L'expression médecine traditionnelle se rapporte aux pratiques,
méthodes, savoirs et croyances en matière de santé qui impliquent
l'usage à des fins médicales de plantes, de parties d'animaux et
de minéraux, de thérapies spirituelles, de techniques et d'exercices
manuels - séparément ou en association - pour soigner, diagnostiquer
et prévenir les maladies ou préserver la santé. En Afrique, en Asie
et en Amérique Latine, différents pays font appel à la médecine
traditionnelle pour répondre à certains de leurs besoins au niveau
des soins de santé primaires. En Afrique, jusqu'à 80 % de la population
a recours à la médecine traditionnelle à ce niveau.
Des soins palliatifs très répandus
Dans les pays industrialisés, la médecine " complémentaire " ou
"parallèle " est l'équivalent de la médecine traditionnelle. Un
usage répandu qui ne cesse de croître. La médecine traditionnelle
reste très répandue dans toutes les régions du monde en développement
et son usage ne cesse de croître dans les pays industrialisés.
* En Chine, les préparations traditionnelles à base de plantes
représentent entre 30 et 50 % de la consommation totale de médicaments.
* Au Ghana, au Mali, au Nigeria et en Zambie, le traitement de
première intention pour 60 % des enfants atteints de forte fièvre
due au paludisme fait appel aux plantes médicinales administrées
à domicile.
* L'OMS estime que, dans plusieurs pays d'Afrique, la plupart
des accouchements sont pratiqués par des accoucheuses traditionnelles.
* En Europe, en Amérique du Nord et dans d'autres régions industrialisées,
plus de 50 % de la population a eu recours au moins une fois à la
médecine complémentaire ou parallèle.
* A San Francisco, à Londres et en Afrique du Sud, 75 % des personnes
vivant avec le VIH ou le SIDA font appel à la médecine traditionnelle
ou à la médecine complémentaire ou parallèle.
* 70 % des Canadiens ont eu recours au moins une fois à la médecine
complémentaire.
* En Allemagne, 90 % des gens prennent un remède naturel à un
moment ou à un autre de leur vie. Entre 1995 et 2000, le nombre
de médecins ayant suivi une formation spéciale à la médecine naturelle
a quasiment doublé pour atteindre 10 800.
* Aux Etats-Unis d'Amérique, 158 millions d'adultes font appel
à des produits de la médecine complémentaire et, d'après la Commission
for Alternative and Complementary Medicines, un montant de US $17
milliards a été consacré aux remèdes traditionnels en 2000.
* Au Royaume-Uni, les dépenses annuelles consacrées à la médecine
parallèle représentent US $230 millions.
* Le marché mondial des plantes médicinales, en expansion rapide,
représente actuellement plus de US $60 milliards par an. Problèmes
d'innocuité et d'efficacité. Ce n'est que pour diverses utilisations
de l'acupuncture, pour certaines plantes médicinales et pour certaines
thérapies manuelles que les essais cliniques randomisés ont livré
des faits scientifiques convaincants. Il faut faire d'autres recherches
pour vérifier l'innocuité et la sécurité d'emploi de plusieurs autres
pratiques et plantes médicinales.
L'absence de réglementation ou la mauvaise utilisation des pratiques
et médicaments traditionnels peut avoir des effets nuisibles, voire
dangereux.
Ainsi, la plante " Ma Huang " (Ephredra) est traditionnellement
utilisée en Chine pour soigner la congestion des voies respiratoires.
Aux Etats-Unis, elle a été commercialisée comme auxiliaire diététique,
et un dosage excessif a entraîné au moins une douzaine de décès,
d'accidents cardiaques ou d'accidents vasculaires cérébraux.
En Belgique, au moins 70 personnes ont dû subir une transplantation
ou une dialyse rénale pour une fibrose rénale interstitielle après
avoir pris pour perdre du poids une préparation fabriquée à partir
d'une espèce de plante erronée.
Biodiversité et pérennité
Au-delà des problèmes d'innocuité, on s'inquiète du fait que le
développement du marché des plantes médicinales, qui a d'énormes
retombées sur le plan commercial, risque de menacer la biodiversité
en raison du pillage des matières premières nécessaires à la fabrication
des médicaments ou d'autres produits de santé naturels. Ces pratiques,
si elles ne sont pas encadrées, pourraient entraîner l'extinction
d'espèces en danger ainsi que la destruction de ressources et d'habitats
naturels. Autre problème apparenté, les règles de protection prévues
dans les normes internationales applicables au droit des brevets
ainsi que dans la plupart des lois nationales classiques sur les
brevets ne suffisent pas actuellement à protéger les savoirs traditionnels
et la biodiversité.
Expérimentation des méthodes et produits
- 25 % des médicaments modernes sont préparés à base de plantes
qui ont au départ été utilisées traditionnellement.
- L'acupuncture a fait la preuve de son efficacité pour soulager
les douleurs postopératoires, la nausée pendant la grossesse,
la nausée et les vomissements associés à la chimiothérapie, ainsi
que la douleur dentaire avec extrêmement peu d'effets secondaires.
Elle permet également d'atténuer l'anxiété, les troubles paniques
et l'insomnie.
- Le yoga peut contribuer à atténuer les crises d'asthme, tandis
que les techniques de Taï Chi peuvent aider les personnes âgées
à moins redouter les chutes.
- La médecine traditionnelle peut d'autre part agir sur les maladies
infectieuses. En Chine, par exemple, la plante médicinale Artemisia
annua, utilisée depuis près de 2000 ans, s'est avérée efficace
contre le paludisme résistant et pourrait représenter une percée
qui permettrait d'éviter près d'un million de décès par an, pour
l'essentiel chez des enfants, des suites du paludisme grave.
- En Afrique du Sud, le Medical Research Council fait actuellement
des études sur l'efficacité de la plante Sutherlandia Microphylla
pour soigner les patients atteints du SIDA. Traditionnellement
utilisée comme tonique, cette plante peut renforcer la masse corporelle
chez les personnes vivant avec le VIH et leur donner plus d'énergie
et d'appétit.
Efforts déployés par l'OMS pour promouvoir une médecine traditionnelle
sûre, efficace et abordable. C'est en 2002 que l'Organisation mondiale
de la Santé a mis en place sa première stratégie globale en matière
de médecine traditionnelle. Cette stratégie a pour but d'aider les
pays à :
- élaborer des politiques nationales d'évaluation et de réglementation
des pratiques de la médecine traditionnelle et de la médecine
complémentaire ou parallèle ;
- développer la base factuelle sur l'innocuité, l'efficacité et
la qualité de produits et pratiques de la médecine traditionnelle
et de la médecine complémentaire ou parallèle ;
- veiller à ce que la médecine traditionnelle et la médecine complémentaire
ou parallèle, y compris le recours aux médicaments essentiels
à base de plantes, soient disponibles et abordables ;
- promouvoir un usage thérapeutique judicieux de la médecine traditionnelle
et de la médecine complémentaire ou parallèle par les prestataires
et les consommateurs ;
- rassembler de la documentation sur les médicaments et remèdes
traditionnels. L'OMS aide les autorités de la santé des Etats
membres à préparer des guides pour utiliser en toute sécurité
les plantes médicinales. Elle a organisé différents ateliers régionaux
sur la réglementation des médicaments traditionnels à l'intention
des autorités nationales de plusieurs pays des régions de l'Afrique,
de l'Amérique latine et de la Méditerranée orientale. Des ateliers
auront lieu en 2003 pour les pays d'Europe et d'Asie.
L'OMS soutient la médecine traditionnelle
A l'heure actuelle, l'OMS appuie dans trois pays africains des
études cliniques sur des antipaludiques ; il s'est avéré que certaines
plantes comportaient un potentiel intéressant contre le paludisme.
D'autres activités de collaboration sont en cours avec le Burkina
Faso, le Ghana, le Kenya, le Mali, le Nigeria, l'Ouganda, la République
démocratique du Congo et le Zimbabwe pour la recherche et l'évaluation
de traitements à base de plantes contre le VIH/SIDA, le paludisme,
l'anémie drépanocytaire et le diabète sucré. En Tanzanie, l'OMS
prête un appui technique aux autorités en collaboration avec la
Chine pour la production d'antipaludiques extraits de la plante
chinoise Artemisia annua. La production locale de ce médicament
permettra de faire tomber le prix de la dose de US $6 ou $7 à $2,
montant plus abordable.
En 2003, l'appui de l'OMS a permis jusqu'ici de mettre au point
et d'introduire des programmes de formation aux soins traditionnels
et parallèles dans sept établissements d'enseignement de niveau
tertiaire aux Philippines. Des ateliers de formation à l'usage des
médicaments traditionnels contre certains troubles et maladies ont
d'autre part été organisés en Chine, en Mongolie et au VietNam.
Les priorités concernant la promotion de l'utilisation des médicaments
traditionnels. Plus d'un tiers des habitants des pays en développement
n'ont pas accès aux médicaments essentiels. L'accès à des thérapies
traditionnelles ou complémentaires/parallèles sûres et efficaces
pourrait être déterminant pour le développement des soins de santé.
Si la Chine, la République populaire démocratique de Corée, la
République de Corée et le VietNam ont entièrement intégré la médecine
traditionnelle dans leur système de soins, de nombreux pays doivent
encore rassembler des faits normalisés sur ce type de soins et les
intégrer dans leurs systèmes. Dans 70 pays, les médicaments à base
de plantes font l'objet d'une réglementation, mais le contrôle législatif
des plantes médicinales n'a pas suivi un modèle structuré, et ce
parce que les produits ou médicaments à base de plantes ne sont
pas définis partout de la même façon et que diverses approches ont
été adoptées pour l'homologation, la distribution, la fabrication
et le commerce de ces produits.
Etant donné le peu de données scientifiques sur l'innocuité et
l'efficacité de la médecine traditionnelle et de la médecine complémentaire
et parallèle et pour d'autres raisons aussi, il est important pour
les gouvernements de :
- formuler une politique et une réglementation nationales pour
le bon usage de la médecine traditionnelle et de la médecine complémentaire
ou parallèle ainsi que pour leur intégration dans le système national
de soins, conformément à la stratégie de l'OMS pour la médecine
traditionnelle ;
- mettre en place des mécanismes de réglementation pour contrôler
l'innocuité et la qualité des produits et des pratiques de la
médecine traditionnelle et de la médecine complémentaire ou parallèle
;
- sensibiliser le grand public et les consommateurs aux thérapies
traditionnelles et complémentaires ou parallèles qui peuvent être
appliquées avec efficacité et sans danger ;
- cultiver et conserver les plantes médicinales pour qu'elles
puissent être durablement utilisées.
Padey G. OMS-Genève
Lire l'article original : http://www.fasonet.bf/hebdo/actualite2/hebdo218/santemedecine218.htm
|