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Le soleil | Sénégal | 26/05/2014 | Lire l'article original
Nous sommes à l’Hôpital Aristide Le Dantec. Il est 13 heures en ce lundi 11 mai 2014. Après le service d’accueil, à droite, l’édifice à l’architecture coloniale abrite la pédiatrie. Dans le hall, des secrétaires font le point sur les consultations et les rendez-vous. Dans le couloir, des dames sont au chevet de leurs enfants malades. Chacune d’elles essaie de bercer ou de rassurer son chérubin. Deux médecins (une dame et un monsieur) se suivent. Ils se retrouvent au secrétariat du Professeur Guélaye Sall. Après quelques minutes, un homme nous ouvre une porte. Nous voici dans un vaste bureau. Les rayons de la bibliothèque sont bien fournis. A travers les vitres, des thèses, des mémoires, des livres sur la santé sont rangés. Quelques photographies d’enfant sont aussi présentes dans la collection. Le Professeur Guélaye Sall se lève, se dirige vers nous et nous salue avec déférence. L’homme cultive la simplicité et, assurément, l’humanisme. Sinon comment comprendre qu’il dédie sa vie à la prise en charge des enfants, une couche vulnérable de la population. C’est même devenu un sacerdoce. « Je me définis comme un esclave des enfants », glisse l’universitaire. Le Professeur Guélaye Sall est d’un calme olympien. Avec un débit lent mais rassurant, il nous ouvre un recueil des travaux consacrés aux enfants. En effet, depuis plusieurs dizaines d’années, l’équipe de pédiatrie de Dakar n’est pas absente du champ de la recherche. Le Pr Sall et son équipe ont eu des maîtres qui faisaient autorité dans cette spécialité médicale. Ce membre de l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal est lauréat de la Santé de l’Enfant-OMS en 1989.
Un an plus tard, il remporte le Grand Prix du président de la République du Sénégal pour les sciences. Après sa thèse en doctorat de Médecine obtenu à la Faculté de Médecine de l’Université de Dakar en 1979, il approfondit ses connaissances sur des questions précises tournant autour de la prise en charge de l’enfant. A Dakar, il obtient un certificat de pédiatrie en 1980 et un autre en nutrition infantile à l’Institut de nutrition de l’Université de La Sapienza de Rome en 1984. Ses différentes spécialisations ont élargi son champ d’intervention qui couvre à la fois l’épidémiologie, la prévention, le traitement, les indicateurs, les interactions malnutrition et infections, les politiques, les stratégies, les programmes de nutrition publique incluant la supplémentation et la formation. Il a aussi les compétences pour évaluer les programmes et les projets de soins de santé primaires.
L’universitaire qui est le directeur de la revue scientifique « Population et développement en Afrique » de l’Ipdsr (Institut population, développement et santé de la reproduction de l’Ucad), est auteur de plusieurs publications scientifiques. Il publie le Manuel de formation des personnels de santé à la Prise en charge intégrée des maladies de l’enfant au niveau communautaire (Pcime) en 2000, « Predictive factors of death in a pediatric service from Dakar: diarrhea and brachial perimeter Arch Pediatr » paru en 2002.
Axes de recherche
L’équipe du Professeur Guélaye Sall s’est d’abord intéressée à la malnutrition protéino-énergétique (Mpe) qui reste un problème de santé de publique. Au plan épidémiologique, l’équipe incrimine le fort taux d’analphabétisme des mères (88%), la faible fréquentation des structures de santé (23%), le bas niveau socio-économique (78% de parents sans-emplois) avec son cortège de promiscuité et d’hygiène individuelle et collective défectueuse, la tendance à l’abandon de l’allaitement maternel au profit de l’allaitement au biberon (44%), l’importance des interdits alimentaires (40%) dans l’augmentation spectaculaire de la prévalence de cette affection au Sénégal. A cela s’ajoutent le régime alimentaire mal équilibré, la polygamie, les grossesses nombreuses et rapprochées, la faible immunisation contre les nombreuses maladies infectieuses. Il ressort également de l’étude que le marasme caractérisé par une fonte musculaire et un retard pondéral arrive en tête des affections (60,42%), suivi du Kwashiorkor avec la forme œdémateuse avec lésion cutanéophanériennes et troubles psychiques (11,43%). Au plan biologique, l’étude a conclu que les protéines sériques sont toujours perturbées. A leur admission, affirme-t-on, les enfants malnutris ont une protidémie (47,9 12,8 g/l) et une albuminèmie (22,89 6,1 g/l) effondrées représentant respectivement 67% et 52% des valeurs trouvées chez les enfants du groupe témoin. Après la réhabilitation nutritionnelle, les protéines augmentent de 12% et l’albumine de 20%. Ces valeurs sont en deçà des normes. Il a été constaté que la transferrine représente en moyenne le tiers de la valeur normale. Après 22 jours de récupération nutritionnelle sa valeur augmente de façon significative (256 9 11 mg/dl) alors que la préalbumine plasmatique, elle, est très basse chez les enfants malnutris (8,6 9 2,3 mg/dl). Sa valeur est doublée (17,0 9 5,1 mg/dl) et dépasse alors celle du groupe témoin (13,49 2,4 mg/dl) après la récupération. « Nos conclusions sur la sensibilité de tous ces tests protidiques dans l’évaluation de l’état nutritionnel recoupent celles de Ingenbleck qui, en 1972, avait démontré que la préalbumine constituait un bon marqueur de la Mpe. Mais nous avons pu constater que des infections assez courantes comme les rhinites influencent dans le sens de la baisse du taux de la préalbumine », avance le pédiatre. C’est pour cela que l’équipe va poursuivre la recherche en explorant les apolipoprotéines et l’ostéocalcine. Cette piste conduit à la conclusion selon laquelle, au cours de la Mpe et de la réhabilitation, les apolipoprotéines B ne varient pas, alors que le taux des apolipoprotéines A1 augmente de façon significative. Cela est aussi observé chez les enfants atteints de Kwashiorkor. « L’apo A1 peut donc être proposé comme indicateur de l’état nutritionnel des enfants dans les régions où les infections et parasitoses sont endémiques comme c’est le cas au Sénégal. Cette étude a été primée par la Fondation de la Santé de l’enfant de l’Organisation mondiale de la santé en 1989 », a expliqué le Professeur Guélaye Sall.
Indicateur prédictif de mortalité
Sur le plan thérapeutique, le recours au « Rouye complet » et de Nesmida qui est un protéolysat de lait absorbe des protides même en l’absence d’enzymes pancréatiques, alors que le multène accélère la disparition des œdèmes par la remontée dans des délais très courts des taux de la protidémie et de l’albuminémie. Le recours à la spiruline qui est une algue bleue offre jusqu’à 70% de protéines. « L’expérimentation de la spiruline chez des enfants atteints de Mpe a donné un taux remarquable de guérison de 88,14%. Nous avons pu constater que son administration est facile, que le produit est bien accepté par les enfants et bien toléré », conclut l’équipe de recherche. Des aliments et d’autres combinaisons ont donné des résultats intéressants. Malgré tout, la mortalité reste élevée. Ce triste constat oblige l’équipe à poursuivre la recherche avec des lignes directrices précises. C’est ainsi que l’équipe a démontré que le périmètre brachial suivi des œdèmes et du bas taux d’albumine est un indicateur prédictif de la mortalité chez les enfants. «Dans notre contexte, un tel résultat est particulièrement intéressant en raison de l’accessibilité et de la facilité de mesure du périmètre brachial », indique le pédiatre.
La liste des travaux de l’équipe du Pr Sall n’est pas exhaustive. Du reste, leurs recherches ont servi de base à la journée de supplémentation en vitamine A. « Ces résultats sont à la base des actions de santé publique développées depuis quelques années au Sénégal comme les Journées nationales de supplémentation en micronutriments (Jnm), le Paquet d’activités intégrées de nutrition (Pain) et la Prise en charge intégrée des maladies de l’enfant au niveau communautaire (Pcimec) », énumère l’universitaire. Il envisage de mieux prendre en compte les aspects au niveau communautaire.
Idrissa SANE
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