Les
travaux du premier Congrès panafricain sur la santé
mentale se sont achevés, mercredi dernier à Dakar,
par un ensemble de recommandations tirées des réflexions
échangées au sein de quatre ateliers. Pour le Pr.
Momar Guèye, “les praticiens en santé mentale
de la médecine moderne, comme ceux de la médecine
traditionnelle, recherchent tous un même but qui est de faire
retrouver au patient un bien-être physique, mental, psychique
et social. Si telle pratique ou telle autre peut guérir un
patient, nous devons tous en tenir compte et nous soutenir à
travers des échanges mutuels”.
Parmi
les nombreuses recommandations qui ont été “listées”
à la fin, mercredi dernier, des échanges entre praticiens
de divers horizons au 1er Congrès panafricain sur la santé
mentale, on note une position très importante, qui insiste
sur la complémentarité des pratiques thérapeutiques
entre “psy”, tradithérapeutes et thérapies
religieuses. Une autre recommandation, qui attire l’attention,
est relative à “une écoute contextualisée”.
Celle-ci repose sur “la nécessité de disposer
d’une grille de lecture admise à la fois par le patient
et le thérapeute”. C’est ainsi qu’il a été
souligné l’intérêt pour les professionnels
de la santé de bénéficier “d’un enseignement
scientifique de sociologie et d’anthropologie dans leur cursus
professionnel”.
Une
place a été également réservée
à l’impact des conflits armés. Les participants
ont admis la nécessité de s’intéresser
de plus près à la réalité des effets
psychiques de ces conflits armés sur les populations civiles
et les soldats. Enfin, la promotion d’une prévention
en matière de santé mentale et d’une bonne communication
entre les praticiens, les malades et leurs familles, qui doivent
garantir une observance efficace des thérapies, a retenu
l’attention des congressistes.
Ces
recommandations semblent, comme la thérapie de la plupart
des troubles mentaux, soulever la nécessité, non pas
“des séances d’électrochocs”, mais
des traitements de (très) longue durée, avec des “posologies”
diverses de propositions. Il faudra assurément un “après-Dakar”.
Le diagnostic effectué après ces trois jours de travaux
sur les besoins et les capacités africains, les pratiques
endogènes et d’ailleurs, notamment dans l’intégration
de la spécificité des données culturelles dans
la psychothérapie, laissent aisément deviner qu’il
faudra d’autres “séances d’écoute mutuelle”
entre spécialistes de divers horizons.
“PARENT
PAUVRE” DU SECTEUR DE LA SANTE
Il
s’agissait, en fait, pour cette rencontre de Dakar, “de
faire l’inventaire de toutes les pratiques en santé
mentale, recensées en Afrique, des acteurs de ce secteur
de la santé, de leurs démarches, des techniques et
des moyens, mais aussi de discuter du comportement du public et
de ses besoins de plus en plus importants.
Plus
de 150 acteurs de diverses disciplines intervenant dans la santé
mentale (psychiatres, psychologues, pédopsychiatres, éducateurs
sociaux, neurologues) ainsi que des spécialistes dans les
sciences sociales (sociologues, ethnologues et anthropologues) et
même des tradithérapeutes, ont tenté de “débroussailler”
les champs de la pratique en santé mentale, un sous-secteur
qui, selon certains, est le “parent pauvre” du secteur
de la santé.
Selon
le Pr. Momar Guèye, chef de la clinique de psychiatrie du
CHU de Fann, “les résultats de ce congrès devraient
permettre à nos pays (ndlr : ceux d’Afrique) d’ouvrir
des voies allant vers une plus grande efficacité opérationnelle
dans la prise en charge des problèmes mentaux, notamment
les maladies et troubles du comportement”.
Le
Pr. Momar Guèye a aussi indiqué qu’il faudra
d’autres efforts pour combler le déficit en ressources
humaines. Si en Afrique, on compte 1 psychiatre et 1 neurologue
pour 4 à 8 millions d’habitants, au Sénégal,
qui semble relativement mieux loti, il y a 1 psychiatre et un neurologue
pour 1,1 million d’habitants.
POLITIQUE
DE FORMATION
Il
faudra donc continuer, sans faiblir, à chercher de “lumineux”
points de rencontres entre pratiques occidentales et africaines,
trouver leurs limites objectives, déterminer ce qu’il
faut renforcer, prendre ou laisser, chez soi ou chez l’autre,
afin que s’enclenche, enfin, un développement “plus
équilibré et plus large” de la santé mentale.
C’est
ainsi que les congressistes ont retenu de faire un plaidoyer en
faveur d’un appui à une “véritable”
politique de formation des personnels en santé mentale et
d’un développement d’un partenariat interculturel.
Ils ont appelé les professionnels de la santé mentale
à “s’imprégner en permanence des transformations
sociales et économiques de leur pays dans la mesure où
ces “mutations sont à la fois source de problèmes
pathologiques et peuvent influencer l’expression des symptômes”.
En
somme, cette rencontre a laissé percevoir l’image d’une
marmite dans laquelle bouillonnent : “connaissances et aptitudes
de praticiens africains, imbibés de formation à “l’occidentale”,
spécificités culturelles, facteurs sociaux, insuffisance
de moyens, subjectivité du public, multiplicité des
méthodes thérapeutiques, ésotérisme
clos de pratiques traditionnelles, etc.”.
Pour
le Pr. Momar Guèye, “les praticiens en santé
mentale de la médecine moderne, comme ceux de la médecine
traditionnelle recherchent tous un même but, qui est de faire
retrouver au patient un bien-être physique, mental, psychique
et social. Si telle pratique ou telle autre peut guérir un
patient, nous devons tous en tenir compte et nous soutenir à
travers des échanges mutuels”.
“On
ne peut pas empêcher à quelqu’un d’aller
consulter un tradipraticien, dans la mesure où il vit sa
culture avec ses références et ses représentations
propres”, a expliqué le psychiatre sénégalais.
FARA DIAW
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