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Trois questions à… Pr Kourfia Diawara, chimiste : ‘La fluorose osseuse est devenue un problème de santé publique’

Walfadjri | Sénégal | 25/02/2011 | Lire l'article original

Wal Fadjri : Comment vous est venue l’idée en tant que chimiste de focaliser vos recherches sur l’eau ? Pr Kourfia Diawara : L’idée vient de mon maître feu Professeur Omar Sarr. C’est lui qui m’a mis sur cette voie. Il m’a non seulement initié, mais il m’a montré les pistes à suivre...

... Malheureusement, il nous a quittés prématurément. Et cela a été une force pour nous de continuer sur cette voie déjà tracée pour aboutir à des résultats probants en sa mémoire. J’ai fait deux thèses sur le sujet. Ma thèse de troisième cycle a porté sur l’élimination des métaux dans l’eau. Et ma thèse d’Etat a porté sur le dessalement et l’élimination du fluor dans l’eau. Il me disait chaque jour que le jour où il n’y aura plus au Sénégal de fluorose dentaire qu’on appelle ‘les dents de kaolack’ dans notre langage, il pourra prendre sa retraite. Cela est dû à l’excès de fluor dans l’eau courante que l’on boit tous les jours. Cette eau est fréquente dans le bassin arachidier, c’est-à-dire les régions de Kaolack, Diourbel et Fatick. Les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (Oms) disent qu’il ne faut pas plus de 1,5 milligramme de fluor par litre d’eau. Au Sénégal, on a atteint parfois 10 milligrammes de fluor par litre d’eau. Ce qui pose un véritable problème de santé publique.

La fluorose dentaire, c’est du point de vue de l’esthétique, mais la fluorose osseuse est plus dangereuse. Les personnes qui consomment cette eau voient, au bout d’un certain nombre d’années, leurs articulations bloquées. Elles ne peuvent plus continuer à travailler. Et cela a un impact sur le développement de notre pays.

Comment fonctionne la technologie que vous avez mise en place et quels sont ses avantages ?

C’est une technologie de filtration membranaire qui était réputée au départ pour être une technologie des riches, une technologie très moderne qui n’est pas adaptée pour les pays en développement. Nous avons montré qu’en améliorant cette technologie, on peut l’adapter. De fait, c’est la seule technologie aujourd’hui qui permet d’éliminer de façon concomitante le fluor et le sel. Il y a des technologies qui éliminent le fluor uniquement. A l’investissement, elle est plus coûteuse. Mais dans le long terme, elle devient moins chère, car il n’y a pas de produits de consommation qui constituent un budget faramineux pour les sociétés qui traitent l’eau. Mieux, c’est une technologie que nous avons améliorée en la couplant à l’énergie solaire. Aujourd’hui dans le monde, on n’est pas au courant d’une technologie membranaire couplée à l’énergie solaire qui puisse éliminer le fluor et le sel. Et c’est là notre contribution au développement du pays.

Peut-on s’attendre à sa généralisation au Sénégal et au-delà ?

Pour la vulgarisation, il appartient à l’Etat et aux élus locaux de prendre le relais. Nous, en tant que chercheur, notre travail s’arrête-là. Nous allons vers d’autres challenges. Le secteur privé n’interviendra pas tant que les populations n’exprimeront pas leurs besoins. Si les populations disent qu’elles veulent de l’eau potable sans fluor ou à taux de fluor raisonnable conforme aux recommandations de l’Oms, l’industriel suivra. Nous restons ouverts.

Propos recueillis par M. SARR

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