La drépanocytose, affection héréditaire touchant spécifiquement
les Noirs, est aujourd'hui la première maladie génétique en France
où l'immigration africaine est forte. Du coup, des recherches sont
menées pour améliorer le traitement des malades, voire les guérir
grâce à la thérapie génique. "La drépanocytose est devenue la première
maladie génétique en France, a déclaré Frédéric Galacteros, professeur,
spécialiste en génétique au Centre hospitalier universitaire Henri
Mondor de Créteil, en région parisienne, lors d'une récente réunion
sur cette maladie à Paris. On parle de maladie génétique à partir
de 300 nouveau-nés touchés par an. Or, plus de 2 000 bébés atteints
de drépanocytose naissent chaque année en France. C'est un taux
qui est nettement supérieur aux chiffres de l'hémophilie et de la
mucoviscidose, considérées comme les deux premières maladies génétiques
en France".
Il y a trente ans, la drépanocytose était quasi inconnue dans L'Hexagone,
car elle touche essentiellement les personnes de peau noire. C'est
une maladie génétique, héréditaire, qui atteint les globules rouges
du sang. En Afrique de l'Ouest, 5 à 20 % de la population sont porteurs
de la forme "As", la moins grave (voir encadré) tandis que, dans
certains pays d'Afrique centrale, comme le Congo-Brazzaville, la
République démocratique du Congo ou le Nigeria, ce chiffre peut
atteindre 40 % d'enfants atteints de la forme "Ss", la plus dangereuse.
La maladie est aussi répandue chez les Africains-Américains noirs
(9 % aux Etats-Unis) et aux Antilles (12 %), ainsi que dans certains
pays arabes et européens. En Afrique, 200 000 enfants drépanocytaires
naissent chaque année, dont la moitié meurt avant l'âge de 5 ans.
L'anémie falciforme, autre nom de cette maladie, est très pénible.
Les globules rouges des malades vivent six fois moins longtemps
que ceux des gens indemnes. Ils ne fournissent pas assez d'oxygène
aux organes, ce qui provoque des crises imprévisibles de douleurs
très aiguës. Les symptômes sont nombreux et pas toujours clairs.
Souvent, ces malades se font traiter de paresseux alors qu'ils sont
tout simplement épuisés et souffrent le martyre. Dans les pays occidentaux,
les antibiotiques, les transfusions, les greffes de moelle (c'est,
en effet, la moelle osseuse qui produit les globules rouges et blancs
du sang) et la morphine permettent aux malades de vivre mieux et
plus vieux. En Afrique, on conseille aux malades de consommer des
légumes frais, de la viande et des produits laitiers, ce qui est
loin d'être toujours possible.
"Mes parents ont découvert que j'avais la drépanocytose quand j'ai
eu 2 ans. Cette maladie, je l'accepte, mais je la combats aussi.
Elle n'est pas la bienvenue chez moi. J'ai dû subir une greffe de
moelle, car les os de mes hanches se dégradent très vite, raconte
Suzanne Ngokuem, Congolaise installée en France. C'est à cause d'elle
que j'ai eu un parcours scolaire perturbé et professionnel. Au bureau,
on me prend pour une feignante parce que les collègues ne comprennent
pas pourquoi je m'absente souvent, alors que je n'ai pas l'air malade".
En France, la maladie, apparue avec l'immigration, est surtout
présente dans la région parisienne où près de la moitié des naissances
chez les couples originaires d'Afrique est à risques. "C'est énorme,
mais cela n'inquiète personne, affirme le Pr Galacteros, car la
drépanocytose n'est pas encore considérée comme un problème de santé
publique". C'est pourquoi il n'y a pas de politique d'information,
de prévention et de dépistage des bébés à la naissance. "Le problème
vient de là, car les couples dont les deux parents sont drépanocytaires
ne sont pas prévenus et ignorent tous des risques. C'est lorsqu'ils
font un enfant qu'ils découvrent la maladie de leurs enfants. C'est
trop tard", souligne pour sa part Françoise Bernaudin, pédiatre,
spécialiste de la greffe de moelle au Centre intercommunal de Créteil.
La découverte de la maladie est lourde de conséquences chez les
parents. "Il y a un impact psychologique énorme. Et dans les familles
africaines, le couple n'y survit pas en général. Sous la pression
des beaux-parents, ceux de l'homme particulièrement, le divorce
survient très vite, comme si la maladie était une malédiction. On
ne tient aucun compte du fait que ce sont les deux parents qui transmettent
la maladie", relève Ondough Essalt Etsiianat, ethnopsychologue pour
le compte de l'association Sos Globi dont les activités sont consacrées
à la lutte contre la drépanocytose à Evry, ville où de nombreux
bébés naissent avec la maladie.
Comme la plupart des maladies génétiques, la drépanocytose est,
à l'heure actuelle, incurable. L'augmentation du nombre de malades
dans les pays occidentaux, aux Etats-Unis et en France, a toutefois
poussé à rechercher des traitements plus efficaces pour soigner
les crises et en diminuer la fréquence. D'autre part, des recherches
sont menées en thérapie génique, une technique de pointe qui consiste
à agir directement sur les gènes responsables de la maladie. Dans
le cas de la drépanocytose, il s'agit de prélever de la moelle du
malade, d'en modifier génétiquement les cellules avec une protéine
thérapeutique et de les réinjecter au malade dont les globules rouges
fonctionneront alors normalement et ce, de manière définitive. En
2004, une expérience de ce type sera menée pour la première fois
en France. "Mais c'est une opération dangereuse, donc limitée aux
patients qui en ont un besoin absolu", précise le professeur Galacteros.
Pour l'instant, c'est la prévention et l'information des populations
à risque pour permettre un dépistage rapide dès la naissance qui
demeurent les seules armes des médecins.
Porteurs sains et hérédité
La drépanocytose est due à la malformation d'un ou des deux gènes
bêta de l'hémoglobine, une protéine du sang servant à fixer et à
transporter l'oxygène et le gaz carbonique. Lorsqu'un des parents
est porteur de la drépanocytose, l'enfant hérite d'un gène bêta
normal, "A", et d'un autre drépanocytaire, porteur de la maladie,
dit "S". C'est la drépanocytose dite "As", ou hétérozygote, la forme
la moins grave : l'enfant ne développe pas la maladie, mais il transmet
le gène anormal à ses descendants. En outre, les hétérozygotes sont
protégés contre les formes graves du paludisme, ce qui explique
qu'ils soient nombreux puisque ceux qui n'ont pas ce gène, meurent
plus facilement du palu. Lorsque l'enfant hérite de deux gènes "S",
il développe la maladie, il est drépanocytaire. Il est dit homozygote
ou "Ss". Deux parents porteurs sains peuvent donc à leur insu transmettre
la maladie qui touche autant les garçons que les filles.
Lire l'article original : http://www.walf.sn/societe/suite.php?rub=4&id_art=7434
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