La
médecine moderne a accompli des progrès énormes
en Afrique dans le domaine de la santé mentale. Cependant,
il n'est pas rare de constater que certaines de ses méthodes
ne prennent pas en compte les croyances des individus et les réalités
socio-culturelles de leurs milieux. C'est pour remédier à
ces manquements , qu'un congrès panafricain de santé
mentale se tient depuis hier et ce, jusqu'au 20 mars, au Cesag,
pour faire le point sur cette maladie en Afrique et confronter les
différentes pratiques et approches africaines à celles
de leurs confrères praticiens occidentaux.
Même
si antérieurement différentes réunions se sont
tenues sur la pratique psychiatrique en Afrique, le présent
congrès va mettre l'accent sur la dimension santé
mentale. Selon le Pr. Eva Marie Coll Seck, ministre de la santé
et de la Prévention, qui présidait la cérémonie
d'ouverture, "cette dimension ne se réduit pas simplement
à l'absence de pathologie ou de troubles mentaux, mais constitue
un état positif de bien être social et une situation
d'équilibre de la personnalité sur les plans biologique
et psychosocial". Il s'agit, selon elle, "de viser à
améliorer la qualité de la vie des populations par
la prévention et le traitement des troubles mentaux, neurologiques
et psychosociaux et de promouvoir des comportements et modes de
vie propices à la santé et à l'épanouissement
de l'individu". Elle estime que de ces échanges entre
les types d'approches en relation avec l'incontournable question
de la culture, pourront se dégager des logiques d'interventions
spécifiques, en adéquation avec les connaissances
scientifiques les plus récentes et les conceptions culturelles
de chaque groupe social. Le ministre de la santé souligne
qu'un grand nombre de troubles mentaux font l'objet de stigmatisations
et sont malheureusement très mal reconnus à leur phase
de début par les personnels des services généraux
de santé, alors que la pénurie en personnel spécialisé
est manifeste dans les pays en développement où il
y a un neurologue ou un psychiatre pour quatre à huit millions
d'habitants. Aussi, demande-t-elle aux congressistes de discuter
des possibilités ou non d'intégrer dans leurs pratiques,
certaines techniques thérapeutiques conçues dans des
situations culturelles différentes et réfléchir
sur leur adptation à d'autres contextes culturels pour répondre
au slogan de l'Oms lancé lors de la journée mondiale
de la santé en 2001: "Oui aux soins, non à l'exclusion".
Selon
le Pr. Oumar Ndoye, psychothérapeute à l'hôpital
Fann, ce congrès a deux objectifs principaux. Il s'agit de
collecter toutes les pratiques sur la santé mentale en Afrique
et d'arriver ensuite à tracer des logiques d'intervention
pour trouver les pratiques les plus adaptées à chaque
région. Avec plus de 2000 consultations annuelles reçues
à Fann, il révèle que la folie est encore considérée
comme une pathologie honteuse, la majorité préférant
s'adresser aux tradi-praticiens. En effet, explique Oumar Ndoye,
"en raison du poids de la tradition et des préjugés
à l'égard de l'étiologie et des traitements
des troubles mentaux, les populations ne s'adressent pas en priorité
aux services modernes de santé mais, le plus souvent, aux
guérisseurs". En ce sens d'ailleurs, il confie que les
guérisseurs traditionnels sont les premiers psychologues
car accueillant près de 90% des malades mentaux. Ce qui se
justifie, selon lui, par l'importance culturelle qui est figée
au niveau des croyances.
Le
psychothérapeute explique l'origine des maladies mentales
par les problèmes de dépression, de stress, la saturation
des systèmes (travailleurs licenciés, divorce), les
problèmes liés au sexe (virginité, pédophilie,
inceste), exiguité de l'habitat, etc...
En
plus de la collaboration entre les guérisseurs traditionnels
et les médecins, Oumar Ndoye considère que les pouvoirs
publics doivent faire en sorte qu'il y ait une structure psychiatrique
dans chaque hôpital. Ismaïla
SARRE
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l'article original : www.sudonline.sn/archives/19032002.htm
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