Sida
et médecine traditionnelle : Quel apport dans la lutte ? - Sidwaya
- Burkina Faso - 12/12/01
Dans le cadre de la tenue de la douzième CISMA
du 9 au 13 décembre à Ouagadougou, nous avons approché la Direction
de la médecine pharmaceutique ayant en son sein le service de la
pharmacopée traditionnelle pour voir dans quelle mesure, la pharmacopée
contribue à la lutte contre le Sida.
Les
docteurs Mahamadou Compaoré et Jean-Baptiste Nikièma responsables
de la structure travaillent au mieux avec les tradipraticiens pour
mettre au point des médicaments fiables à même de faire leurs preuves.
En ce qui concerne la lutte contre le Sida par les tradithérapeutes,
il faut voir cela sous plusieurs angles explique le docteur Jean-Baptiste
Nikièma. Il y a d'abord l'implication des acteurs de la médecine
traditionnelle dans la prévention ; ils sont formés à prévenir,
à conseiller les personnes pour limiter le taux d'infection. Ils
sont très proches de la population, ils comprennent les langues
locales, le ministère de la Santé les utilise pour sensibiliser
sur le terrain. Secondo, les amener à intervenir dans la prise en
charge des malades du Sida.
Une fois que la personne est atteinte, que peuvent faire les tradithérapeutes
? Certains disent pouvoir traiter le Sida, par contre, d'autres
affirment le contraire. Il y a la peur en leur sein puisqu'ils croient
qu'ils seront assassinés s'ils déclarent pouvoir soigner le Sida.
La réalité est que beaucoup de tradithérapeutes prennent déjà en
compte les malades du Sida en ville et dans les villages. Le ministère
de la Santé en collaboration avec le centre médical des religieux
Camilliens a mis en place une unité d'évaluation qui s'inscrit dans
un protocole élaboré par le bureau régional de l'OMS pour l'Afrique
en collaboration avec des spécialistes pour voir comment on peut
évaluer des médicaments traditionnels dans la lutte contre le Sida.
Ce protocole a été élaboré à Madagascar en 2000 où il y a des spécialistes
en évaluation clinique qui ont abordé tous ces aspects. Cette évaluation
prévoit deux phases : la première phase détermine le fondement scientifique
de ce qu'avancent les tradithérapeutes, c'est l'évidence ethnomédicale.
La deuxième phase concerne les essais cliniques pour que les médicaments
traditionnels aient une chance de contribuer à la prise en charge.
C'est cette expérience que le ministère de la Santé a entreprise
avec les religieux de Saint Camille. Aujourd'hui, il y a neuf tradipraticiens
sélectionnés à travers tout le Burkina et qui ont l'expérience de
la prise en charge des personnes vivant avec le VIH. Les malades
sont suivis cliniquement pour voir si dans le sang du malade, la
quantité de virus appelée charge virale a diminué, si l'essence
immunitaire remonte à travers les examens, si certains paramètres
biologiques se normalisent... Les résultats sont assez intéressants.
Environ 800 personnes sont actuellement traitées et suivies à Saint
Camille.
Les deux méthodes de traitement ne sont pas à comparer (moderne
et traditionnelle). Les médicaments traditionnels ont tendance à
agir sur les défenses immunitaires ; les antirétroviraux agissent
directement sur le virus et réduisent la charge virale. Ce sont
des mécanismes d'actions différents. C'est pourquoi, il est conseillé
aux patients qui sont sous produits antirétroviraux de ne plus utiliser
les produits de la pharmacopée. Après la dévaluation du FCFA en
1994, la population a eu de l'engouement pour la médecine traditionnelle
plus accessible financièrement mais dont la qualité n'est pas garantie.
Pourtant, bon nombre de malades se réfèrent à la pharmacopée traditionnelle
pour soulager leurs maux. Le Sida cause la stupeur au niveau de
la population et ceux qui sont atteints, cherchent par tous les
moyens à s'en débarrasser. Les antirétroviraux n'étant pas à la
portée du citoyen moyen, son seul choix est de se ruer sur les produits
traditionnels. Les tradipraticiens ayant compris cela proposent
toutes sortes de produits à leurs clients. La Direction de la médecine
pharmaceutique est en train d'élaborer une politique nationale en
matière de médecine et pharmacopée traditionnelle pour voir dans
quelle mesure le Burkina pourrait disposer de produits traditionnels
améliorés. Elisabeth Sougue
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