Les
guérisseurs haussent le ton face au VIH/SIDA - Le soleil - Sénégal
- 13/12/01
"Si vous soignez la diarrhée, ça ne veut pas
dire que vous soignez le sida, mais vous apportez un mieux vivre
au malade". Avec ses collègues guérisseurs, Kamanga Ouédraogo est
venu plaider à Ouagadougou devant la conférence sur le sida en Afrique
pour que soit prise en compte la médecine traditionnelle.
"Dans
le cas du sida, il y a un rôle important des médecines traditionnelles
pour soulager. On ne dit pas qu'on soigne, mais on peut traiter
les maladies opportunistes. Ceux qui disent soigner le sida sont
des charlatans", explique Kamanga Ouédraogo. A l'appel de l'ONG
PROMETRA (Promotion des médecines traditionnelles), 150 à 200 guérisseurs
se sont rassemblés hier pour interpeller les organisateurs de la
XIIème Conférence internationale sur le sida et les maladies sexuellement
transmissibles en Afrique (CISMA/ICASA).
Pour
eux, pas de confusion possible. Les véritables "tradipraticiens"
ont un rôle important à jouer, d'abord social, mais aussi médical,
par leurs connaissances, notamment phytosanitaires, qui permettent
de soigner certaines des infections associées au sida. Tous les
autres, les "docteurs de gris-gris" qui se multiplient, notamment
dans les grandes villes africaines, sont des imposteurs, charlatans
qui vivent de la crédulité des populations pauvres, analphabètes
et déracinées. "85% de la population d'Afrique sub-saharienne s'adressent
à des guérisseurs. 90% des personnes qui apprennent leur séropositivité
vont vers un guérisseur en première intention", explique Erick Vidjin'
Agnih Gbodossou, président de PROMETRA.
Diplômé
de médecine "occidentale", le docteur Gbodossou a une double vision,
médicale et sociale du rôle des "tradipraticiens". "On peut dire
que ce sont eux qui gèrent pour une bonne part la santé. On gagnerait
donc à les impliquer davantage". Et d'évoquer le rôle important
de relais d'information que peuvent jouer les guérisseurs dans leurs
communautés. Sur le plan plus strictement médicinal, les tradipraticiens
souhaitent voir leurs savoirs pris en compte, étudiés et validés
par des équipes de spécialistes occidentaux.
Les organisateurs de la CISMA tiennent aujourd’hui une "matinée
de la médecine traditionnelle" et ont promis d'associer plus étroitement
les guérisseurs aux prochaines éditions de la conférence, mais déjà,
l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) prend la question en compte.
"Cette médecine est acceptée par les populations. Tout le monde
le sait, elle est présente jusque dans les hôpitaux. Il faut faire
la part des choses pour pouvoir l'organiser", explique Mariane Ngoulla,
du département médecine traditionnelle de l'OMS-Afrique, rejoignant
ainsi une demande de PROMETRA.
Elle
prône aujourd'hui une "stratégie pour l'institutionnalisation, la
collaboration, la formation et l'encadrement" des tradipraticiens,
en prenant en compte la différence entre les villages "où n'est
pas guérisseur qui veut", et les villes, havres de tous les charlatans.
L'OMS a, en outre, mis en place des protocoles d'évaluation et d'essais
cliniques de certains traitements traditionnels, notamment de plantes
à l'impact anti-viral "certain".
Entre
la conscience aiguë de leur rôle social et un désir de plus grande
prise en compte par la médecine "officielle", les guérisseurs ne
font en tout cas pas de complexe. "La cuisinière africaine sait
sans instrument de mesure la quantité de sel à mettre dans une sauce
pour la rendre appétissante. C'est une fausse querelle qu'on nous
fait, de dire que nos produits ne sont pas médicalement composés",
assure Edouard Ngu, chef de la délégation des guérisseurs du Cameroun.
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l'article original : www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=9860&index__edition=9464
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