Arrivé à son terme, le programme de développement
intégré de la santé (PDIS) va subir, à
partir de ce matin, sa dernière réunion conjointe
d'évaluation entre les bailleurs extérieurs, l'Etat
et les collectivités locales, après les cinq ans prévus
pour sa mise en oeuvre. Cette étape devrait permettre d'ouvrir
de nouvelles perspectives pour la deuxième phase de cinq
ans du plan décennal de développement sanitaire. Dans
cette interview, le ministre de la Santé, le Pr. Awa Marie
Coll Seck dégage de nouvelles orientations financières
et techniques. Le ministre Coll Seck confie également que
des avancées intéressantes ont été effectuées,
notamment dans la prévention de la maladie par la vaccination.
Les taux de couverture vaccinale ont grimpé de façon
fort appréciable, après une chute libre durant les
cinq dernières années.
Le PDIS est à son terme, mais il
y a le plan national de développement sanitaire (PNDS) qui
se poursuivra jusqu'en 2007. Comment appréciez-vous cette
étape du développement du secteur de la santé
?
"Le PDIS est en train de s'achever, mais le plan national de
développement sanitaire qui est un outil de planification
de très bonne facture va se poursuivre. Et notre politique
des débuts sera toujours la même, notamment la réduction
de la mortalité maternelle et infanto-juvénile, la
réduction de l'intervalle inter-génésique à
travers l'espacement des naissances. C'est autour de cela que les
activités vont continuer à être menées.
Les perspectives ne vont pas donc changer. Elles tournent encore
autour de ces axes essentiels que je viens de citer. Maintenant,
ce sera dans la manière de mettre en oeuvre les activités
prévues, surtout dans leurs volets technique et financier
respectifs. Pour ce faire, nous nous sommes attelés à
faire retrouver une nouvelle motivation du personnel de santé.
Le secteur de la santé a beaucoup souffert de la rétention
des informations trois ans durant. Maintenant, c'est la reprise
en main de la collecte des données sur les indicateurs de
santé.
La gestion des ressources humaines a posé
beaucoup de problèmes dans le passé, notamment dans
la motivation des agents et surtout dans les disparités entre
la capitale et l'intérieur, entre les zones périphériques
et celles qui sont proches de Dakar, etc. Que comptez-vous faire
sur ce registre ?
Nous avons une perspective majeure qui est la création de
la direction des ressources humaines. La gestion des personnels
doit donc s'améliorer dans les cinq années à
venir. Cette direction va s'occuper des avancements, des congés,
des mouvements d'affectation, de la formation, des perspectives
de carrière pour chaque agent, etc. C'est, pour nous, une
option fondamentale. Nous allons aller maintenant dans le sens plus
profond de la lutte contre la maladie, en misant sur une intégration
maximale des programmes. Si nous parlons de la mortalité
maternelle, différents programmes peuvent et doivent concourir
à l'atteinte de sa réduction, mais pas seulement laisser
ce volet crucial au seul programme de la santé de la reproduction.
Nous ne voulons plus qu'il y ait cette verticalisation des programmes
et des compartiments étanches entre les programmes. L'autre
point est la réforme hospitalière qui est, à
mon avis, à ses débuts. Notre objectif est d'atteindre
une autonomie de gestion des hôpitaux, à travers la
réforme hospitalière. Le but est d'arriver à
une meilleure qualité des soins par un relèvement
du plateau technique, avec du matériel de dernier cri, de
bonnes conditions de travail pour les agents hospitaliers. Il faut
dire aussi que la réforme hospitalière doit susciter
une réelle implication des populations et des personnels
dans la gestion des structures de santé au niveau des conseils
d'administration. Nous ferons également des pas en direction
de solutions pour un meilleur accueil et aussi pour la tarification
qui constituent tous deux des problèmes. Avec l'initiative
PPTE (*), il sera possible de trouver d'autres moyens pour la prise
en charge des indigents afin qu'ils accèdent eux aussi à
des soins de qualité.
Le médicament constitue la pierre
angulaire de tout développement sanitaire. Comment se fait-il
que l'on n'ait pas encore - et de façon large - accès
aux médicaments génériques qui faciliteraient
la réduction des dépenses de santé ?
L'accès aux médicaments est essentiel. Nous estimons
que nous pouvons faire plus sur ce volet par le biais de deux stratégies.
L'une est une introduction progressive des médicaments génériques
moins chers et, sur ce plan, nous ferons dans quelques mois des
avancées. Il y aura des comptoirs génériques
au niveau des officines privées. L'autre stratégie
est axée sur la pharmacopée traditionnelle avec des
initiatives en direction de la médecine traditionnelle et
le développement des plantes médicinales en vue d'obtenir
des médicaments traditionnels dits. Tous ces programmes sanitaires
seront étalés sur plusieurs années, car ils
visent des objectifs majeurs de santé publique. Ce qui fait
qu'ils seront tous renforcés en vue d'une plus grande efficacité.
Le PDIS a permis de réaliser, de réhabiliter et d'équiper
un grand nombre de structures à différents niveaux
de la pyramide sanitaire. D'autres activités de réhabilitation
vont suivre, de même que l'organisation sanitaire de la nouvelle
région médicale de Matam.
Le chef de l'Etat avait mis l'accent sur
la prévention quand il prenait fonction à la magistrature
suprême. Et, depuis lors, les gens ne voient pas encore de
façon perceptible des stratégies sur volet. Quelles
sont vos perspectives ?
Depuis maintenant un an et demi, nous avons commencé à
mettre l'accent sur la prévention. De nombreuses initiatives
ont été prises dans le domaine de la vaccination qui
occupe un grand volet dans la prévention, parce qu'elle immunise
les individus contre plusieurs maladies et pendant une longue période.
C'est le cas de la vaccination contre la poliomyélite, la
fièvre jaune, la rougeole et la méningite. Ces campagnes
visaient des millions de personnes et nous n'avons pas terminé.
La vaccination est, avec la surveillance épidémiologique,
un des éléments importants et le pivot de la prévention.
Vous avez raison maintenant quand vous dites que les gens ne sentent
pas la prévention et notamment dans le domaine de la promotion
de la santé à travers l'éducation, l'information
et la communication, dans le sens d'un changement de comportement.
Il y a eu des insuffisances que nous avions constatées dans
l'éducation pour la santé et nous avions décidé
d'en faire une priorité à travers un programme. Il
ne faut occulter le fait que c'est un domaine transversal qui exige
une collaboration multi-sectorielle permanente dans laquelle les
organisations communautaires de base, à travers leurs relais,
ainsi que les médiats, dans toute leur diversité,
ont des rôles primordiaux à jouer. Nous allons donc,
dans les mois à venir et par des stratégies planifiées,
former les relais, faire agir dans la pro-activité et l'interactivité
les communautés des quartiers, les écoles, les leaders
d'opinion, les jeunes et les femmes, etc. Pour les médiats,
nous avions commencé par des conventions de collaboration
entre le département de la santé et des organes de
presse, comme la RTS, et des radios communautaires. Nous allons
l'élargir et chercherons des moyens idoines à cet
effet pour faire passer le message de la prévention. Nous
savons que les gens ne pensent à leur santé que quand
ils ont un problème. Ils doivent savoir comment préserver
la santé et cela peut se faire à travers des émissions
interactives à travers les médiats, des animations
périodiques populaires, l'affichage et l'utilisation de divers
autres supports. Il y a beaucoup de choses à faire dans ce
domaine et des stratégies ont été identifiées.
Elles seront mises en oeuvre dans la deuxième phase du plan
national de développement sanitaire.
On vous a mis l'Hygiène dans la
dénomination de votre département. Que revêt
pour vous ce concept ?
Il est vrai que nous avons un instrument très important et
qui est le Service national d'hygiène. Il peut continuer
à jouer un rôle plus important dans la prévention
et surtout dans la promotion de la santé, notamment en allant
auprès des communautés pour leur parler des méthodes
d'hygiène en ce qui concerne leur cadre de vie, l'alimentation,
l'eau, la vaccination, la lutte contre les vecteurs de maladie,
etc. Nous renforcerons donc ce service qui a en charge l'application
du code de l'hygiène, particulièrement à travers
un rajeunissement des effectifs et des moyens techniques. Maintenant,
pour ce qui est de l'hygiène publique, c'est un domaine que
le ministère de l'Environnement à en charge avec des
compétences dévolues aux collectivités locales.
Ses missions sont la propreté du milieu, un peu d'assainissement,
etc.
Récemment, Dakar a abrité
une réunion africaine sur les comptes nationaux de la santé.
Peut-on dire qu'il y a un besoin de clarté dans les financements
injectés dans ce secteur et les procédures d'interventions
?
"C'est un point très important et il entre dans le cadre
de ce que nous appelons l'approche programme. Au lieu d'avoir beaucoup
de monde allant dans tous les sens, mais un paquet d'activités
financées avec surtout une traçabilité des
financements. Des interventions qui se déroulent dans le
secteur sans que l'on soit au courant posent toujours des problèmes.
Il faut donc un minimum de coordination et également une
transparence dans l'utilisation des ressources. La décentralisation
actuellement effective des ressources et de leur gestion comptable
devra nous aider à dire aux partenaires que nous avons un
système crédible, dans lequel ils devront injecter
les financements mis officiellement à notre disposition et
qu'ils géraient souvent eux-mêmes. Cela permettra d'avoir
une large lisibilité sur tous les financements et de décider
de leur investissement dans des secteurs prioritaires".
Qu'en est-il, à l'heure actuelle,
de la participation des collectivités locales dans le secteur
de la santé ?
"La santé est un domaine transféré aux
collectivités locales et il y a un budget de l'Etat qui leur
est alloué à cet effet comme fonds de dotation en
vue de les appuyer. En plus de ce que l'Etat injecte, les collectivités
locales doivent mettre des fonds dans le secteur de la santé.
Nous pensons que cela n'était pas très bien perçu
par les collectivités locales. Elles n'avaient pas très
bien compris ce rôle. Nous avions vu, pendant des années,
que l'argent destiné à la santé était
utilisé pour autre chose. Maintenant, nous constatons que
beaucoup de mairies et de conseils régionaux, qui gèrent
des populations, investissent dans le secteur de la santé.
Je reçois beaucoup de représentants de collectivités
locales. C'est une avancée réelle. Quand nous faisons
des enquêtes auprès des populations, nous notons que
la santé revient en tête de peloton des besoins. Les
élus locaux ont pris conscience de l'importance politique
d'une telle préoccupation de la part des populations.
Quelle est l'avancée majeure réalisée
dans le secteur de la santé que l'on peut citer à
cette étape du PDIS?
"Vous aviez parlé tout à l'heure de prévention
et c'est dans ce volet, en plus des ressources humaines, de la lutte
contre la maladie, de l'augmentation et de la rénovation
des structures de santé, des soins obstétricaux d'urgence
et des moyens d'évacuation des malades que l'on a fait beaucoup
de choses. Il faut savoir qu'en matière de protection par
l'immunisation, nous étions à un niveau très
bas. Il y a cinq ans, nous avions des taux d'immunisation par la
vaccination de 50 % de couverture nationale. Ce taux est descendu
plus bas encore, jusqu'à frôler les 35 à 40
%, il y a trois ans. Maintenant, du fait de la relance, nous en
sommes à 60 % et, dans certaines régions, le taux
est en moyenne à 80 %".
Lire l'article original : http://fr.allafrica.com/stories/200302040327.html
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