Pharmacien de profession, le Docteur Moussa Dao a beaucoup souffert du bégaiement au cours de ses études secondaires et universitaires. Aujourd'hui, il tente d'aider tous ceux qui, dans le silence et parfois dans l'indifférence, souffrent de cet handicap de la parole. L'association Action contre le bégaiement (ACB) qu'il a contribué à fonder au Burkina est son cadre de lutte. Il est également membre de l'Action mondiale des personnes bègues et coordonne à ce titre, les activités de cette organisation dans la sous-région Afrique de l'Ouest. Sidwaya l'a rencontré à l'occasion de la Journée mondiale des personnes bègues célébrée le 22 octobre de chaque année. Il nous parle des activités de l'ACB et du phénomène du bégaiement.

Sidwaya : Quelles sont les raisons qui ont motivé la création de cette association ?

Docteur Moussa Dao : Nous avons constaté que le bégaiement faisait l'objet d'un mutisme. Il entraîne des conséquences dramatiques sur sa victime et est toujours vu comme une fatalité. Lorsque qu'on estime à cent vingt mille (120 000), le nombre de personnes bègues au Burkina, cela veut dire que 120 000 personnes souffrent dans le silence et dans l'isolement voire dans l'indifférence. Ce qui n'est pas le cas dans les pays développés où la situation de la personne bègue évolue positivement grâce à l'action des associations. C'est pourquoi nous avons jugé opportun de créer une structure similaire ici au Burkina. C'est ainsi qu'en février 2002, l'ACB est née.

Sidwaya : Combien de membres compte l'ACB aujourd'hui et quels avantages peut-on tirer en y adhérant ?

Docteur Moussa Dao : L'ACB compte présentement une centaine de membres. Elle est ouverte à toute personne bien qu'ayant été créée par des personnes bègues, parce que le bégaiement concerne tout le monde. Si on n'est pas bègue, on est soit parent, ami ou collègue d'un bègue. Parmi les avantages qu'on peut tirer en adhérant à l'association, il y a que les membres peuvent bénéficier de documents d'informations et de conseils relatifs au bégaiement. Ils peuvent aussi prendre part à des séances de thérapie de groupe, participer à des séminaires et conférences sur le bégaiement.

Sidwaya : Votre association organise sa première grande sortie depuis sa création. Quelles sont les principales activités qui y seront menées ?

Docteur Moussa Dao : Cette première sortie se situe dans le cadre de la commémoration de la Journée mondiale des personnes bègues qui a lieu le 22 octobre de chaque année. Si par le passé cette journée passait inaperçue au Burkina, avec la naissance de l'ACB, nous voulons que le silence soit rompu définitivement. Ainsi pour le première fois au Burkina, une conférence parlera publiquement du bégaiement. D'autres activités sont également prévues en rapport avec le thème de cette journée qu'est "le bégaiement au Burkina Faso : situation présente et perspective".

Sidwaya : Le bégaiement, est-ce une maladie ou une anomalie ?

Docteur Moussa Dao : Le bégaiement est un phénomène assez complexe car il s'agit non seulement d'un trouble du langage et de l'élocution, mais également d'un problème de communication. En tant que trouble du langage, le bégaiement correspond à un dysfonctionnement au niveau de la fluidité du langage. Il altère le bien-être de la personne d'autant plus que le langage constitue un élément fondamental dans la vie de tous les jours. Dans ce sens, on peut le considérer comme une maladie puisqu'il a des répercussions sur la physiologie du bègue. Plus qu'une maladie, le bégaiement constitue un handicap.

Sidwaya : Quelles sont les causes du bégaiement ?

Docteur Moussa Dao : On avance généralement trois grandes causes qui expliqueraient le bégaiement. La première est d'ordre génétique. La deuxième serait physiologique et la dernière d'ordre psychologique. Présentement c'est la cause génétique ou héréditaire qui a tendance à prendre le dessus sur les autres thèses. On estime qu'un enfant qui naît de parents bègues a cinq fois plus de chance de devenir bègue qu'un enfant dont les parents n'ont pas cet handicap. Il y a des chercheurs qui tentent actuellement d'identifier le gène responsable du bégaiement.

Sidwaya : Peut-on en guérir ?

Docteur Moussa Dao : Oui, on peut guérir du bégaiement à condition de s'y prendre tôt, surtout chez l'enfant. Il y a de nos jours plusieurs méthodes de traitement. Celle qui est en cours est la technique de fluidité qui consiste à réapprendre à la personne à parler de façon posée et calme. Cependant, il faut retenir qu'on peut vivre aisément avec son handicap. Il y a eu de célèbres personnes telles que le Prophète Moïse, Albert Einstein (physicien), Charles Darwin (écrivain) qui étaient bègues, mais cela ne les a pas empêchés d'être des figures de l'histoire humaine.

Sidwaya : Quelles sont les attentes de votre association au sortir de ces premières journées ?

Docteur Moussa Dao : Nous comptons toucher le maximum de gens pour qu'il y ait une prise de conscience des conséquences du bégaiement au Burkina Faso. Nous pensons aussi qu'avec cette sortie les personnes bègues pourront se prendre en charge. Nous voulons qu'à l'issue de ces journées, plus de personnes surtout les enfants et les parents d'enfants bègues adhérent à l'association.

Sidwaya : Votre association travaille-t-elle avec d'autres structures du même genre ?

Docteur Moussa Dao : Dans notre programme d'action, nous envisageons nouer un partenariat avec l'Association burkinabè des personnes handicapées en vue d'en devenir membre.

Sidwaya : Comment faire pour être membre de votre association ?

Docteur Moussa Dao : L'association est ouverte à toute personne bègue qui aurait versé 1000 F comme frais d'adhésion et 2500 F pour la cotisation annuelle si elle est salariée, et 1000 F si elle n'est pas salariée.

Entretien réalisé par Cheick Omar BONI Verlaine KABORE Jean-Baptiste Dipama

Lire l'article original : http://www.sidwaya.bf/sitesidwaya/sidawaya_quotidiens/sid2002_10_18/societe_5.htm