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Don de sang : Il n’y a plus de sang en Côte d’Ivoire - Fraternité matin - Côte d'Ivoire - 28/05/02

Plus de 70.000 poches de sang ont été distribuées l’an dernier par le CNTS d’Abidjan. Ce chiffre pourra-t-il être atteint cette année avec la rupture de sang qui s’annonce ? Et dire que la saison pluvieuse entraîne une forte demande en sang.

Douze poches de sang du groupe O négatif, trois pour A négatif et une poche pour le groupe sanguin AB négatif. Tel était l’état des stocks du sang, le mercredi 22 mai, au Centre national de transfusion sanguine (CNTS) d’Abidjan, la mère nourricière des 60 banques de sang du pays.
Le président de l’Union nationale des donneurs de sang de Côte d’Ivoire (UNADSCI), M. Adamou Maïga, ne croyait pas si bien dire en lançant, une semaine plus tôt, sur les ondes un SOS. Le sang est en train de manquer dans le plus grand des quatre centres de transfusion sanguine, la maison mère.
Lorsque le président de l’UNADSCI, à la tête des 8.000 donneurs de sang de Côte d’Ivoire dont 75% sont des réguliers, a été alerté par la direction du CNTS afin de lancer un SOS, c’étaient des groupes sanguins rhésus positif qui commençaient à faire défaut. Notamment les O et B positifs. “ Maintenant, ça commence à aller de ce côté-là ”, nous a confié le docteur Saïdou Konaté, directeur du CNTS d’Abidjan.

En effet, le jour de notre visite au CNTS, le mercredi 22 mai, le stock affiché était, pour les rhésus positifs, de 107 poches de sang pour le O+, 42 poches pour le A+, 29 poches pour le B+ et 42 poches pour AB+. Mais, alors qu’on s’éloigne de la pénurie du côté des rhésus positifs (même si le niveau n’est pas encore satisfaisant pour le CNTS), le danger de la rupture se fait sentir chez les groupes sanguins rhésus négatifs. Or, la saison pluvieuse entraîne une forte demande en sang.
La raison ? Le président des donneurs de sang fait la relation de cause à effet avec le paludisme. “ Avec la saison des pluies, il y a beaucoup de moustiques. Ce qui entraîne beaucoup de cas de paludisme et par conséquent beaucoup d’anémie et donc besoin de sang ”.

En effet, l’an dernier, c’est à partir du mois d’avril que les demandes de poches de sang ont été importantes. 4.586 poches en avril, 5.118 en mai. Le plus grand nombre de poches de sang a été sorti, l’an dernier, en juillet avec 5.381 poches, suivi en 2ème et 3ème positions des demandes faites en mai et avril.
Le CNTS a un besoin de 150 à 200 poches de sang par jour pour ne pas connaître la pénurie qui menace à l’horizon. 150 à 200 poches de sang (un maximum de 450 ml par poche) de qualité. Ce qui suppose des donneurs de sang de qualité. Du sang donné par des personnes qui ne souffrent d’aucune maladie. Ni même pas celles qui sont sous somnifère ou antimigraineux.

Ce sang de qualité est souvent retrouvé chez ceux qu’on appelle les donneurs réguliers et dont M. Adamou Maïga est le prototype (il donne son sang depuis 1977). Car, “ de la qualité du donneur dépend la qualité du sang ”, ne cesse-t-on de dire au CNTS.

Mais combien sont-ils aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, à poser cet acte volontaire, bénévole et anonyme ? Adamou et ses amis, les 8.000 adhérents de l’UNADSCI (dont 6.000 à Abidjan) sur 16 millions d’habitants, n’ont de cesse de sensibiliser. Mais des réponses du genre “ Je n’ai pas assez de sang ” ou encore ces propos de ces parents de malades surpris de s’entendre dire qu’il n’y a pas de sang “ Mais comment vous faites pour vous là ? Il n’y a pas de sang ? Chose que vous prenez gratuitement sur les gens là… ”, ils continuent d’en entendre. Comme si cette chose donnée gratuitement ne pouvait pas provenir d’eux aussi !
Avec “ les appels au secours ” de Adamou Maïga sur les antennes de la télévision, le CNTS d’Abidjan connaît une affluence relative de donneurs de sang. Mais une affluence sporadique qui s’estompera dès que les gens n’auront plus à l’esprit le SOS.

Mercredi dernier, jusqu’à 12 h 35, la cafétéria du CNTS où la collation est offerte après un don de sang enregistrait 100 donneurs. De plus, tous les dix fauteuils de prélèvement étaient occupés et cinq personnes attendaient leur tour dans la salle. Dans le hall du CNTS, une cinquantaine de personnes attendaient d’être enregistrées.
Au nombre desquelles Mme Aboussou Marie, donneur de sang depuis 1999. Qui a commencé à donner du sang à partir d’une situation identique à celle qui prévaut en ce moment au CNTS et qui a amené Adamou à lancer un appel : “ C’est à la télé que j’ai appris que je peux donner du sang pour sauver les autres… ”.
Mme Aboussou était, mercredi dernier, à son 13ème don. Ce qui n’est pas le cas de Mlle Yao Alice Berthe qui reconnaît avoir fait cet acte charitable une seule fois. C’était en 1998, lors du passage d’un camion mobile du CNTS dans sa commune, Attécoubé. A la suite de l’appel lancé à la télévision la semaine dernière, l’étudiante en banque est accourue, le mercredi 22 mai, au CNTS après son cours à 10 h 30 pour “ sauver des vies ”. “ Car, dit-elle, je suis motivée par le fait que des gens en ont besoin. Et je peux être demain parmi ces gens-là… ”.

Notre reporter photographe Sylla Yacouba a, séance tenante, offert son sang (350 ml). Devenant ainsi le 140224e donneur de sang enregistré. Il a même promis d’amener toute sa grande famille à Gagnoa à soutenir cette cause en prenant des informations sur la collecte mobile.
Selon Alexandre, le chef du service traiteur de la cafétéria du CNTS où est servie la collation après la prise de sang, 192 personnes sont passées la veille, c’est-à-dire le mardi 21 mai. Mais tout cela ne fait pas encore le compte du CNTS qui n’aime pas beaucoup ce mois de mai… truffé de jours fériés. “ Ici, nous n’aimons pas les jours fériés parce qu’il n’y a pas de donneurs et nous devons compter sur notre stock. Et si, entre-temps, il y a beaucoup de demandes… ”, nous a confié le directeur du CNTS, le docteur Saïdou Konaté.

En effet, le CNTS reçoit tous les jours, du lundi au samedi, et fait une halte le dimanche malgré lui. Et tous les jours fériés viennent rallonger le dimanche, alors que le sang collecté, lui, continue de sortir encore beaucoup plus les dimanches et jours fériés.

·ZONE D’OMBRE “Donneurs de sang : ONG la plus pauvre”

La Fédération internationale des Organisations de donneurs de sang “ FIOT) a décidé il y a 2 ans, que le 23 mai soit le jour de la célébration des donneurs de sang.
Pour préparer l’événement, M. Adama Maïga, président de l’Union nationale des donneurs de sang de Côte d’Ivoire (UNADS-CI) s’adresse à MM. Ouattara Alassane, Konan Bédié, Robert Guéi, Affi N’Guessan, Laurent Dona-Fologo, Mamadou Koulibaly et au Chef de l’Etat, le Président Laurent Gbagbo pour avoir de l’aide. “ On se dit que comme nous on donne un peu de nous toute l’année aux autres sans rien attendre en retour, qu’ils vont nous soutenir pendant un seul jour ”. Au décompte, pour une contribution au budget de la célébration estimé à 11 millions, l’UNADSCI n’a reçu pour l’instant, des institutions du pays que la somme de 100.000 F de la primature. L’Assemblée nationale a évoqué, entre autres raisons, la restriction budgétaire.

Pour le président des donneurs de sang, cela est un signe de la non reconnaissance par les autorités des sauveurs de vie qu’ils sont. “ C’est vrai que le don de sang est bénévole mais c’est une fois dans l’année qu’on peut nous magnifier ”.

Le Siège de l’UNADS-CI est logé dans un bungalow dans la cour du CNTS d’Abidjan avec pour tout meuble deux bancs, une table et trois chaises. “ C’est ça le siège de ceux qui donnent leur sang pour sauver la vie des autres sans rien demander à personne. Nous sommes la plus grande ONG (800 membres) et la plus pauvre ”. Pour être membre de cette ONG, il faut être âgé de 18 à 60 ans, être bien portant et avoir fait au moins cinq dons le sang.

Ce sont 7 ml de sang par kilo de poids qui peuvent être prélevés. Le don maximum par prélèvement est de 450 ml et le minimum est de 250 ml.
L’UNADS-CI a permis au centre de transfusion d’Abidjan de collecter de janvier de cette année au mois d’avril, près de 14.000 poches de sang.
Ces donneurs de sang attendent du ministre de la Santé publique qu’il les aide à avoir des réductions dans les CHU et autres structures sanitaires du pays.
L’UNADS-CI rêve de mettre sur pied un fonds d’assistance du donneur de sang.

En attendant d’avoir la reconnaissance souhaitée, les donneurs de sang bénéficient de consultations gratuites au CNTS, mais “ ce n’est pas la consultation qui guérit ”, signale M. Adama Maïga. De plus le laboratoire national d’analyses médicales accorde une réduction de 50% aux donneurs de sang.
L’avantage réel pour les donneurs de sang réguliers de Côte d’ivoire, c’est la gratuité du sang pour père, mère, femme et enfants.

·BON POINT Fiabilité du sang à 100%

Révolue l’époque où à la banque de sang, il fallait conserver pendant trois mois le sang collecté le temps d’avoir les résultats du test de sérologie du VIH.
Fini le temps où par manque d’une certaine technologie le sang devrait être congelé pendant longtemps pour des raisons de sécurité. Ce qui faisait qu’il y avait du sang congelé plus cher et l’autre sang qui n’a pas été conservé pendant longtemps, donc avec des risques de contamination. Ce sang congelé coûtait évidemment plus cher, au vu des investissements faits pour sa conservation.

Aujourd’hui tout cela est à mettre au compte du passé. Il n’y a qu’un seul sang au CNTS structure de référence qualité de l’OMS et formateur à l’assurance qualité en sécurité transfusionnelle pour l’Afrique de l’Ouest.
Tout le sang prélevé le matin (de 7 h à 11 h 30) au CNTS est testé dans l’après-midi. Ce test se fait sur les tubes prélevés en même temps que les poches.
Et les résultats par rapport au VIH sont connus dans les quatre jours qui suivent.
Outre le test du VIH, le sang prélevé sur les donneurs est soumis au dépistage de l’hépatite B et C, de la syphilis. De plus, il est déterminé lors du contrôle du sang, le taux d’hémoglobine et le groupe sanguin.

Tous les résultats de ces tests sont communiqués aux donneurs de sang une semaine après le prélèvement. Si l’annonce de la séropositivité au dépistage de la syphilis, de l’hépatite B et C se font aisément, celle du Vih se fait après un counselling.
La prévalence du VIH chez les donneurs réguliers est inférieurs à 1%. Soit de 0,2%.
Après le don de sang et après les tests, les poches qui ne présentent aucune anomalie sont transférées dans le service de séparation ou de fragmentation. C’est là où le sang total est défragmenté en globules rouge, plasma (souvent demandé pour les brûlés), en plaquette, en crioprécipicite (demande pour les hémophiles) et en unité pédiatrique (des poches de sang pour enfant).

Après cette étape, la conservation est faite à 4 degrés pendant 35 jours pour le sang total et les concentrés de globules rouges.
A moins de 40 degrés pendant un an pour le plasma et les plaquettes à 20-22 degrés en agitation pendant cinq jours. Tout ce sang et les produits sanguins (plasma, plaquettes etc.) sont vendus entre 3000 F et 25.000 FCFA selon la structure sanitaire demandeuse.

Tout le système depuis le prélèvement jusqu’à à la conservation en passant par les examens et traitements subis par le sang est géré par un logiciel. Le même dans les quatre CNTS du pays (Abidjan, Dabou, Bouaké et Korhogo). Ce logiciel de gestion des services de transfusion, utilisé par 80% des services de transfusion en France, est recommandé par l’OMS. Il permet de faire de nombreux liens. Entre le donneur et le don, le don et les analyses de laboratoires, les analyses, les étiquettes collées sur les tubes et les poches de sang, entre le stockage et la distribution des poches et enfin entre les donneurs et les receveurs.
Ainsi à partir du numéro porté sur une poche de sang qui a été transfusé à quelqu’un il y a cinq ans, on peut remonter au donneur.
Et si le donneur au lieu de respecter l’intervalle de deux mois et demi pour les hommes et trois mois pour les femmes entre les dons se présente, le logiciel fait une interdiction sur son nom. Cela permet de respecter l’une des conditions du don de sang qui est que cela ne nuise pas à la santé du donneur.

·Repères

La loi n° 93672 du 9/8/93 relative aux substances thérapeutiques d’origine humaine donne un pouvoir de monopole au CNTS pour ce qui est de la collecte, du traitement et de la distribution du sang. Les donneurs de sang n’ont donc aucun droit sur le sang donné.

Les femmes donneuses de sang se comptent du bout des doigts. Sur 100 donneurs moins de 5% sont des femmes.

Les hommes donneurs de sang réguliers doivent faire cinq dons par an, tandis que les femmes doivent le faire trois fois. Une différence justifiée par les menstrues qui sont une perte de sang.

Les personnes de moins de 45 kg sont exclues du don de sang. Car le prélèvement peut donner lieu à des vertiges ou autres malaises. De plus, parce qu’on serait obligé de leur prélever moins de 250 ml. La norme se situe entre 250 et 450 ml.

Le sang prélevé est au bout de trois semaines reconstitué par l’organisme qui se régénère par la même occasion parce que dans les trois jours qui suivent le don de sang, l’organisme relance la production de nouvelles cellules.

En prévision d’une intervention chirurgicale, on peut se faire prélever au CNTS en vue de se le faire transfuser : c’est l’autotransfusion. Il revient moins cher puisque quel que soit le nombre de poches à conserver, elles vous reviendront au prix d’une poche.

Le CNTS a fait de la maintenance son cheval de bataille. D’où l’affichage sur tous les appareils de fiche de suivi pour l’assurance qualité.
Reportage réalisé par Bakayoko Zeguela

Lire l'article original : www.fratmat.co.ci/story.asp?ID=11098

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