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Mortalité maternelle et néonatale au Sénégal : tendance toujours au statu quo

Sud Quotidien | Sénégal | 17/12/2011 | Lire l'article original

Depuis 2006, aucune rencontre multisectorielle n'a été organisée au Sénégal pour évaluer l’exécution de la feuille de route sénégalaise élaborée en vue d’inverser la tendance de la mortalité maternelle et néonatale conformément à la recommandation de l’Organisation mondiale de la Santé (Oms). C'est le constat amer qui a été soulevé hier vendredi 16 décembre à l'Asbeef par l’économiste en santé publique, Birahim Diongue qui animait une rencontre sur le plaidoyer en faveur de l’accroissement du financement de la santé de la reproduction.

Le Sénégal va t-il atteindre les Omd (Objectifs du millénaire pour le développement) en matière de santé de la reproduction ? Il est très difficile de répondre aujourd’hui par l'affirmative à cette interrogation. La mise en place de la feuille de route multisectorielle que l’Oms (Organisation mondiale de la santé) avait recommandée aux pays et que le Sénégal a élaborée depuis 2006 pour contrer la mortalité maternelle et néonatale, a du plomb dans l'aile.

En se prononçant hier, vendredi 16 décembre sur la question à l'occasion d'une rencontre de plaidoyer pour un financement plus accru du secteur de la reproduction au Sénégal, Birahim Diongue, expert en économie de la santé publique a déploré la « mauvaise gestion » de cette feuille de route qui avait pourtant mobilisé beaucoup d’acteurs clés et des partenaires au développement, en vue de mettre en place un plan d’action devant servir de tableau de bord pour inverser la tendance actuelle de la mortalité maternelle et néonatale.

Un argument suffisant pour le Dr Birahim Diongue pour dresser un réquisitoire cinglant sur la mauvaise coordination constatée dans l’exécution et le suivi de la feuille de route multisectorielle élaborée au Sénégal. « Depuis 2006, date de la mise en place de cette feuille de route, aucune réunion d'évaluation regroupant les différents acteurs clés n’a été tenue pour une bonne coordination du plan d’action. Les idées qui ont été conçues semblent être rangées dans les tiroirs de l’oubli », a déclaré l’économiste qui a dénoncé par ailleurs les manquements « graves » notés dans son exécution. Pourtant, il estime que des mesures coercitives devant servir d’éléments catalyseurs sont contenues dans ce document-tableau de bord.

Aujourd'hui, même s’il reconnait que des actions ont été menées, un véritable problème de coordination des différentes actions est constaté. Ce qui n’est rien d’autre que le résultat du pilotage à vue du plan d’action. L’expert estime que si la feuille de route était bien suivie depuis 2006 avec une bonne coordination des acteurs clés, « le taux élevé de la mortalité maternelle comme néonatale constatée dans les régions aurait pu être évité ».

Par ailleurs, même si les résultats de l’enquête de 2010 sur le sujet ne sont pas encore rendus publics, l’enquête de 2005 où 402 décès sur 100 000 naissances vivantes sont enregistrés au Sénégal montre que notre pays reste encore loin des objectifs fixés pour 2015, soit 200 décès pour 100 000 naissances vivantes.Pour cet expert, l’évolution de la santé de la mère et de l’enfant est encore lente et les tendances qui se dessinent révèlent qu’il y a un gros travail à faire notamment sur le plateau technique, le déficit d’infrastructures, le manque de spécialistes dans les régions de même que des sages femmes dont des agents ont été formés à la pelle mais qui restent bloqués par la mauvaise politique de recrutement.

Le Dr Diongue estime qu’un plaidoyer s’impose pour alerter les autorités sur ses questions en leur rappelant que 1720 femmes continuent de mourir chaque année au Sénégal en donnant la vie, soit cinq décès par jour du fait essentiellement de la pauvreté et de l’inaccessibilité des soins. Sans compter, dit l’économiste, les 15 000 nouveaux nés qui meurent chaque année, soit 41 décès par jour du fait d’une mauvaise prise en charge de leurs mères et des mauvaises conditions d’accouchement.

La rencontre d’hier a été l’occasion pour les organisateurs de dénoncer également l’instabilité institutionnelle au niveau du département de la Santé. Ils ont estimé que les changements fréquents des hommes dans le département à la tête du ministère retardent certaines actions de suivi. De même d’ailleurs que le manque de plaidoyer chez différents acteurs afin de pousser les autorités à corriger l’absence de leadership à tous les niveaux de management.

Encadré

Le budget de la sante est de 7 % et non 11 %

Au lieu des 11 % annoncés à l’Assemblée nationale et voté par les députés, L’Etat alloue moins de 7 % de budget au secteur de la Santé, alors que l’Organisation mondiale de la Santé tout comme l’Union Africaine ont recommandé aux pays membres d’allouer au secteur de la santé 9 à 15 %.

C’est l’économiste de santé publique qui a également fait hier cette révélation. Selon lui les difficultés proviennent surtout des ministères des Finances, car sur les 11 % alloués à la santé dans le budget, le secteur sanitaire n’enregistre réellement que 7 %.

Des manquements graves qui ont été soulevés par l’économiste lors de sa rencontre avec la presse pour développer le plaidoyer sur le financement de la santé de la reproduction qui n’a reçu que 3 à 4 % (4 milliards F Cfa) sur les dépenses publiques de la santé entre 2006 et 2010. Or 25 à 30 pour cent des décès liés à la maternité au Sénégal sont dus à l’absence de planification familiale selon toujours ce spécialiste qui conclut en regrettant qu’une femme sur deux accouche sans assistance d’un agent de santé qualifié.

Cheikh Tidiane MBENGUE

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