Les explications de Urbain Olanguena Awono, ministre de la Santé
publique, après sa récente élection à la vice-présidence de la 56e
assemblée générale de l'OMS, où il a pris la parole au nom de la
région Afrique.
M. le ministre, quelle lecture faut-il faire
de l'élection du Cameroun à la vice-présidence de la 56e assemblée
mondiale de l'OMS ?
C'est un honneur pour le Cameroun d'avoir été désigné à cette responsabilité
: d'abord pour être le porte-parole de toute la région Afrique et,
ce faisant, d'avoir à exprimer les choix et les positions africaines
au cours de cette assemblée mondiale. Cette position est aussi la
reconnaissance de la pertinence de la politique de santé qui est
menée par le Président Paul Biya et mise en œuvre par le gouvernement
camerounais. Cette reconnaissance est partie de la région Afrique
elle-même, qui a élu le Cameroun à la présidence donc du comité
régional à Harare. La désignation au niveau mondial n'a été que
le prolongement de cette confiance.
En quoi la 56e assemblée mondiale de l'OMS a-t-elle
été importante ?
Cette assemblée a été de l'avis de tous, l'une des plus grandes
au cours des dernières décennies. Il y a eu un changement de direction
et le passage du témoin entre le Dr Gro Harlem Brundtland (sortant)
et le Dr John Wook Lee (entrant). De plus, cette assemblée s'est
tenue dans le contexte de l'épidémie du SRAS. Les responsables de
la santé ont eu à échanger longuement sur cette nouvelle maladie.
Bien que de nombreux points d'ombre subsistent encore, on sait désormais
que l'agent pathogène est un " coronavirus " qui se transmet par
contact très rapproché (mains, bouche, yeux). Le nettoyage des mains,
le port des masques et l'isolement des malades et des suspects assurent
une bonne protection. De nombreuses résolutions et conventions ont
été adoptées au cours de ces assises, à l'instar de la convention-cadre
de lutte contre le tabac à l'échelon mondial. Le Cameroun est fier
d'avoir joué, au cours de cette assemblée mondiale, le rôle qui
lui a été confié.
En quoi la convention-cadre de lutte contre
le tabac est-elle véritablement importante ?
Il faut d'abord relever que c'est la première convention du genre
en matière de santé publique. C'est dire que les mentalités ont
évolué. Les négociations y relatives ont duré quatre ans (1999-2003).
Nous sommes parvenus finalement à un consensus, pour reconnaître
que le tabagisme est une épidémie grave qui détruit des vies que
l'on peut pourtant protéger. Les mesures que cette convention va
autoriser à prendre sont tout à fait claires en termes d'actions
concernant notamment la réglementation de la publicité sur le tabagisme.
Lors de la dernière journée mondiale antitabac, la lutte contre
le tabagisme s'est focalisée sur des vecteurs comme le cinéma et
la mode. Cette convention encourage les Etats à adopter des législations
fiscales assez contraignantes pour décourager aussi bien l'offre
que la demande du tabac. Elle encourage par ailleurs l'adoption
des mesures tarifaires visant le même objectif et des mesures d'ordre
fiscal. Ce à quoi il faut ajouter la promotion d'espace non-fumeur
dans les lieux publics, les hôtels, les transports… La convention
insiste sur la protection de la santé des adolescents qui fument
généralement par effet de mode ou pour exprimer leur maturité supposée.
Reste à chaque pays d'adapter cette convention à ses réalités et
de mettre sur pied des législations nationales permettant d'atteindre
les objectifs susvisés.
Que faudrait-il retenir du débat relatif aux
aspects du droit de la propriété intellectuelle touchant au commerce
et la santé ?
C'est un problème sensible sur lequel nous avons beaucoup travaillé.
Le Cameroun a exprimé sa position lors d'une rencontre avec l'industrie
pharmaceutique le 18 mai 2003, la veille de l'ouverture de l'assemblée
mondiale. Nous pensons que c'est très important que la santé publique
prime sur les aspects commerciaux liés à la protection des brevets.
Cette position camerounaise a aussi été celle de la région Afrique.
Il s'agit donc de faire en sorte que le consensus de Doha de 1981
soit porteur et qu'il n'y ait pas de blocages pour dériver ailleurs
les avantages de compromis de Doha. L'accès aux médicaments doit
être considéré par tous comme un droit humain.
Que peut-on retenir des entretiens bilatéraux
que vous avez eus avec le nouveau directeur général de l'OMS ?
J'ai rencontré le Dr John Wook Lee, d'abord pour le féliciter,
ensuite pour connaître ses priorités. Ces dernières m'ont paru correspondre
aux priorités de la stratégie sectorielle du Cameroun. Notamment
en ce qui concerne le développement des soins de santé primaires.
Le nouveau directeur général a profité de la commémoration du 25e
anniversaire de la conférence internationale d'Alma Ata sur les
soins de santé primaires, pour réaffirmer cette priorité dans l'action
qu'il entend mener. Permettre aux personnes disposant des revenus
les plus faibles d'accéder aux soins de santé de base. Pour cela,
il faut aller au niveau de la base pour renforcer l'infrastructure
existante et renforcer les capacités en termes de ressources humaines,
ainsi que la disponibilité du médicament et l'accès aux médicaments.
Les programmes verticaux camerounais de lutte contre le paludisme,
le VIH/sida, les soins obstétricaux d'urgence, la prise en charge
intégrée des maladies de l'enfant s'appuient sur cette réalité de
promotion des soins de santé primaires.
Que va gagner le Cameroun après son accession
au conseil d'administration du Fonds mondial de lutte contre le
Sida, le paludisme et la tuberculose ?
C'est encore un élément de confiance qu'environ une vingtaine de
pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre aient désigné le Cameroun
et le Nigeria pour siéger au conseil. Le Cameroun, d'abord comme
administrateur suppléant en 2003, avant d'être administrateur plein
en 2004, lorsqu'il succèdera au Nigeria. Nous allons à cette position
essayer de défendre les intérêts de notre groupe de pays, pour que
les requêtes de ces pays qui sont parmi les plus gravement touchés,
puissent aboutir. Ensuite, pour que les mécanismes de déboursement
des ressources soient aussi flexibles que possible pour qu'on ne
tombe pas dans une bureaucratie pénalisante, alors que nous faisons
face aux urgences.
Le taux de couverture vaccinale au Cameroun
étant encore à améliorer, avez-vous eu des entretiens avec les responsables
de l'Alliance globale pour la vaccination ?
Nous avons participé à Genève aux rencontres entre cette alliance
et les pays bénéficiaires de ses interventions. Nous avons aussi
eu un entretien bilatéral avec le directeur de ce programme. Le
tour d'horizon que nous avons fait, a permis de constater qu'il
y a des progrès dans le programme de vaccination du Cameroun, le
taux de couverture étant passé de 43% en 2001 à 64% en 2002. Nous
avons également étudié la possibilité de renforcer notre programme
avec l'introduction de nouveaux vaccins comme celui de l'hépatite
B. Ce qui devrait se faire au plus tard en 2004.
Peut-on s'attendre au renforcement de la coopération
hospitalière à la suite des échanges que vous avez eus avec votre
homologue français ?
A l'initiative du ministre français de la Santé, nous avons eu
une rencontre regroupant autour de lui, les ministres des pays concernés
par l'initiative inter-hospitalière en matière de lutte contre le
sida qu'on appelle le projet ESTHER (ensemble pour la solidarité
thérapeutique). Cette solidarité vise à appuyer nos formations hospitalières
dans la prise en charge correcte du VIH/Sida. Le Cameroun a été
éligible à ce programme. Mon collègue français et moi-même avons
signé la convention-cadre pour fixer les axes de cette nouvelle
coopération. La formation des médecins camerounais a commencé ;
la phase d'identification du projet est achevée ; il reste maintenant
à signer la convention financière qui va permettre de déployer des
activités de formation, de recherche et la mise en place des équipements
adéquats pour assurer une prise en charge correcte du VIH/Sida au
Cameroun.
Vous avez réuni à Genève les ministres de la
Santé de la CEMAC. Avez-vous eu à évoquer avec eux le problème de
la réouverture de l'école sous-régionale de santé publique ?
Cette école est une préoccupation au niveau des ministres de la
Santé de la zone CEMAC. Et à travers l'OCEAC qui est notre cadre
de concertation, nous pensons que cette école doit être réouverte,
parce qu'elle avait connu des problèmes liés au contexte de son
implantation. Compte tenu de l'importance de cette école, nous avons
décidé de la relancer. Nos experts sont en train de travailler sur
ce projet. Il en est de même de la réorientation de l'OCEAC et son
nouveau positionnement par rapport aux priorités actuelles de nos
pays.
Que représente pour le Cameroun la visite annoncée
courant juin du Dr. Piot, directeur exécutif de l'ONUSIDA ?
En marge des travaux de la 56e session de l'Assemblée mondiale
de la santé qui s'est tenue à Genève du 19 au 28 mai 2003, j'ai
reçu en audience Dr. Piot, directeur exécutif de l'ONUSIDA. Au cours
de cette audience, l'intéressé a réitéré son intention de visiter
le Cameroun. Pour le Dr. Piot, cette visite est la reconnaissance
de ce qui est fait au Cameroun en matière de lutte contre le Sida
grâce à l'engagement permanent du Chef de l'Etat, l'action renforcée
du gouvernement et la mobilisation de la Première Dame ainsi que
d'autres acteurs sociaux. En tout état de cause, elle sera l'occasion
de renforcer notre coopération avec cet organisme dont l'appui auprès
du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme
pourrait être favorable à l'examen de notre requête.
BADJANG ba NKEN
Lire l'article original : http://www.cameroon-tribune.cm/article.php?lang=Fr&oled=j09062003&idart=8486&olarch=j06062003
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