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Tempête à la Fondation Follereau : Les lépreux amputés de 50% de leur aide - Fraternité matin - Côte d'Ivoire - 27/05/02

5 mois après la 49è Journée mondiale qui a eu lieu à Issia, le ministère de la Santé lance demain une “campagne de dépistage de masse” contre la lèpre dans la région des Lagunes pour remobiliser la population.

“Cinquante deux années de travail acharné ont permis à la Côte d’Ivoire d’être classée parmi les Nations qui ont éliminé la lèpre ”, avait affirmé le 27 janvier dernier à Issia lors de la 49e journée mondiale des lépreux le ministre de la Santé publique, le Pr Abouo N’Dori Raymond. Des résultats remarquables, puisque “ de 120.000 malades recensés en 1960, on est passé à 1692 malades au début de l’année 2002 ”. Toutefois, avait-il estimé, des efforts restent à faire pour l’éradication de la lèpre considérée il y a peu comme une malédiction. Efforts qui se résument en la guérison totale des malades et qui suppose un dépistage précoce et un traitement régulier. La réinsertion des malades dans leur village d’origine et l’engagement renouvelé de l’ensemble que sont de la population pour briser le mur de la honte. Il faut donc rester vigilants et mobilisés parce que le nombre de nouveaux cas de malades de la lèpre paradoxalement augmente plus vite que le nombre de malades en traitement “Chaque année depuis 10 ans. A souligné le Dr Djakeaux, directeur-coordonnateur du programme lèpre, nous dépistons en moyenne 2000 malades lépreux. Cela signifie, a-t-il conclu, que la maladie persiste et qu’il faut par conséquant poursuivre la lutte pour arriver au moins à moins de 1000 malades lépreux ”.

Au niveau des districts sanitaires au titre de l’année 2001, Gagnoa a enregistré 43 nouveaux cas de lèpre, 31 pour Issa, 44 pour Odiennée, 34 pour Adzopé. Jusqu’à fin avril 2002, le département de Gagnoa a dépisté 29 nouveaux cas contre 50 à Adzopé dont 40 dans le village de Bouapé. Malgré de réels progrès dans le traitement de la maladie grâce à la Poly chimiothérapie (PCT) utilisée en Côte d’Ivoire depuis 1982, certaines zones du pays restent toujours endémiques. Il s’agit de Adzopé, Agboville, Korhogo, Daloa et Man. Les raisons de la persistance de la maladie dans ces endroits ne sont toujours pas connues. L’hypothèse la plus plausible serait la concentration des malades. Alors que la contamination selon les spécialistes est souterraine, puisque la période d’incubation peut aller jusqu’à 5 ans et même au-delà sans qu’on ne découvre la maladie. Or ce n’est que quand la tache apparaît qu’on peut dire que le malade est atteint de la lèpre. Le combat contre la lèpre reste une préoccupation de tous les instants. Car comme l’a expliqué le Pr Henri Assé, directeur général de l’Institut Raoul Follereau, autant cette terrible maladie due au bacille de Hansen est très peu contagieuse, le microbe étant paresseux, autant elle disparaît difficilement.

Aussi l’information et la sensibilisation de la population tout comme la formation des personnels de santé restent-elles la priorité. Tant au ministère de tutelle que chez ses différents partenaires en particulier l’Association française Raoul Follereau. C’est justement au moment où la mobilisation de tous est nécessaire que sont mis au grand jour en France des dysfonctionnements au sein de la Fédération Groupe Raoul Follereau suite à un contrôle de l’Inspection générale des Affaires Sociales (IGAS). Faiblesses interprétées par les uns comme un scandale financier et par les autres comme une campagne de dénigrement. Ce qui est certain, c’est que les différentes interprétations du rapport de l’IGAS ont eu des effets immédiats et néfastes sur la collecte de fonds lors de la journée mondiale 2002 qui a connu une baisse de 50%. Quand on sait que le principal partenaire du ministère de la Santé est l’AFRF, il faut craindre à terme la réduction de sa contribution dans les différents programmes de lutte.
Le contrôle de l’IGAS qui porte sur les années 1996, 1997 et 1998 mentionne le manque de transparence de l’organisation et le fonctionnement de la Fédération à laquelle appartient l’AFRF. Le manque de transparence dans la gestion des fonds, la concentration des pouvoirs, des dons parfois non justifiés, et enfin le regroupement dans une même structure d’associations à but non lucratif et de sociétés commerciales. Autant de choses qui rendent complexe, selon le rapport, la comptabilité analytique de cette méga structure et partant son fonctionnement. A la suite donc des recommandations de l’IGAS, la Fédération a été dissoute, une façon de clarifier ses modes de gestion et de simplifier ses structures. Comme hier, la Fondation Raoul Follereau qui se charge de la gestion des fonds et principalement l’Association française Raoul Follereau qui exécute les projets sur le terrain, sont les partenaires des pays qui luttent contre la lèpre. D’ailleurs, l’AFRF a décidé de reconduire pour cette année le même niveau de financement qu’en 2001. Dotation qui s’élève à 7.097.437 euros, soit plus quatre milliards et demi de FCFA pour les 30 pays. L’assurance a été donnée aux autorités des pays d’intervention par son président M. Michel Pécipon. L’objectif étant le même : la lutte contre la lèpre (du diagnostic à la réinsertion sociale des malades), la lutte contre la pauvreté ainsi que les actions caritatives. Cependant, le rapport de l’IGAS n’a pas relevé que des défaillances.

En effet, malgré tous les griefs formulés à l’encontre de la Fédération, le rapport fait état de réelles satisfactions à certains niveaux. Notamment les actions de l’Association française Raoul Follereau. “ l’AFRF, souligne le rapport, la plus ancienne des structures faisant appel à la générosité publique est aussi celle qui possède une vie institutionnelle réelle. En effet, il est obligatoire pour le Comité directeur de rendre compte à des représentants des quêteurs sinon des donateurs. Enfin l’AFRF ne prend de décisions techniques en matière de lèpre que sur avis de son comité médical qui se réunit une fois par trimestre ”. Ce qui est un signe de transparence et de professionnalisme et une marque d’intérêt pour l’Afrique en général et la Côte d’Ivoire en particulier. En effet, l’AFRF, grâce à ses 40.000 donateurs aujourd’hui, a contribué à guérir, selon l’OMS, avec les associations sœurs, plus de onze millions de malades lépreux dans le monde. Parmi lesquels 700.000 en Afrique. Au-delà des actions spécifiques menées en Côte d’Ivoire dont le village des lépreux d’Adzopé devenu aujourd’hui instritut R.F, l’AFRF reste aujourd’hui le principal partenaire du ministère de la Santé. Elle subventionne, a dit le Pr Henri Assé, plusieurs programmes le don de médicaments, la coordonnerie pour la fabrication de chaussures spéciales et de prothèses ; la dotation en matériel roulant (cars et motos) ; la construction et l’équipement d’un laboratoire de recherche sur l’ulcère de Buruli ; un projet de prise en charge depuis trois ans de 200 malades de l’ulcère de Buruli dont 100 à Adzopé et 100 autres à Manikro (Bouaké). Ainsi que d’autres programmes de formation des personnels de santé et des campagnes de sensibilisation et de dépistage des malades. En somme une action globale de lutte contre la pauvreté et le sous-développement menée à la fois par l’Etat à hauteur de 80 millions à, Raoul Follereau avec 300 millions, les donateurs français et occidentaux, les religieux et religieuses, les bénévoles et quêteurs ivoiriens. Grâce à leur soutien, cette maladie handicapante qui contraignait les personnes atteintes à l’exclusion est rentrée progressivement dans les mœurs. Elles évoquait il y a deux décennies l’image d’individus aux corps mutilés, aux visages défigurés, aux bras sans mains et aux mains sans doigts. Aujourd’hui, affirme M. Yaya Doumbia, contrôleur lèpre au district de Gagnoa, la lèpre ne fait plus honte. Grâce à la Polychimiothérapie (PCT), un ensemble de trois antibiotiques (Rifampicine. Clofazimine et Dapsone), le malade guérit de la lèpre sans séquelle. Le médicament est gratuit, efficace et disponible. Le contrôleur soutient que ses patients pour la plupart suivent le traitement et se déplacent jusqu’au district pour prendre leur dotation mensuelle. Par ailleurs, dès la découverte d’un cas dans une famille, celle-ci subit un dépistage ciblé.

·La Côte d’Ivoire ne peut rien sans l’aide des associations du Nord

La plupart des associations nationales de lutte contre la lèpre en Afrique ne sont pas encore capables de se prendre en charge. Du Comité d’aide aux lépreux en 1962 à l’Association ivoirienne Raoul Follereau en 1982, le combat contre la lèpre a été toujours mené en Côte d’Ivoire en partenariat avec les ONG occidentales. La raison ?
Les cotisations, selon son président Dr Série Gnapé Félix, ne rentrent plus comme par le passé parce que les donateurs sont fatigués de cotiser pour cette maladie vieille comme le monde. Aussi l’Association repose-t-elle depuis un bon moment sur la générosité de dix personnes dont six dames. Juste de quoi faire fonctionner le bureau. De 11 millions collectés dans les années 70 sans compter les subventions de l’Etat, très significatives à l’époque, l’AIRF ne reçoit pas plus de 5 millions aujourd’hui lors de la journée mondiale des lépreux. Les donateurs, quelques rares entreprises, le lycée Sainte Marie, le collège Notre Dame du Plateau, les quêtes dans les pharmacies et certaines écoles privées. Mais là aussi, la lèpre n’intéresse plus les établissements publics. Le rôle de l’AIRF c’est aussi d’habiller les malades pendant la journée mondiale, de leur offrir des présents, de soutenir leurs familles et parfois la prise en charge sociale. Un manque d’intérêt que le Dr Série explique aussi par la crise économique, le nombre impressionnant d’ONG. Conséquence : les médecins n’ont plus de moyens pour aller, comme par le passé, dans les villages. Et pourtant la lèpre n’est pas finie, même si certaines régions du pays en sont arrivés à bout.

Par ailleurs, les populations originaires de pays en guerre et de pays voisins constituent une cible de la lèpre à laquelle s’est malheureusement greffée la “ nouvelle lèpre” ou l’ulcère de Buruli. Toutefois, le président de l’AIRF espère des lendemains meilleurs grâce d’abord à la reprise économique et au partenariat avec les infirmiers spécialistes et contrôleurs lèpre, nouvelle méthode de travail de l’Association française Raoul Follereau.

·L’éradication totale passe par la lutte contre la pauvreté

Au-delà du combat plus spécifique de la lèpre, le fondateur Raoul Follereau avait clairement, dès l’origine, exprimé son ambition de mener une lutte générale contre le sous-développement. “ Lutter contre les vraies lèpres, bien plus contagieuses, hélas et qui sont la misère, la faim, l’égoïsme, le fanatisme, la lâcheté ”. Parce que les causes essentielles de la lèpre sont la pauvreté, l’ignorance, le manque d’hygiène, les carences sanitaires, le mauvais habitat. Cette maladie sévit, a expliqué le Dr Djakeaux, dans ce qu’on appelle “la ceinture de la faim dans le monde ”. L’éradication de cette terrible maladie passe donc, a-t-il estimé, par l’assainissement, la destruction des bidonvilles, des habitats précaires pour éviter la promiscuité. Il s’agit donc d’un combat d’ensemble qui doit englober tous les domaines de la vie. Ainsi, plus la pauvreté augmente plus la population est exposée à de nouvelle maladies de plus en plus redoutables comme l’ulcère de Buruli pour lequel il n’y a pas encore de traitement. Seule la chirurgie reconstructrice, a soutenu le Pr Assé, est utilisée. L’efficacité de la polychimiothérapie, la renommée de l’Institut Raoul Follereau ont conduit les malades du Buruli abandonnés à se diriger d’eux-mêmes dès 1994 vers l’Institut. Ceux-ci partagent aujourd’hui pratiquement les 185 lits de l’Institut Raoul Follereau avec leurs frères lépreux.
Dossier Paulin N. Zobo

Lire l'article original : www.fratmat.co.ci/story.asp?ID=11076

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