Maladies
infectieuses en Côte d' Ivoire/Dr Coulibaly Makan(Directeur des
politiques et stratégies) .
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Quelles sont les réalités du VIH/Sida aujourd’hui en Côte d’Ivoire
?
- Il faut dire qu’en Côte d’Ivoire, la prévalence du Sida varie
de 8 à 10% en fonction des régions. Aujourd’hui toute la Côte d’Ivoire
est concernée avec surtout une prévalence forte au niveau des frontières
comme Abengourou par exemple où on notait en 2001, 14% de taux de
prévalence, à Odienné, au notait 10%. Il faut dire également que
la tranche d’âge la plus concernée est celle qui va de 15 à 49 ans
avec aujourd’hui une prévalence de 14% chez les femmes enceintes
qui fréquentent les centres de protection maternelle et infantile.
• Le constat est donc qu’il y a une tendance à l’évolution dans
toute la Côte d’Ivoire ?
- On peut parler d’évolution du VIH/Sida parce que la lutte a connu
un relâchement pendant deux à trois ans. On tente aujourd’hui de
redynamiser cette lutte en essayant de mettre en place la décentralisation
et surtout la multisectorialité.
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En 1997 on parlait de 18% des jeunes concernés par le VIH. Des études
ont-elles été faites dans ce sens pour actualiser les chiffres de
contamination pour chaque tranche d’âge et catégorie ?
- A ma connaissance, il n’y a pas eu de nouvelles études. Mais je
pense que ces études sont nécessaires pour faire le point de la
situation épidémiologique. En effet, il y a eu beaucoup de campagnes
de sensibilisation. Aujourd’hui les jeunes connaissent le VIH/Sida
et il est bon de faire une analyse pour savoir quelle est la situation
réelle. Ce qui est sûr, dans les années 99, il y avait une tendance
à la stabilisation de l’épidémie. C’est peut-être le résultat de
toutes ces campagnes. Mais il faut savoir aujourd’hui, quelle est
la situation pour pouvoir tirer des conclusions.
• Vous êtes le directeur des politiques et stratégies et l’on constate
visiblement qu’il y a une tendance à la hausse du taux de prévalence.
Quelle politique et quelle stratégie devant cette situation ?
- Il faut dire tout de suite que la vision du ministère aujourd’hui
c’est d’abord la décentralisation et la multisectorialité. L’analyse
de la situation a permis de dire que la réponse était insuffisante
et donc qu’il fallait l’amplifier. Et cette réponse ne peut être
amplifiée que par la multisectorialité, la décentralisation. Nous
avons également défini les domaines prioritaires. Il y a en premier
lieu la conscientisation des jeunes, suivie des IST (Infections
sexuellement transmissibles), ensuite c’est la vulnérabilité des
femmes, les prostituées et leurs partenaires, les migrants, etc.
Il y a onze domaines prioritaires avec comme onzième le renforcement
des capacités institutionnelles. Car si on veut décentraliser, faire
de la mutlisectorialité, il faut renforcer les capacités des départements
et des régions.
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Décentraliser avec quels moyens ?
-
C’est pour cela que nous sommes partis à Abengourou et à Agnibilékrou
pour la 1ère étape du Tour Sida en Côte d’Ivoire qui est une des
stratégies pour faire cette décentralisation. En effet, il faut
permettre à chaque département d’avoir un leader, et ce leader-là,
c’est le délégué départemental qui doit coordonner toutes les activités
de lutte, qui doit pouvoir mobiliser les populations pour que la
lutte soit multisectorielle. Nous avons établi un programme en tenant
compte de nos moyens limités en ressources financières. Il s’agit
de donner déjà le matériel nécessaire pour faire de la sensibilisation.
Car il ne faut pas oublier que la prévention c’est vraiment la 1ère
arme pour réduire la propagation du VIH, ensuite il y a la prise
en charge des maladies du Sida.
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Parlant justement de prévention, quelle stratégie et politique pour
la disponibilité et l’accessibilité du préservatif féminin qui n’est
toujours pas à la portée du plus grand nombre ?
- Nous avons reçu des préservatifs féminins. Mais comme vous le
savez l’utilisation du préservatif féminin n’est pas aisée. Et donc
nous avons décidé de faire d’abord la formation des femmes leaders
dans les associations, dans les communautés, pour qu’elles servent
de relais pour l’utilisation de ces cordons. Il ne sert à rien de
les distribuer si les femmes ne savent pas les utiliser. Vous avez
vu la démonstration, ce n’est pas toujours aisé. Nous avons établi
le plan de formation qui sera d’abord basé sur les femmes des centres
sociaux. C’est un personnel qui rencontre plus facilement les femmes
et qui va donc servir de relais. La formation est prévue dans le
courant de ce mois. Nous avons actuellement 85000 préservatifs féminins
disponibles qu’on va mettre à la disposition des femmes lorsqu’on
va commencer la formation.
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Quelle stratégie et politique par rapport aux traitements, à la
disponibilité des médicaments avec toutes ces ruptures que nous
connaissons et la limitation à Abidjan de leur disponibilité ?
- La prise en charge est liée aussi à la question de la décentralisation
et au renforcement des capacités. J’ai dit que le 11e domaine prioritaire
c’est le renforcement des capacités. Les médicaments sont là, mais
ils sont limités pour l’instant à Abidjan. Les malades de l’intérieur
viennent s’approvisionner à Abidjan. Or ce qu’il faudrait, c’est
de mettre les médicaments au niveau des régions et des départements.
Mais si tu mets les médicaments à ces niveaux-là, il faut en même
temps faire le renforcement des capacités techniques pour faire
le suivi biologiques des patients. Et ce suivi biologique, s’il
existe à l’intérieur on peut mettre les médicaments à la disposition
des régions et départements. Donc la stratégie aujourd’hui, c’est
décentraliser et renforcer les capacités au niveau des laboratoires.
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Il faut également avoir des moyens financiers parce qu’il y a déjà
des ruptures à Abidjan alors qu’on n’a pas encore décentralisé la
disponibilité des médicaments ?
- Non, le problème de rupture est lié aux finances. Quand je dis
décentraliser, c’est non seulement mettre les médicaments à gérer
dans les structures sanitaires de l’intérieur mais aussi renforcer
les capacités c’est-à-dire former et assurer le suivi biologique.
Maintenant pour le problème de rupture des médicaments, il est lié
à l’existence de fonds. L’Etat donne 750 millions. Cet argent ne
peut traiter que 1000 (mille) malades mais à l’état actuel des choses,
on est obligé de prendre en charge 2000 patients. Il est donc difficile
de gérer les 2000 malades qui sont sous traitement. Et si on veut
payer pour 3000, 4000 malades, il faut trois fois plus de fonds.
Il faut donc mobilier des ressources. Et c’est une politique du
ministère chargé de la Lutte contre le Sida. Il doit mobiliser des
ressources et faire le plaidoyer. On a également une autre stratégie,
c’est de créer un fonds qui puisse permettre de mobilier les ressources
et gérer de façon plus transparente. Interview réalisée par B –
ZEGUELA
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l'article original : www.fratmat.co.ci/story.asp?ID=10504
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