Il ne fait pas bon être insuffisant rénal d'une minute à l'autre
à défaut de traitement rapide, vous perdez la vie. L'Etat burkinabè
après s'être saigné pour évacuer des malades, s'être saigné encore
pour implanter sa propre unité de dialyse à l'hôpital Yalgado Ouédraogo.
La dialyse qui sert à traiter l'insuffisance rénale connaît des
difficultés dans son exploitation ; coût élevé, problème de sélection
des malades, problèmes de fonctionnement du centre.
L'hémodialyse est une modalité de traitement qui consiste à faire
épurer le sang avec un dispositif qui comprend une membrane permettant
à certaines substances de passer du sang à l'extérieur. Le traitement
permet en cas de dysfonctionnement du rein, d'épurer le sang et
de maintenir l'eau, l'électrolyse dans les conditions qui sont compatibles
avec la vie. L'insuffisance rénale, en cas de complications ou d'absence
de traitement conduit inéluctablement à la mort. Elle se manifeste
par des problèmes de gestion d'eau dans le sang ; des problèmes
de sécrétion hormonale, une hypertension artérielle, une anémie
insupportable, des troubles osseux, des problèmes cardiaques, une
fatigue générale.
Plusieurs méthodes de traitement se présentent : l'hémodialyse
aiguë est utilisée en cas d'insuffisance rénale aiguë, c'est-à-dire
lorsque les reins n'arrivent plus à fonctionner chez quelqu'un qui,
apparemment, était en bonne santé. Dans ce cas, quelques séances
de dialyse peuvent suffire pour que le rein recommence à fonctionner.
L'hémodialyse chronique, quant à elle, est appliquée aux malades
chez qui les reins se détruisent progressivement au point de ne
plus pouvoir assurer le minimum vital. Dans ce cas, on supplée le
rein par un dispositif avec un traitement à vie ou une greffe de
reins pour assurer la survie du malade.
Comment reconnaître une personne atteinte d'insuffisance
rénale ?
L'insuffisance rénale se définit par des critères biologiques.
La meilleure manière de l'évaluer consiste en des filtrations globulaires,
une caractéristique qui vise à éliminer les déchets qui s'accumulent
dans le sang à la suite de l'utilisation des aliments et aussi de
l'expulsion de l'eau. Le débit des filtrations globulaires par les
clairances est donc le système utilisé dans les centres plus ou
moins spécialisés. Au Burkina Faso, l'insuffisance rénale s'évalue
par le taux de l'urée dans le sang mais beaucoup mieux par le taux
de la créatine dans le sang de telle sorte que lorsqu'il dépasse
une certaine limite, on parle en ce moment-là d'insuffisance rénale.
Mais ces taux n'atteignent ces limites que lorsque déjà par rapport
à des méthodes fines, la fonction rénale est déjà bien limitée.
Dans les pays développés chaque année, 90 à 180 personnes par million
d'habitants arrivent en phase terminale d'insuffisance rénale chronique.
On a remarqué qu'aux USA, les Noirs supportent beaucoup plus l'insuffisance
rénale que les Blancs. Génétiquement les Noirs éliminent moins de
sels que les Blancs.
La situation au Burkina Faso
L'hôpital Yalgado Ouédraogo abrite l'unité de dialyse depuis janvier
2001. Installée pour mettre un terme à la prise en charge coûteuse
des malades à Abidjan, l'unité de dialyse de Ouagadougou ne se porte
pas mieux que certains malades. Sa localisation géographique fait
que beaucoup de malades dans les provinces ignorent son existence
ou succombent avant de l'atteindre. Selon les propos du professeur
Adama Lengani Néphrologue, médecin-chef du service de dialyse, son
service rencontre plusieurs problèmes. Sur le plan du fonctionnement,
la disponibilité de tout le matériel n'est pas toujours un acquis
; il faut des générateurs de dialyse qui coûtent cher, un système
de traitement d'eau extra-pure qui coûte également cher et des consommables
nécessaires pour assurer la dialyse. Le personnel n'est pas entièrement
au complet : seulement un chirurgien, un médecin généraliste, quatre
infirmiers et trois agents de soutien. Malgré que la séance soit
de 71 725 FCFA, coût inférieur par rapport aux pays développés,
le traitement n'est pas accessible à la plupart des populations
compte tenu de la situation socio-économique. Pour le professeur
Lengani, la question qui se pose est de savoir quoi faire pour que
l'unité d'hémodialyse soit bénéfique aux populations concernées.
Des contraintes qui demandent des solutions à
la société
Partout ailleurs en Europe comme en Afrique, l'insuffisance rénale
est traitée gratuitement ou à un très faible coût pour les malades.
A son installation au Centre hospitalier national Yalgado Ouédraogo,
aucun critère de soin n'a été établi au préalable. Le Centre est
d'ailleurs resté sept (7) mois sans fonctionnement.
Quels malades prendre en charge ? Quelle modalité de financement
pour le fonctionnement de l'unité de l'hémodialyse ? Voilà des contraintes
qui posent des problèmes d'éthique et de sélection des malades.
Le responsable du Centre, le professeur Lengani suggère de trouver
une instance décisionnelle reflétant le point de vue de la société
dans son ensemble. Cette instance doit être à même de fixer les
conditions de prise en charge pour le traitement et les soins. "Le
problème de la sélection des malades reste un problème de société
et c'est à la société de réfléchir en tenant compte de ses potentialités
pour choisir le type de malade à prendre en charge".
Pour le médecin, tous les insuffisants rénaux ont droit à la vie.
Certains pays européens ont fixé leurs conditions : l'âge (pas en
bas de 15 ans) ; le type de maladie rénale (aiguë ou chronique)
; la sélection économique (qui va payer ?) ; la possibilité de réhabilitation
sociale (le malade peut-il supporter un traitement à long terme)
; les problèmes associés (un directeur de société, un père de famille
; ne faut-il pas leur donner la priorité ?) en fin les malades sans
complication à qui on peut donner une survie à long terme. Chez
nous, l'on pourrait suggérer que le malade paie 50% ou selon son
niveau social. Pour oser penser à des perspectives quant à la survie
de l'unité de dialyse, et surtout des malades; il faut savoir ce
que nous voulons ? Ce que la société doit vouloir, c'est le consensus
dans les critères de sélection des malades. Cela demande beaucoup
plus de solidarité, de responsabilité de la part de l'Etat par une
subvention claire et la contribution de la société. Il y a un Comité
d'éthique au niveau de la santé qui vient de voir le jour. Ce comité
a intérêt à se pencher sur le problème de sélection des malades
au niveau de l'unité de dialyse.
La dialyse est un palliatif au traitement de l'insuffisance rénale.
Les insuffisants rénaux méritent autant que les personnes vivant
avec le VIH/Sida une considération.
Ismaël BICABA
M. Koudewoui Gaston Jules Abouga, président de
l'Association burkinabè des dialyses et insuffisants rénaux :
Notre association a été créée en l'an 2000 à Abidjan où nous étions
en évacuation sanitaire. A l'époque il n'y avait pas de Centre de
dialyse au Burkina. Lorsque le Centre de Ouagadougou a ouvert ses
portes en septembre, l'Association a continué ses activités : défendre
les intérêts des malades ; créer un cadre d'entraide mutuelle de
solidarité et éventuellement sensibiliser les autorités et la population
sur ce qu'est l'insuffisance rénale et ses conséquences. Il y a
un autre aspect de la maladie qui mérite d'être relevé : le coût
très élevé des soins qui pose le problème de la prise en charge
des malades. Nous luttons pour que l'Etat et la société tout entière
puissent intervenir pour soutenir les malades comme c'est le cas
pour le Sida et comme on le fait un peu partout pour ce qui concerne
la dialyse. I.B.
Lire l'article original : http://www.sidwaya.bf/sitesidwaya/sidawaya_quotidiens/sid2003_04_06/sidwaya.htm
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