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Notre Voie | Côte d'Ivoire | 22/06/2006 | Lire l'article original
C’est à l'initiative du député Bamba Massani, présidente de la coalition ivoirienne pour la prévention de la mortalité maternelle (CIPMM), par ailleurs membre du réseau ivoirien des parlementaires pour la population et le développement, que la Commission des affaires sociales et culturelles de l’Assemblée nationale a invité Pr. Bohoussou.
Selon le conférencier qui était accompagné de Dr. Benié,
directeur exécutif du programme national de la santé de la reproduction,
la grossesse est une aventure, une épreuve entre la vie et la mort. Il
affirme péremptoire que “pendant longtemps, la santé de
la femme en grossesse a été négligée par les pays”,
notamment la Côte d’Ivoire. La mortalité maternelle, à
l’en croire, désigne tout décès de la femme liée
à la grossesse.
Les décès, affirme le professeur, surviennent à la suite
d'accidents graves au cours de la grossesse, au moment de l’accouchement
et après l’accouchement (de 0 à 45 jours). Ce phénomène
est très élevé en Côte d'Ivoire où, selon
une étude réalisée en 1994 par la direction de la statistique,
le pays compte 597 décès pour 100 000 naissances vivantes.
En 2000, ce chiffre est passé à 690 pour 100 000 naissances vivantes. Alors qu’au Ghana voisin, on est à 210 décès pour 100 000 naissances vivantes. Quand en France et en Norvège, on est à 8 et 5 décès. Ce qui lui a fait dire qu’en “Côte d’Ivoire, il y a trois décès toutes les 2h” car, au niveau mondiale, on compte un décès maternel chaque minute.
Le conférencier n’a pas manqué de présenter les trois Chu d’Abidjan comme des mouroirs pour les femmes enceintes. Selon lui, le taux de létalité (pourcentage de décès maternels sur complications reçues) est en croissance. “De 2001 à 2003, 673 décès maternels ont été enregistrés dans les Chu d’Abidjan”, affirme Pr. Bohoussou. De façon très détaillé, il a révélé qu’au Chu de Cocody, on compte 2,32 à 3,6% de décès maternels, au Chu de Treichville, 2,3% à 3,4% de décès et enfin au Chu de Yopougon, 2,45% à 3,21%. Alors que, à l’en croire, le taux acceptable dans un Chu est de moins 1%.
De quoi meurent les femmes en donnant la vie ?
Ces chiffres qui ont fait froid dans le dos des députés méritent qu’on connaisse leur cause. En effet, la question qui vient immédiatement à l’esprit est : de quoi meurent les femmes en donnant la vie ? A cette question, Pr. Bohoussou répond : “les femmes meurent de complications au cours de la grossesse et pendant l’accouchement. Ce sont des cas d’urgence qui constituent 80% de causes de décès”. Il s’agit notamment des cas d’hémorragie (écoulement abondant de sang) qui constitue 50% des complications mortelles. Suivent les accouchements difficiles, l’hypertension et les avortements. Selon des études menées, Pr. Bohoussou, qui a dit s’être orienté dans la santé de la reproduction depuis 1984, a pu identifié à quel moment les femmes meurent en donnant la vie.
Ainsi, selon lui, 15% de femmes meurent au cours de la grossesse, 20% au cours de l’accouchement et 60%, 48 heures après l’accouchement. Dans les six semaines après l’accouchement, elles sont 5% à mourir. Ces décès surviennent pour “85% dans les hôpitaux”. Et cela, à cause des évacuations souvent tardives. Ce qui pose le problème de la compétence du personnel médical et de l’équipement des maternités et hôpitaux généraux et des Chu.
Car, selon Pr. Bohoussou, en dehors des complications favorisées par des maladies comme l’anémie, le paludisme, la drépanocytose, le cancer… et des complications liées à la précocité de la grossesse (les filles de moins de 16 ans), à la tardivité de la grossesse (femme de plus de 35 ans), aux rapprochements des grossesses (moins de deux ans), aux nombreuses grossesses (plus de cinq) et aux grossesses non désirées (qui aboutissent à des interruptions volontaires clandestines dans des conditions médicales précaires), le personnel médical, notamment les sages-femmes, sont responsables. Ainsi que le manque ou la vétusté du plateau technique.
“Les sages-femmes ne sont pas bien formées. Elles ne maîtrisent pas pour beaucoup, les six gestes qui sauvent”, affirme le professeur, parce que le personnel médical n'est pas bien formé. Dès les premières difficultés, les femmes enceintes sont évacuées par exemple vers le Chu où elles arrivent souvent tard. Une fois au Chu ou dans les CHR ou dans les hôpitaux généraux, les femmes enceintes qui ont des complications sont confrontés à un problème d’absence ou d'une insuffisance de matériel médical. Notamment, les blocs opératoires.
Selon l’OMS, révèle le conférencier, pour quatre maternités, il faut un bloc opératoire. Or la seule ville d’Abidjan compte 69 maternités pour seulement 6 blocs opératoires au lieu de 15. Il a aussi dénoncé le manque de conscience professionnelle des agents de santé et le racket qui fait rage dans les hôpitaux. De même, il a dénoncé le manque de volonté politique qui fait que l’hôpital est cher pour les femmes enceintes. A titre d’exemple, il a révélé qu’au Burkina Faso, au Mali et au Niger, “des pays qui ont un PIB de 400 dollars/habitant contre 800 pour la Côte d’Ivoire”, la césarienne est gratuite. Alors qu’ici, elle coûte 125 000 FCFA. Ce qui, selon lui, est prohibitif pour la bourse de la majorité des Ivoiriens.
Que faire ?
Pour remédier à cette situation, Pr. Bohoussou pense qu’il faut donner la priorité aux soins d’urgence car, certes, “la complication de la grossesse et de l’accouchement est imprévisible (elle peut se produire à n’importe quel moment) mais on peut traiter efficacement la complication si on intervient à temps”. C’est pourquoi, le professeur a demandé aux députés d’influencer le budget pour que les dépenses en matière de santé soient à hauteur de 10 % du budget national. De sorte que les hôpitaux de référence soient équipés, de même que les centres de santé. Par ailleurs, il a exhorté les parlementaires à faire un plaidoyer pour la maternité sans risque qui est basé sur quatre piliers que sont la planification familiale, les soins prénatals, les accouchements hygiéniques sûrs et les soins obstétricaux essentiels.
Autres actions à mener, la sensibilisation des communautés sur les dangers et les complications, la création de groupes de soutien et des caisses d’entraide comme cela se fait au Mali. Il faut aussi motiver les femmes à utiliser les services de santé maternelle et de planning familial.
Coulibaly Zié Oumar
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