Un
comité provisoire composé de médecins, de juristes
et de communicateurs veut rompre avec ce passé. A la faveur
de la journée mondiale anti-tabac que le monde a célébrée
vendredi dernier, nous avons discuté avec des membres du
comité
à bâtons rompus.
Toute lutte sur le terrain doit être soutenue sinon précédée
dune loi, dun décret pour garantir sa légitimité
et même son succès. Quen est-il pour le tabagisme
en Côte dIvoire ?
-
M. Kamara Mohamed:
La réglementation nest pas très fournie malheureusement
dans notre pays. Nous avons le décret n° 79477 du 06
juin 1979 qui concerne uniquement linterdiction de fumer dans
les lieux publics.
En dehors de ce décret, il y a eu un arrêté
du ministre de la Santé en 1983. Et cest tout. Cest
vraiment maigre au niveau de la réglementation.
La Côte dIvoire a abrité, en février,
la 3ème réunion des pays membres de lOMS-AFRO
sur la convention cadre. Cela na-t-il pas apporté un
plus à la lutte notamment en parlant de proposition de lois
?
-
M. Kamara :
Un grand changement est en train de samorcer sous limpulsion
de lOMS. Elle a initié, depuis deux ans, un vaste chantier
qui est la convention cadre pour la lutte anti-tabac. Ce chantier
est prévu pour sachever en 2003.
De quoi sagit-il ? Cette convention va régir toute
la lutte anti-tabac. Ce nest même pas contre le tabagisme,
mais contre le tabac. Puisque, dans le cadre de la convention, il
est prévu, à terme, darracher même les
plants de tabac et de reconvertir les planteurs de tabac, un peu
comme on la fait par rapport à la lutte contre la cocaïne
en Amérique latine. Même si on na pas eu tous
les résultats escomptés avec la cocaïne, dans
la lutte anti-tabac, on pense pouvoir aboutir à des résultats
meilleurs, parce que suffisamment bien préparés.
Quelle est la différence entre lutte contre le tabagisme
et lutte contre le tabac ?
-
M. Kamara :
La lutte contre le tabac implique à la fois des mesures fiscales,
commerciales, économiques et financières.
Alors que la lutte contre le tabagisme est centrée principalement
sur des mesures médicales. Cest comment soigner les
victimes de lépidémie tabagique avec tout ce
que cela implique pour ceux qui veulent arrêter de fumer avec
les opérations de sevrage, etc.
La lutte contre le tabagisme est incluse dans la lutte contre le
tabac.
-
Dr Bogui :
Il y a effectivement les traitements pour aider les gens au sevrage,
mais il y a surtout la prévention.
Nous axons surtout notre démarche sur la prévention,
la protection des non-fumeurs.
La prévention, pour que les jeunes notamment ne se mettent
pas à fumer et pour ceux qui sont exposés au tabagisme
des autres (tabagisme passif), mettre en place effectivement une
réglementation qui permette de les protéger contre
les nuisances et les méfaits du tabac.
Avant de commencer une lutte comme celle que vous voulez mener contre
le tabac, on fait un état des lieux. Lavez-vous fait
et quen est-il ?
-
Létat des lieux est en cours dévaluation,
mais il y a quelques données qui sont disponibles. Ce sont
des informations encore parcellaires. Cependant, ce que je peux
dire, cest que la prévalence du tabagisme est denviron
15 à 20% chez les hommes et pratiquement inférieure
à 5% chez les femmes.
Les données dont nous disposons ont été recueillies
pour le moment dans la ville dAbidjan. Il faut donc étendre
les études dabord dans les autres villes de lintérieur
et ensuite aller prospecter dans les villages.
LOMS se propose dailleurs dorganiser en collaboration
avec certains Etats de la sous-région, une enquête
multicentrique qui permettrait, par des techniques très particulières,
de recueillir très rapidement des données fiables
pour avoir une évaluation satisfaisante de la situation.
Quelles sont les stratégies de lutte du comité ?
-
Dr Bogui :
Nous voulons mettre laccent sur la prévention et la
protection.
La protection dépend surtout des mesures juridiques. Cest
dailleurs pour cela que, dans le comité, il y a des
juristes pour justement développer les aspects juridiques
qui sont très insuffisants pour lheure. Le programme
a à charge de faire des propositions pour que la législation
de la Côte dIvoire soit en phase avec les propositions
de la convention cadre.
Beaucoup de sensibilisation au niveau des jeunes, mais, pendant
ce temps, la cigarette se vend, même à lentrée
des établissements scolaires
-
Dr Bogui :
Oui, cest vrai. On va essayer de réglementer la consommation
du tabac. Les gens nauront pas le droit de fumer nimporte
où et la vente du tabac sera bien centrée.
-
M. Kamara :
Nous allons nous inspirer des résultats de la convention
cadre et aussi des textes étrangers.
Prenez lexemple de lAfrique du Sud qui est à
la pointe en matière de lutte contre le tabac. Là-bas,
tous les contrevenants à linterdiction de fumer dans
les lieux publics paient une amende de cent rands, environ 7.000
FCFA.
Chez nous, la difficulté pour appliquer les mesures quon
prend, cest quelles ne sont jamais assorties de sanctions.
Quand on prévoit des sanctions, on ne les applique pas.
Nous comptons sensibiliser notamment le législateur au phénomène.
Nous pensons également, comme mesure dissuasive, lélévation
du taux de la taxe sur la cigarette. La convention cadre la
prévue parce quil est prouvé que 10% daugmentation
des taxes entraînent relativement une chute de la consommation
du tabac de 6%.
On vient dapprendre malheureusement que le gouvernement a
baissé le coût des taxes sur le tabac. Nous pensons
que cela ne va pas dans le bon sens de la lutte.
La France, il y a un mois, a durci sa législation au niveau
du tabac, notamment pour les prescriptions prévenant du danger
de fumer sur les paquets de cigarette.
Cette année, pour la journée mondiale Anti-tabac,
vous avez choisi un jeu-concours de dessin pour toucher les jeunes.
Est-ce la voie de sensibilisation qui atteindra le plus les jeunes
?
-
Dr Bogui :
Cest une méthode de sensibilisation. Il sagit
de recueillir un message que les jeunes mêmes sont susceptibles
de proposer.
-
Mme Baba Thérèse :
Dans le programme scolaire 2002-2003, nous comptons introduire des
enseignements sur le tabac. A cet effet, nous comptons élaborer
un manuel qui servira de guide aux enseignants.
Cest donc parti pour une sensibilisation à outrance,
une guerre sans merci contre le tabac
-
M. Kamara :
Oui, mais tout le problème de la lutte Anti-tabac, cest
de sensibiliser les décideurs afin quils prennent des
mesures idoines.
-
Dr Bogui :
La nuisance du tabac est bien perçue par la population. Puisque
lenquête que nous avons menée démontre
quil y a environ 65% des personnes interrogées qui
reconnaissent que le tabac les gêne. Parmi ces 65%, il y a
pratiquement le tiers qui éprouve des difficultés
à respirer lorsquil est en présence de fumeurs.
Et ce chiffre double lorsquon sadresse aux asthmatiques.
Bayayoko
ZÉGUÉLA
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l'article original : www.fratmat.co.ci/story.asp?ID=11206
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