Lors de son jogging quotidien, Rajen J s’affale. Ce diabétique ressent d’atroces douleurs à la poitrine. Et arrive difficilement à respirer. Service d’aide médicale d’urgence, Cardiac Intensive Care Unit et angiographie. Puis, le verdict tombe : une artère du cœur bouchée à 70 %.
La raison : il est diabétique et hypertendu et la pose d’un stent – une sorte de ressort qui ouvre et maintient l’artère ouverte – a entraîné une cicatrisation exagérée de la paroi de l’artère. En fait, 44 % de ceux qui ont eu recours aux stents se trouvent dans la même situation.

Pourquoi alors avoir utilisé un stent ? Lors de son malaise, Rajen est informé que la plaque qui a bouché l’artère s’épaissira avec le temps. Ce qui l’attend : une crise cardiaque et, peut être, la mort subite. Rajen accepte tout de suite la proposition du cardiologue de placer immédiatement un stent.
Après cette angioplastie, il se voit contraint de se payer des médicaments onéreux que le ministère de la Santé ne peut acheter. Du plavix notamment, à Rs 2 500 la boîte de 28 comprimés. Il est obligé d’en acheter pour Rs 15 000 pour une consommation d’environ six mois. Peu importe le prix, se dit-il, pourvu que la santé soit acquise.
Moins d’un mois après l’angioplastie, il se remet au jogging et à la natation. Et puis, il passe à deux doigts de la mort subite, moins d’un an après. Nouvelle angiographie. Il perd alors d’un seul coup toutes ses illusions. Il n’en croit pas ses oreilles lorsqu’on lui dit que le stent s’est bouché en grande partie.

Incroyable pour cet homme qui pensait avoir obtenu un cœur neuf avec le stent, les médicaments et un régime alimentaire draconien, en sus des exercices qu’il s’était imposés. Un stent bouché ? Personne ne lui en avait rien dit lors de la pose du stent et il était encore moins au courant des risques qu’il courait.

Les diabétiques sont très exposés

Pourtant, la plupart des patients, comme lui, auront leur stent bouché. Pourquoi ? Parce que les diabétiques, hypertendus, ceux qui ont de petites artères et un fort taux de cholestérol sont très exposés à une resténose.
La resténose serait due à une forte cicatrisation de la paroi intérieure de l’artère, en réaction à la présence du stent et de la dilatation primaire. Cette cicatrisation exagérée replie et bouche de nouveau l’artère dilatée, expliquait jeudi Ian Melville de Johnson and Johnson, qui propose aux Mauriciens un autre type de stent.

Le Cypher qu’il propose est un stent intelligent aussi appelé stent actif qui libère une substance naturelle, le sirolimus, pour empêcher la resténose. Prix du Cypher : Rs 65 000, contre Rs 20 000 pour un stent nu qu’utilisent les deux centres de cardiologie du ministère de la Santé.
“Le Cypher coûte plus cher à première vue, mais sur le long terme, il est moins coûteux que le stent nu, car du moment qu’il y a resténose, il faut soit une opération à coeur ouvert pour ponter l’artère, soit le déploiement d’un stent actif à l’intérieur du stent qui se bouche. Une double dépense”, explique le Dr Oomar Uteem qui a jusqu’ici placé une centaine de Cyphers sur des patients mauriciens. “Le risque que le Cypher soit bouché par une resténose est de 3 % d’après les études menées à travers le monde ”, dit-il.

Depuis 2002, deux millions de ces stents intelligents ont été placés dans des artères bouchées. Le ministère de la Santé a récemment acheté quelques Cyphers.
La plupart des patients sur lesquels des stents ont été placés dans nos hôpitaux ne sont pas au courant des risques encourus en raison d’un stent nu. Et ceux qui le savent exigent le stent intelligent. Même s’ils doivent le payer de leur poche. Mais la plupart des patients des hôpitaux n’ont pas ce moyen. Et la médecine à deux vitesses progresse chaque jour un peu plus à Maurice…

Raj JUGERNAUTH

Lire l'article original