information, l'accès au préservatif
féminin doivent être garantis à toutes les femmes". Il en est de
même du renforcement du droit à l'éducation et à la santé. Ainsi,
Awa Guèye Kébé, ministre de la Famille et de la Solidarité nationale,
a-t-elle exhorté les différents acteurs impliqués dans la lutte
contre la pandémie du Sida de réfléchir pour redéfinir les stratégies.
FACTEURS FAVORISANTS
Si jamais la question de la féminisation du Sida n'est pas réglée,
le Sénégal risque de voir son taux très bas revu à la hausse, ajoute
en substance Katy Cissé Wone, conseiller technique au ministère
de la Santé, de l'Hygiène et de la Prévention, qui a mené une étude
sur les facteurs socioculturels de la vulnérabilité des femmes par
rapport au Vih. Une étude dont la restitution s'est faite lors de
ce forum qui a regroupé des médecins, des chercheurs et autres acteurs
impliqués dans la lutte contre le Sida.
En sa qualité de consultante, Katy Cissé Wone est longuement revenue
sur les phénomènes qui augmentent la vulnérabilité des femmes. Et
elle a cité les problèmes posés par le tatouage, la prostitution
clandestine, notamment avec le phénomène du "mbakhal", l'homosexualité,
ainsi que certaines pratiques érotiques fortement prisées par les
femmes qui ont tout le temps le souci de ferrer leurs époux respectifs
et qui recourent à plusieurs méthodes. En ce sens que l'utilisation
de telles substances peuvent avoir des effets néfastes sur la santé
de la femme. Pire, elles peuvent être des vecteurs de transmission
du virus du Sida. C'est justement, à ce titre, que l'ANCS a impliqué
dans le forum plusieurs associations de femmes et de jeunes filles
qui oeuvrent dans la lutte contre le Sida. Et elles ont répondu
favorablement à l'appel en décidant de venir écouter les différentes
communications faites sur des thèmes comme la problématique de la
prise en charge des femmes vivant avec le Vih, la transmission mère-enfant,
le préservatif féminin, les travailleuses du sexe et l'infection
à Vih. Et les participantes ont davantage montré plus d'intérêt
aux deux derniers thèmes abordés respectivement par Marième Bâ de
la Swaa et Marième Soumaré de l'Ong Awa qui participe à la sensibilisation
et à la réinsertion socio-économique des travailleuses du sexe.
PROMOTION DU DEPISTAGE VOLONTAIRE
Pour celles qui n'avaient jamais auparavant entendu parler de préservatif
féminin, c'était l'occasion, au-delà des paroles, de découvrir ce
produit destiné à la femme qui peut désormais contrôler sa sexualité
et se prémunir contre les Ist-Sida. Et les femmes présentes ont
manifesté une grande attention quand ce fut l'occasion pour Marième
Bâ de la Swaa d'exhiber le condom féminin ou "coumba si" en référence
au petit pagne de la femme. Pour mieux maîtriser la vulnérabilité
de la femme, le Dr Khoudia Sow a dégagé des perspectives consistant
à rendre systématique le dépistage volontaire chez les femmes enceintes,
à assurer la prise en charge totale des femmes vivant avec le Vih.
Aussi, l'anthropologue qu'elle est a plaidé pour l'arrêt de la stigmatisation
dont les personnes vivant avec le Vih font l'objet.
MaÏmouna Gueye
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Soleil
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