12e
conférence sur le sida en Afrique: “Coups de gueule” pour l’accès
de tous aux ARV - Le soleil - Sénégal - 11/12/01
OUAGADOUGOU
(BURKINA FASO) - La 12e Conférence internationale sur le SIDA et
les maladies sexuellement transmissibles (CISMA), ouverte dimanche,
à Ouagadougou, par le président Blaise Compaoré, chef de l’Etat
du Burkina Faso, est d’abord un vaste espace d’échanges et de dialogue
sur cette terrible maladie à laquelle l’Afrique subsaharienne paye
un lourd tribut. La CISMA est d’abord une Tour de Babel où vont
se côtoyer, jusqu’à jeudi prochain, quelque 5.000 délégués, dont
près de la moitié viennent de 61 pays. Cette conférence est également
l’occasion de “coups de gueule” de groupes organisés qui, rompant
avec la langue de bois propre à de tels fora, rappellent certaines
“vérités”.
“Les
communautés s’engagent” est le thème de la 12e CISMA. Les représentants
des réseaux communautaires ont rappelé, dimanche, à la tribune officielle,
qu’au début de l’épidémie étaient les communautés. Un malade est
d’abord un membre d’une famille, d’une communauté. Les communautés
ont dit leur “frustration” pour n’avoir pas été pleinement associées
à l’organisation de la conférence. Les représentants des communautés
ont, enfin, déploré que l’organisation en charge de l’organisation
des CISMA, en l’occurrence la Société africaine contre le SIDA,
“s’éloigne du quotidien des populations” et tourne le dos “à la
démocratie et à la transparence”. Tout a été dit devant le président
Compaoré, les anciens chefs d’Etat du Burkina, du Mali, du Ghana,
des représentants des secrétaires généraux de l’OUA et de l’ONU,
des ministres de la Santé du Sénégal, le Pr. Awa Marie Coll Seck,
de France, le Dr Bernard Kouchner, du Mali, de la Gambie, du corps
diplomatique, etc.
BILAN MITIGE
Les
jeunes, par la voix du représentant du Forum, ont, eux, manifesté
leur agacement devant le “bilan mitigé, voire dramatique”, après
vingt ans de lutte, “de discours, de déclarations, de recommandations”.
“La jeunesse africaine est triste”, a-t-il lancé à une assistance
passablement surprise par tant de hardiesse, tant de passion à dire
la vérité. Si “la lutte contre le SIDA est un devoir de jeunesse”,
selon les propres mots du représentant du responsable du forum,
il n’en reste pas moins que celle-ci a besoin des adultes “pour
vaincre” la maladie. Même tonalité dans l’intervention du Dr Ibra
Ndoye, qui s’exprimait au nom de la société africaine anti-SIDA
et en sa qualité de président l’Union africaine contre les infections
sexuellement transmises. Pour le Dr Ndoye, qui est également coordonnateur
du Programme national de lutte contre le SIDA au Sénégal, la “priorité
doit être l’accès des malades aux médicaments antirétroviraux (ARV)”.
Ce serait l’hécatombe, si les personnes éligibles aux ARV n’ont
pas accès aux médicaments”. Si tel n’était pas le cas, ce serait
“une injustice sociale” que “la communauté internationale doit combattre”.
Le Dr Ndoye est allé jusqu’à parler de “génocide des personnes vivant
avec le VIH”. “Deux millions de personnes, a-t-il rappelé, meurent
en Afrique subsaharienne parce qu’ils sont pauvres et vivent en
Africains”. Ce scandale, le Dr Ndoye ne l’accepte pas et, avec lui,
tous les membres des institutions qu’il a représentées à Ouagadougou.
Le scientifique qu’il est, et l’homme de terrain qui traque le virus
depuis de nombreuses années, s’empresse d’ailleurs d’ajouter que
les ARV peuvent, aujourd’hui, aider à diminuer fortement (de l’ordre
de 60 à 70 %) le taux de mortalité au sein des personnes vivant
avec le VIH.
STYLE
FLAMBOYANT
Dans
un style flamboyant, Bernard Kouchner, le ministre délégué français
à la Santé, a, lui aussi, soutenu que “la prévention et l’accès
aux ARV vont de pair”. Selon M. Kouchner, la position des Etats-Unis,
un des premiers donateurs dans le domaine de la lutte contre le
SIDA, a noté “une évolution majeure” sur la question de l’accès
aux médicaments. Le Directeur exécutif de l’ONUSIDA, M. Peter Piot,
est d’avis que “l’accès universel aux soins” est l’objectif, mais
il faut savoir “comment” l’atteindre. Il considère, par ailleurs,
que l’année 2002 comme celles “des engagements”, de “l’action”.
Il y a quelques raisons d’espérer. Moins de jeunes se sont infectés.
La prévention donne des résultats. Les communautés sont de plus
en plus impliquées dans la prévention. Les dirigeants africains
sont désormais mobilisés contre le SIDA. En revanche, les progrès
sont moindres en ce qui concerne la prise en charge des malades,
même si les coûts des médicaments ont baissé. Seules 30.000 personnes
sont sous trithérapie. “C’est encore une infime partie du nombre
d’hommes, de femmes et d’enfants pour qui ces médicaments peuvent
faire la différence”, a ajouté M. Piot. Toutefois, a-t-il précisé,
“l’accès de tous aux soins doit commencer là où les infrastructures
fonctionnent”. Le Botswana a pris les devants, selon le directeur
exécutif de l’ONUSIDA, avec son programme d’accès universel aux
antirétroviraux, mais d’autres avancent très rapidement comme l’Ouganda,
le Gabon, le Rwanda et le Nigeria pour ne citer que trois pays.
Des
raisons d’espérer existent, a dit M. Piot. L’exemple du Sénégal
en est une à côté des bonnes expériences de l’Ouganda, de la Zambie,
la Tanzanie et du Burkina Faso. Ces expériences sont à généraliser
pour mieux combattre l’épidémie.
LA
PÊCHE DE BLAISE COMPAORE
Le
Burkina Faso, sous l’impulsion de Blaise Compaoré, a engagé une
lutte déterminée contre le SIDA. Le Secrétariat permanent du Comité
national de lutte contre le SIDA (CNLS) est logé à la Présidence.
Le président Blaise Compaoré est le président du CNLS. C’est donc
en militant convaincu de la lutte contre la maladie qu’il a refusé,
du haut de la tribune de la CISMA, cette sorte de fatalité qui veut
“que les médicaments soient la propriété du Nord et les malades
à la charge du Sud”. Il s’est félicité des “solidarités nouvelles”
qui s’organisent en Occident, à l’Organisation mondiale du commerce
(OMC) pour que les malades africains disposent de médicaments. Ces
“solidarités” témoignent, a affirmé le chef de l’Etat burkinabé,
de la détermination des gouvernements et des communautés “à réduire
la propagation du SIDA et à réduire son impact”. Le chemin du salut
est là puisque cette épidémie, qui décime les forces vives des pays,
est “une source majeure de la crise en Afrique”. E.B.SOW
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l'article original : www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=9767&index__edition=9462
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