Médicaments
antirétroviraux : la longue attente des malades - Le soleil - Sénégal
- 13/12/01
(Ouagadougou) - La XIIe Conférence internationale
sur le SIDA et les maladies sexuellement transmissibles en Afrique
(CISMA) prend fin aujourd’hui à Ouagadougou. Depuis dimanche dernier,
quelque cinq cents délégués venus de 61 pays ont passé au peigne
fin toutes les questions liées à l’épidémie du SIDA en Afrique.
Cette réflexion essentielle doit aider à amplifier les efforts déjà
déployés sur le terrain en matière de prévention, à renforcer l’engagement
des gouvernements et des partenaires au développement à accentuer
l’implication des communautés, à favoriser l’accès des malades aux
antirétroviraux, etc.
Le
thème de la XIIe CISMA était “les communautés s’engagent”. Voilà
seize ans que l’Afrique organise des CISMA et les millions d’Africains
malades du SIDA attentent d’accéder aux médicaments qui ont permis
au pays du Nord développés de contrôler de façon significative l’infection
à VIH.
Réseaux
communautaires : Les représentants des réseaux ont, dès l’ouverture
de la CISMA, souligné leurs “frustrations accumulées” pour n’avoir
pas été pleinement associées dans le processus d’organisation de
la conférence. Ils ont déploré le nombre peu important des membres
des communautés à cette rencontre internationale qui voulait d’abord
les écouter. Cette intervention a surpris beaucoup de monde dans
les couloirs comme si les associations de base et les organisations
devaient, comme les hommes politiques et les diplomates, user de
la langue de bois. Avec leur “parler vrai”, les représentants des
réseaux communautaires ont secoué le cocotier. C’est sans doute,
de l’avis même de nombreux observateurs, la preuve que l’Afrique
a changé. Dix ans de démocratisation, de renforcement des compétences
et d’élargissement du champ d’intervention des organisations de
la société portent leurs fruits. Tant mieux pour les millions d’Africains
malades du SIDA ou seulement avides d’entendre les choses exprimées
telles qu’elles sont.
ACCES
AUX MEDICAMENTS POUR TOUS
80
% des malades du SIDA vivent en Afrique qui ne représente que 10
% de la population mondiale. Quelque 28 millions d’Afrique du Sud
et du Sahara vivent avec le VIH/SIDA. La maladie menace le bien-être,
le développement et la stabilité sociale à une échelle sans précédent.
Peu
d’Africains affectés par le SIDA ont pourtant accès aux antirétroviraux
qui prolongent la vie des malades. Ils ne sont pas plus de 30.000
à être sous trithérapie, selon le Directeur exécutif de l’ONUSIDA,
M. Peter Piot. Ces médicaments, de l’avis même des experts, peuvent
diminuer de 60 à 70 % la mortalité chez les personnes vivant avec
le VIH. “La priorité doit être l’accès des malades aux ARV”, soutient
le Dr Ibra Ndoye, coordonnateur du programme national de lutte contre
le SIDA au Sénégal et président de l’Union africaine contre les
infections sexuellement transmises. “La prévention doit aller de
pair avec l’accès aux médicaments”, renchérit M. Bernard Kouchner,
le ministre délégué français à la Santé.
Cette
position est également partagée par les représentants des réseaux
communautaires et des personnes vivant avec le VIH. La revendication
est forte, légitime et exprimée sur toutes les tribunes de la XIIe
CISMA. Mme Martine Somda, responsable d’une ONG Burkinabè de personnes
vivant et affectées par le VIH, rappelait, hier, fortement, que
l’accès aux ARV n’est qu’une partie de la solution du problème.
Peut-on demander à un travailleur burkinabè de débourser quelque
45.000 frs CFA par mois pour lutter contre le SIDA. Il faudrait
donc que ces ARV soient à la portée des bourses des malades. Des
pays comme le Sénégal se sont engagés sur ce chemin. Il s’agirait
d’amplifier les efforts afin que, comme le souligne Mme Somda, les
ARV ne soient pas disponibles que pour “une couche de privilégiés”.
Nous
l’avons déjà dit, la France est pour que la prévention aille de
pair avec l’accès aux médicaments. D’autres partenaires du Nord
ont des positions plus en retrait. M. Kouchner, le ministre français,
a dit, dimanche dernier, que la position des Etats-Unis a connu
une “évolution majeure” sur cette question. Le débat, tout au long
des jours écoulées, s’est, en partie, focalisé sur l’utilisation
de l’argent du Fonds mondial mis en place après l’assemblée extraordinaire
de l’ONU sur le SIDA du mois de juin 2001, nous confie M. Baba Goumballa,
le secrétaire exécutif de l’Alliance nationale contre le SIDA. Ce
fonds mondial financera-t-il uniquement la prévention ? Prendra-t-il
aussi en charge l’accès aux médicaments ?
La solution ou le consensus passera par l’organisation de “solidarités
nouvelles” dont parlait le président Blaise Compaoré en ouvrant
les travaux la CISMA. Le monde ne peut plus, en effet, continuer
à voir “le Nord propriétaire des médicaments et les malades à la
charge du Sud” ? Ce “scandale” est aujourd’hui “inacceptable” pour
les Africains. C'est fort opportunément que "l'Initiative internationale
sur la place des traitements antirétroviraux dans la prise en charge
des thérapeutiques de l'infection par le VIH en Afrique (recommandations
de Gorée) souligne que (...) "l'arrivée des antirétroviraux modifie
l'approche médicale, y compris dans les pays pauvres. Aujourd'hui,
il n'est plus défendable, face à la montée croissante de la mortalité
et de la morbidité, face aux bienfaits des ARV, de promouvoir la
prévention tout en continuant à prôner l'abstention thérapeutique".
PAYS
A BASSE PREVALENCE DU SIDA
Beaucoup
de pays, surtout en Afrique de l’Ouest, ont un faible taux de prévalence
du SIDA. Le Sénégal, le Mali, la Mauritanie, le Niger, pour ne citer
que ceux-là, sont dans cette situation. On peut croire, à tort d’ailleurs,
que les ressources allouées à la lutte contre le SIDA devraient
être prioritairement accordée aux parties de notre continent où
l’infection à VIH touche jusqu’à 35 % de la population générale.
Certains experts disent qu’on doit aussi accorder une attention
soutenue aux pays à basse prévalence, car c’est maintenant qu’il
faut agir pour éviter les “catastrophes observées ailleurs”. Les
actions menées aujourd’hui peuvent, de l’avis des experts, permettre
“d’économiser, demain, des ressources”.
Family
Health internationale (FHI)/USAID a présenté, au cours de la CISMA,
une étude sur la question. Cette étude parle des stratégies à développer
et met en exergue des expériences de certains pays. L’exemple du
Sénégal a été cité comme “un modèle en Afrique de l’Ouest et dans
le monde entier”. La prévalence du SIDA dans la population générale
est de 1, 4 % au Sénégal. L’objectif du gouvernement est qu’elle
ne dépasse pas 3 % en 2006. Le leadership politique y est fort et
la mobilisation sociale réelle.
Le rapport, présenté à la presse par Mme Gail. A. Goodridge de FHI,
directrice adjointe du Projet IMPACT, insiste, entre autres, sur
l’importance de “l’engagement des gouvernements” et de la “mobilisation
communautaire”. Les gouvernements, même s’ils n’ont pas de ressources
suffisantes, “peuvent augmenter l’impact de ce que les autres font
et aider les différents partenaires à travailler ensemble”, a déclaré
Mme Goodridge.
POLITIQUES EN MATIERE DE LUTTE CONTRE LE SIDA
En Afrique de l’Ouest, la plupart des Etats disposent de plans stratégiques
de lutte contre le SIDA. Rares sont, toutefois, les pays qui ont
élaboré une politique explicite. Celle-ci, en ce qu’elle consigne
dans un document unique les engagements et les grandes orientations,
s’impose de plus en plus comme un outil essentiel dans la lutte
contre l’épidémie.
Un
atelier satellite de la CISMA a réuni, du 07 au 08 décembre 2001,
huit pays de l’Afrique de l’Ouest francophone (Burkina Faso, Cameroun,
Côte d’Ivoire, Togo, Bénin, Guinée, Mali et Sénégal). Les délégués
des Programmes et Conseils nationaux de lutte contre le SIDA de
ces pays ont demandé au POLICY Project des Etats-Unis de les aider
dans la formulation de politiques de lutte contre l’épidémie et
de développement de plaidoyer pour la mobilisation des ressources.
DE NOTRE ENVOYE SPECIAL E.BACHIR SOW
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l'article original : www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=9862&index__edition=9464
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