Des
techniciens de la santé publique nigérians sont à
Dakar pour étudier l’expérience sénégalaise
dans le domaine de la lutte contre le SIDA et, surtout, pour pouvoir
mettre en œuvre un programme efficace d’accès aux
thérapies antirétrovirales (ARV), sous la houlette
d’experts sénégalais et américains.
Démarrer
une initiative d’accès aux médicaments antirétroviraux
(ARV) contre le VIH/SIDA n’est pas une mince affaire. Il y
a des préalables qu’il faut remplir. Parmi ceux-ci,
on peut noter : l’engagement politique, des appuis extérieurs,
car les produits coûtent cher, des laboratoires de suivi biologique
de virologie pouvant effectuer la numération des lymphocytes
CD4 (globules blancs particulièrement visés par le
VIH pour sa multiplication) et une surveillance des résistances
éventuelles, une assiduité assurée dans la
disponibilité en médicaments et un “coup de pouce”
des firmes produisant et commercialisant les produits ARV à
travers le bénéfice d’une baisse des prix substantielle
comme celle qui a été accordée au Sénégal
et à beaucoup d’autres pays.
Le
Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique avec plus 160
millions d’habitants, a décidé de se lancer dans
un programme d’accès aux médicaments ARV, mais
aussi et surtout dans la mise en route d’un programme véritable
de lutte contre le VIH/SIDA. La période des régimes
de dictature militaire et les putschs intempestifs n’avaient
pas permis de le faire. La situation épidémiologique
du VIH/SIDA n’était pas du tout bien cernée.
La mort par le SIDA du chanteur Fela Anikulapo Kuti, roi de “l’Afro
Beat”, et l’avènement, par la voie démocratique,
du président Oleye Oleisegun Obasanjo ont pour une grande
part joué un rôle dans ce déclic en faveur d’une
réaction dynamique contre le VIH/SIDA.
La
rencontre technique sénégalo-nigériane est
appuyée par la Fondation “Bill et Melinda Gates”.
C’est la deuxième du genre à se tenir à
Dakar sous la supervision d’experts composés de membres
de l’équipe du Pr. Max Essex et conduits par le Pr.
Phillis Kanki, de l’Université d’Harvard de Boston
(Etats-Unis), du professeur de virologie/bactériologie, Souleymane
Mboup, et du Directeur exécutif du Conseil national de lutte
contre le SIDA, le Dr Ibra Ndoye.
Cette
deuxième édition est axée essentiellement sur
la gestion des infections sexuellement transmissibles (IST) et l’organisation
de la thérapeutique rétrovirale. Au Nigeria, le Sida
affecte, selon une dépêche de l’AFP, près
de 2,6 millions de Nigérians et le taux d'infection par le
VIH est manifestement en hausse. “Le taux de séroprévalence
varie considérablement d'une région à l'autre
du Nigeria, allant de zéro à 21 % dans certaines zones
du pays”, selon des sources officielles, recueillies par l’AFP.
L’agence
précise “que le taux de séro-prévalence
de ce pays a passé de 1,8 % en 1991, à 3,8 % en 1993,
puis 4,5 % en 1995 et, enfin, 5,4 % en 1999. Ce taux a augmenté
de plus de 5 %. Rien ne peut prédire de ce que l’on
découvrira quand tout sera mis en place en ce qui concerne
la surveillance séro-épidémiologique. Plus
de 60 % de la population nigériane a moins de 21 ans et les
taux de pratiques sexuelles à risque sont élevés”.
PREVENIR
DE NOUVELLES INFECTIONS
D’ailleurs,
l’ambassadeur du Nigeria à Dakar, M. Souley Bouba, l’a
précisé. “Le président Obasanjo et les
nouvelles autorités sanitaires fédérales, dit-il,
ont décidé de prendre le taureau par les cornes et
mis la lutte contre le VIH/SIDA, comme une priorité, parmi
les priorités”. Il y a quelques mois, le président
Obasanjo avait même annoncé, selon la PANA, la création
d'un centre de coordination ouest-africain de lutte contre le VIH/SIDA
dans son pays.
Le
Pr. Seydou Badiane, conseiller technique au ministère de
la Santé et de la Prévention, a placé les priorités
de la lutte contre le SIDA sur un triptyque précis et pragmatique,
constitué de trois axes essentiels : prévenir les
nouvelles infections à VIH (et les autres IST), inverser
la propagation de l’épidémie et réduire
son impact socio-économique, enfin, élargir l’accès
aux médicaments ARV et ceux qui sont contre les infections
opportunistes.
Le
Pr. Souleymane Mboup a, de son côté, précisé
les préalables à satisfaire pour une prise en charge
efficace aux produits ARV et une surveillance séro-épidémiologique.
Pour leur part, le Pr. Phillis Kanki et le Pr. Seydou Badiane ont
magnifié la coopération scientifique entre les facultés
de médecine des universités d’Harvard et Cheikh
Anta Diop, avant de citer les acquis du Sénégal dans
la lutte contre le VIH/SIDA. D’ailleurs, c’est grâce
à une collaboration scientifique entre ces deux universités,
conjointement avec les facultés de médecine des universités
de Limoges et Tours (France), que le VIH 2 avait été
isolé dans du sérum de prostituées dakaroises,
en 1985.
Les
techniciens nigérians sont donc venu “lire” l’expérience
sénégalaise. On estime à 24,5 millions le nombre
de personnes vivant en Afrique avec le virus du SIDA sur une population
de 36 millions de malades dans le monde.
FARA DIAW
Lire l'article original : www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=12452&index__edition=9542
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