La
médecine traditionnelle devient de plus en plus populaire dans les
pays industriels et jusqu’à 80 % des gens y ont recours dans les
pays du Sud dans le cadre des soins de santé primaires. Cette situation
a conduit les praticiens et les consommateurs à s’inquiéter de l’innocuité
et, surtout, des questions de politique, de réglementation, de preuves,
de biodiversité, ainsi que de préservation et de protection des
connaissances traditionnelles.
L'Organisation
mondiale de la Santé (OMS) publie aujourd’hui un plan mondial sur
le sujet. Cette stratégie prévoit un cadre politique pour aider
les pays à réglementer les médecines traditionnelles ou parallèles/complémentaires,
afin de les rendre plus sûres, plus accessibles et viables.
«
Environ 80 % des Africains ont recours à la médecine traditionnelle.
Pour cette raison, nous devons agir vite afin d’évaluer son innocuité,
son efficacité, la qualité, la standardiser et protéger ainsi notre
héritage et nos connaissances traditionnelles. Nous devons également
l’institutionnaliser et l’intégrer dans nos systèmes nationaux de
santé », a expliqué le docteur Ebrahim Samba, Directeur régional
de l’OMS pour l’Afrique.
Dans les pays riches, un nombre croissant de patients fait appel
aux médecines parallèles pour des soins préventifs ou palliatifs.
En France, 75 % de la population a eu recours au moins une fois
à des traitements complémentaires ; en Allemagne, 77 % des services
soignant la douleur proposent l’acupuncture et, au Royaume-Uni,
les dépenses en médecines parallèles ou complémentaires atteignent
les 2,3 milliards de dollars des Etats-Unis par an.
L’utilisation des traitements traditionnels à mauvais escient peut
toutefois donner lieu à des problèmes. Par exemple, on utilise en
Chine la plante médicinale Ma Huang (Ephédra) pour les traitements
de courte durée des congestions de l’appareil respiratoire. Aux
Etats-Unis, elle a été commercialisée comme complément diététique
et son utilisation prolongée a provoqué au moins une douzaine de
décès, ainsi que des attaques cardiaques et cérébrales. En Belgique,
au moins 70 personnes ont dû subir des greffes de rein ou des dialyses
à la suite d’une fibrose interstitielle, après avoir absorbé une
plante de la famille des Aristolochiaceae, à nouveau comme complément
diététique.
«
La médecine traditionnelle ou complémentaire est à la fois victime
de l’enthousiasme sans esprit critique et du scepticisme mal informé,
explique le docteur Yasuhiro Suzuki, Directeur exécutif à l’OMS
de Technologie de la santé et produits pharmaceutiques. Notre stratégie
a pour but de tirer profit de son véritable potentiel pour améliorer
la santé et le bien-être des gens, tout en minimisant les risques
liés à une mauvaise utilisation des remèdes ou à une efficacité
qui n’a pas été prouvée. »
Dans
les pays en développement, où plus d’un tiers de la population n’a
pas accès aux médicaments essentiels, la délivrance de traitements
traditionnels ou parallèles sûrs et efficaces pourrait jouer un
rôle essentiel dans l’amélioration de l’accès aux soins. Mais, alors
que la médecine traditionnelle a été pleinement intégrée dans les
systèmes de santé en Chine, dans les deux Corée et au Viet Nam,
de nombreux pays n’ont pas collecté de données systématiques sur
ce type de soins.
Au
niveau mondial, le marché des traitements traditionnels atteint
les 60 milliards de dollars des Etats-Unis par an et il est en augmentation
constante. En plus de la sécurité des patients et des menaces sur
les connaissances et la biodiversité, le développement de la commercialisation
en l’absence de réglementation pourrait à la longue menacer l’accès
à ces traitements en les rendant inabordables dans les populations
pour lesquelles ils représentent la principale source de soins.
Pour cette raison, il est nécessaire d’adopter une politique de
protection des connaissances autochtones et traditionnelles.
Environ
25 % des médicaments modernes dérivent de plantes utilisées tout
d’abord en médecine traditionnelle. L’efficacité de l’acupuncture
dans le soulagement des douleurs et des nausées a été bien démontrée.
Des essais contrôlés randomisés établissent également de manière
convaincante que l’hypnose et les techniques de relaxation peuvent
soulager l’anxiété, les sentiments de panique et l’insomnie. D’autres
études ont montré que le yoga pouvant réduire les crises d’asthme,
tandis que les techniques de Tai chi aident les personnes âgées
à avoir moins peur des chutes.
A côté des pathologies chroniques, la médecine traditionnelle a
également des applications sur les maladies infectieuses. En Afrique,
en Amérique du Nord et en Europe, trois personnes sur quatre vivant
avec le VIH/SIDA font appel à des traitements traditionnels ou complémentaires
pour divers symptômes et pathologies. En Afrique du Sud, le Medical
Research Council étudie l’efficacité d’une plante, Sutherlandia
microphylla dans le traitement des malades du SIDA. Utilisée traditionnellement
comme tonique, elle pourrait augmenter la vigueur, l’appétit et
la masse corporelle des personnes vivant avec le VIH.
On a découvert récemment qu’Artemisia annua, plante médicinale chinoise
utilisée depuis près de 2000 ans, était efficace contre le paludisme
résistant et elle a suscité l’espoir de pouvoir éviter une grande
proportion des 800 000 décès infantiles provoqués chaque année par
des accès graves.
La stratégie OMS pour les médecines traditionnelles ou parallèles
a pour but d’aider les pays à :
élaborer des politiques nationales portant sur l’évaluation et la
réglementation de ces pratiques ;
établir une base de données plus solide sur l’innocuité, l’efficacité
et la qualité des produits et pratiques traditionnels ou parallèles
;
veiller à ce que ces médecines soient accessibles et abordables,
notamment les plantes médicinales essentielles ;
promouvoir le recours justifié sur le plan thérapeutique à ce type
de médecine, de la part des prestataires de soins comme des consommateurs.
On
peut consulter la stratégie, document de travail à adapter et à
mettre en œuvre au niveau régional, et d’autres informations sur
le sujet sur le site : www.who.int/medicines/library/trm/trm_strat_fr.pdf
(La visualisation de ce fichier PDF nécessite le logiciel
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Lire
l'article original : www.who.int/inf/fr/cp-2002-38.html
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