La situation de la maladie serait-elle si dramatique
?
En 2001, il a été notifié 17 110 cas. Pour l'année 2003, nous n'avons
que des résultas partiels, la situation que vit notre pays ne permettant
pas d'avoir les données sur l'ensemble du territoire. Pour la seule
ville d'Abidjan cependant, il y a 8 375 cas qui ont été dépistés
en 2002. C'est un accroissement de 16% pour la ville d'Abidjan par
rapport à 2001. C'est dire que la tuberculose demeure vraiment un
problème de santé publique en Côte d'Ivoire.
Comment expliquer cet accroissement alors que
les conditions d'hygiène, ne cessent de s'améliorer ?
Il y a d'abord le problème de l'infection à VIH. Elle favorise
la circulation épidémiologique au niveau de la tuberculose. D'autres
facteurs comme les déplacements de la population ou la pauvreté
peuvent expliquer cet accroissement. Il y a également les situations
de crise comme celle que nous vivons actuellement, qui font que
certains malades n'auront pas accès au diagnostic même de la tuberculose.
Or, un malade qui n'est pas diagnostiqué peut contaminer 15 à 20
personnes dans son entourage. Il faut souligner que les taux de
guérison ne sont pas élevés en Afrique au sud du Sahara. En Côte
d'Ivoire, nous sommes à 64% de taux de guérison, avec à peu près
14% de patients qui abandonnent leur traitement. A ce niveau aussi,
il faut sensibiliser la population. L'achat des médicaments anti-tuberculeux
est assuré sur le budget de l'Etat, ce qui est une exception en
Afrique. Il est temps que la communauté puisse jouer sa partition
en entourant les malades d'affection, en les encourageant à prendre
leurs médicaments. Ils ne doivent pas être rejetés.
C'est ce changement de comportement que vous
allez prêcher au cours des manifestations officielles aujourd'hui
à Bassam ?
Exactement. Le thème de cette journée, justement, c'est " DOT,
j'en suis guéri, tu guériras aussi ". DOT, c'est la stratégie préconisée
par l'OMS pour la prise en charge de la tuberculose. L'un des éléments
clés de cette stratégie consiste à administrer le traitement de
la tuberculose de manière supervisée. Une personne extérieure au
malade doit observer celui-ci au moment où il prend son médicament.
Cette stratégie a permis d'obtenir des résultats très satisfaisants
en Côte d'Ivoire même. Sur certains sites pilotes, nous avons pu
guérir jusqu'à 88% des cas de tuberculose, alors que l'OMS plaide
pour 85%. La stratégie DOT est très importante et il y a lieu de
faire sa promotion. De plus en plus, d'anciens malades vont témoigner
afin que tout le monde puisse s'inscrire dans cette mouvance.
Quel est le niveau d'infection dans le monde
?
Sur 100 personnes qui sont infectées par le germe, il y a dix en
moyenne qui développent la maladie. C'est dire que beaucoup de personnes
sont infectées. Un tiers de la population mondiale est infecté.
Mais seulement 10% vont faire la maladie. Notre souhait, c'est que
ces 10%, lorsqu'elles développent la maladie, elles soient rapidement
reconnues comme tel afin de ne pas contaminer d'autres. C'est la
condition pour ne pas qu'il y ait d'autres infections. Celui qui
est infecté n'est pas malade. Donc, il ne contamine pas. Parmi les
10%, seuls ceux qui développent la maladie sont contagieux et peuvent
contaminer d'autres personnes.
Quel est le poids financier de la tuberculose
sur le budget de l'Etat ?
Chaque année, ce sont à peu près 700 millions de francs qui sont
déboursés par l'Etat pour les médicaments et pour les consommables
des laboratoires. C'est un poids énorme dans le budget de l'Etat.
Surtout que c'est fait à titre social. Ces médicaments ne sont pas
vendus au malade.
Quel lien y a-t-il entre sida et tuberculose
?
La rumeur dit que les deux maladies sont liées… Il y a un lien
effectivement. La tuberculose constitue la première infection opportuniste
chez les personnes vivant avec le VIH. Sur dix personnes infectées
par la tuberculose, il n'y en a qu'une qui va faire la tuberculose.
Parmi les autres, il y en aura qui ont été infectées par le virus
du sida. A un certain niveau de dépréciation de leur système de
défense, la tuberculose va se réveiller. Ce réveil ne se fait pas
à partir d'une nouvelle contamination, mais à partir du réveil des
germes qui étaient endormis… Cela contribue à augmenter le nombre
de nouveaux cas de tuberculose dans les pays où l'épidémie de l'infection
à VIH connaît une forte prévalence. Il faut préciser que le traitement
de la tuberculose a la même efficacité chez une personne séronégative
que chez une personne séropositive. Il peut même constituer une
chance pour le porteur du virus du Vih/sida. C'est lui donner encore
des chances de vie, par rapport à d'autres infections qui n'ont
pas un traitement aussi efficace que celui de la tuberculose.
Tout tuberculeux est-il systématiquement porteur
du virus du sida ?
Pas du tout. La preuve: en Côte d'Ivoire, seuls 45% des tuberculeux
sont porteurs de l'infection à Vih/sida. A ce propos, il convient
sans doute de rassurer les malades : le test du sida n'est pas fait
systématiquement à tous les malades. Seuls les patients qui acceptent
de le faire peuvent en bénéficier. Les estimations que nous avons
sont faites à partir de ces tests volontaires. Propos recueillis
par ELVIS KODJO
Lire l'article original : http://www.fratmat.co.ci/story.asp?ID=20436
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