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L'asthme ne se guérit pas, mais se soigne - Le soleil - Sénégal - 15/03/02

L’asthme occupe une grande place chez les affections respiratoires. Le nombre d’individus atteints par cette affection continue d’augmenter dans les pays développés du Nord, comme dans ceux du Sud. De 100 à 150 millions de personnes dans le monde souffrent d'asthme et leur nombre est en augmentation, avec 180000 décès enregistrés chaque année.

C’est une maladie chronique qui affecte les voies respiratoires. Les muscles autour des bronches se resserrent et rétrécissent les voies respiratoires. Cela entraîne une respiration sifflante et un essoufflement. Les parois des bronches peuvent aussi s’enflammer ou se gonfler et produire une plus grande quantité de mucus qui bloque les voies respiratoires.

“Les recherches consacrées aux affections respiratoires et, principalement, à l’asthme, sont parmi les plus élevées dans le monde, car c’est un sérieux problème de santé publique du fait de la pollution”, nous confie le Pr. Mamadou Bâ, spécialiste en pédiatrie, en service l’hôpital pour enfants Albert Royer de Fann (Dakar).

“Nous constatons actuellement des taux de 6 à 10 % en France et dans le reste de l’Europe. Ces taux vont même jusqu’à 12 à 15 % dans des pays comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie”, indique le Pr. Bâ dont le service reçoit, avec une fréquence relativement croissante depuis quelques années, des enfants atteints d’asthme chronique. Au Canada, 5 à 10 % de la population souffre d’asthme et 15 % des enfants canadiens subissent des crises d’asthme. C’est une maladie qui tue également beaucoup. 10 Canadiens meurent de l’asthme chaque semaine.

Pourtant, 80 % des décès dus à l’asthme pourraient être évités par une éducation appropriée. En France, le Dr Bernard Kouchner a lancé, récemment, un plan national contre l’asthme pour mieux prévenir et combattre cette maladie fréquente et grave, en constante augmentation, qui touche 3,5 millions de personnes et en tue quelque 2.000 chaque année. Le Dr Kouchner veut aller plus loin, en demandant la transformation des lycées en “zones non-fumeurs”. “Trois pour cent (3 %) des enfants malades reçus dans nos services le sont pour des raisons liées à de crises d’asthme, parfois aiguës, qui méritent une prise en charge en urgence”, ajoute le Pr. Bâ. Toutefois, ce chiffre ne reflète pas la réalité de cette affection pulmonaire au Sénégal.

“Il est clair que l’on note beaucoup de cas chez les personnes vivant aux environs des unités industrielles dégageant des rejets de substances chimiques, des zones portuaires, de carrières ou mines et en milieu urbain où les gaz d’échappement des véhicules automobiles participent pour beaucoup au déclenchement des crises d’asthme”, précise le Pr. Bâ.

Selon lui, “il n’y a pas de doute que le fait de vivre, de travailler pendant des heures et quotidiennement ou d’être éduqué dans ses endroits soumis à une pollution permanente joue un rôle prépondérant dans la chronicité de la maladie et dans la survenue brusque et fréquente de crises aiguës”.

TABAGISME PASSIF

“Nous savons que beaucoup de personnes adultes, et surtout les enfants, vivent des crises d’asthme du fait de la fumée de la cuisine, du charbon de bois, du tabagisme passif et, aussi, de l’encens, produit très usité pendant la période froide, comme c’est le cas actuellement”, explique le médecin.

Dans les différentes salles de consultations de l’hôpital, des cris stridents ou des vagissements d’enfants s’élèvent, accompagnés de larmes exprimant la douleur sous diverses formes. “Depuis 10 ans, nous avons installé progressivement une consultation asthmatique qui permet d’offrir une prise en charge correcte et de plus en plus affinée pour les jeunes malades que nous recevons”, souligne le Dr Bâ. En France, des recherches admettent que près de la moitié des asthmatiques ne suit pas le traitement prescrit alors que, mal traité, l'asthme peut devenir lourdement handicapant et mettre en danger la vie du patient. Les patients souffrant d'asthme modéré à grave doivent suivre un traitement au long cours et prendre des médicaments (par exemple des anti-inflammatoires) chaque jour pour endiguer l'inflammation sous-jacente et prévenir les symptômes et les crises. La maladie exige généralement des soins médicaux continus. Si les symptômes apparaissent, des médicaments d'action rapide par inhalation, peuvent les soulager.

“ Nous disposons de divers médicaments pour traiter l’asthme dont des produits non-stéroïdiens (paracétamol) ou stéroïdiens (aspirine), des corticoïdes et surtout des produits qui ont un effet broncho-dilatateur et que nous délivrons aux malades, avec l’option aérosol en préférence”, confie le Dr Bâ.

TRAITEMENT A LONG COURS

“Le produit administré en aérosol a un effet plus rapide sur les bronches bouchées du malade que les produits ingurgités par voie orale ou reçus par voie intraveineuse”. “Le traitement de la crise aiguë se fait selon un protocole d’observation des résultats après administration de produits par aérosol”, précise le spécialiste. En pharmacie, on retrouve différents produits en aérosol dont le plus connu est la ‘’Ventoline’’ ou ‘’Solbutamol’’, qui coûte 3200 Fcfa. Il y a en outre : le ‘’Spréor’’ (3300 Fcfa), le ‘’Bricanyl’’ (3820 Fcfa) et le Bronchodural (5500). Une nouvelle classe de médicaments viennent d’ailleurs d’apparaître sur le marché sénégalais avec une efficacité plus grande mais qui coûtent cher. Ce sont : le ‘’Pulmicort’’ (14000 Fcfa) et le ‘’Serevent’’ (25000 Fcfa). Le malade doit en consommer parfois plusieurs flacons. Et pour éviter des surprises, il se doit de l’avoir sur soi partout. Au cas où…

“Nous classons les crises, dit-il, selon des degrés allant de l’asthme intermittent à l’asthme sévère, en passant par l’asthme modéré et persistant. Nous tenons compte aussi de la durée des crises et de l’intensité des symptômes”. Il est également important d'éviter tout ce qui déclenche des crises les stimulants qui irritent et enflamment les voies respiratoires et qui aggravent l'asthme. Chaque personne doit apprendre à éviter ce qui déclenche ses crises.

“Au Sénégal, la mortalité n’est pas très élevée en ce qui concerne l’asthme chez l’enfant, environ 1 %. En ce qui concerne la morbidité, nous l’estimons entre 4 à 6 % au niveau national, si nous examinons les statistiques hospitalières. Ce qui veut dire que sur 100 personnes, nous avons 4 à 6 personnes asthmatiques”.

ALLERGIES

“Un enfant qui a son asthme dès le très jeune âge peut voir les symptômes disparaître avant la puberté. Toutefois, cette disparition des symptômes est conditionnée par le fait de contrôler les fonctions respiratoires, en insistant sur deux axes, notamment l’environnement de vie de l’enfant et le contrôle de ses symptômes quand ils sont déclenchés. “Cependant, un jeune qui a de l’asthme à partir de 16 ans, risque de l’avoir toute sa vie”, assure le spécialiste.

Est-ce que l’asthme est héréditaire ? “Nous constatons dans l’interrogatoire qu’un malade sur deux révèle des antécédents au premier degré et rien ne remplace l’observation des parents. Nous pouvons y ressortir la source de l’allergie responsable ou les allergies qui interviennent dans la survenue des crises chez l’enfant asthmatique”.

L'asthme ne se guérit pas, mais se soigne. Les principaux facteurs de risque sont l'exposition, surtout pendant la petite enfance, à des allergènes à l'intérieur des habitations (comme les acariens - dans la literie, les tapis ou les meubles rembourrés - les chats, les chiens, le cheval et les cafards) et des antécédents familiaux d'asthme ou d'allergie. Des études ont montré que les enfants de parents asthmatiques avaient beaucoup plus de chances de souffrir de la maladie.

TESTS CUTANES

“Il y a des possibilités de faire des tests cutanés, et même, parfois, par des produits à prendre par voie orale pour déterminer l’allergie responsable de la crise, mais ils sont coûteux et compliqués”. “L’observation est la meilleure méthode pour diagnostiquer les causes de l’asthme. Les parents de l’enfant malade doivent participer à cet interrogatoire, car il ne s’agit pas seulement de déterminer l’allergie responsable, il faut aussi arriver à en éliminer la source au niveau du domicile, de l’école ou dans les environs où évolue quotidiennement le malade”, ajoute le spécialiste.

“Le traitement doit permettre au malade de retrouver ses fonctions respiratoires pour une longue durée, de renouer avec ses activités quotidiennes (sportives et scolaires). L’idéal est que le malade et son entourage arrivent à connaître très bien l’asthme, les modes de traitements et de prévention par l’information et la sensibilisation”, ajoute le Dr Mamadou Bâ. La création très prochaine d’une association nationale des asthmatiques, à l’initiative du Dr Marièma Ly, en collaboration avec des spécialistes de la santé publique, devrait contribuer à cette sensibilisation.

“ Nous avons constaté qu’il y a de plus en plus de cas au Sénégal et que de nombreuses personnes décèdent des suites de crises, du fait qu’ils n’ont pas été pris en charge correctement ou par manque d’informations sur leur affection”, explique le Dr Marièma Ly, qui met l’accent sur les effets de la pollution de l’environnement. Elle indique que l’association devrait s’atteler à apporter une aide des familles d’asthmatiques qui subissent des frais extraordinaires dans l’achat de médicaments.

Bien que l'asthme ne tue pas dans les mêmes proportions que les pneumopathies obstructives chroniques, un traitement mal adapté ou une mauvaise observance du traitement, alliés à une sous-estimation de la gravité du problème, peut entraîner des décès inutiles, la plupart survenant en dehors du milieu hospitalier.

LOURD POIDS HUMAIN ET ECONOMIQUE

La maladie a un poids humain et économique considérable. La mortalité due à l'asthme n'est pas comparable par son importance aux effets quotidiens de la maladie. Bien qu'en grande partie évitable, l'asthme tend à sévir sur le mode épidémique et à toucher les personnes jeunes. Le poids humain et économique associé à cette affection est lourd. Le coût de l'asthme pour la société pourrait être réduit en grande partie par une action nationale et internationale concertée.

Au niveau mondial, on estime que les coûts associés à l'asthme dépassent ceux de la tuberculose et de l'infection à VIH/SIDA réunis. Aux Etats-Unis d'Amérique, les coûts (directs et indirects) annuels de l'asthme dépassent largement 6 milliards de dollars. A l'heure actuelle, les soins aux asthmatiques et les journées perdues du fait de la maladie coûtent à la Grande-Bretagne environ 1,8 milliard de dollars. En Australie, les coûts médicaux annuels directs et indirects associés à l'asthme atteignent près de 460 millions de dollars.

Selon l’Organisation Mondiale de la santé : “ Il s’agit de sensibiliser davantage le public afin que les patients comme les professionnels de la santé sachent reconnaître la maladie et comprennent la gravité des problèmes qui lui sont associés;” L’OMS entend également organiser et coordonner la surveillance épidémiologique mondiale de façon à suivre de très près les tendances régionales et mondiales en la matière. Elle recommande également l’élaboration et l’application d’une stratégie optimale de prévention et de traitement., ainsi que l’encouragement de la recherche sur les causes de la maladie afin d'élaborer de nouvelles stratégies de lutte et de nouvelles techniques de traitement. La pollution de l’air due particulièrement aux émissions de gaz dans l’atmosphère, sont parmi les choses les mieux partagées au sein de l’humanité…
FARA DIAW

Lire l'article original : www.lesoleil.sn/dossiers/article.CFM?article__id=775

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