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Revue de presse de santé tropicale

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Entretien avec Mme Annette Seck, directrice de la PNA : « les anticancéreux seront intégrés sur la liste des produits de la PNA »

Sud Quotidien | Sénégal | 09/06/2015 | Lire l'article original

Les maladies chroniques, comme les cancers, seront prises en charge, dans quelques mois, dans le secteur public. Les médicaments qui permettront de soulager les malades, seront désormais intégrés sur la liste des produits (médicaments) essentiels, commandés par la Pharmacie Nationale d’Approvisionnement (PNA). Dorénavant, la majeure partie de ces médicaments, va être bientôt disponible dans les pharmacies hospitalières. L’annonce est de la Directrice de la Pna, Mme Annette Seck Ndiaye qui en a fait la révélation dans cet entretien accordé à notre journal. La patronne de la PNA déclare que l’Etat du Sénégal dépense, chaque année, pour l’achat des médicaments, environ 5 milliards F Cfa pour permettre un accès équitable aux médicaments et produits essentiels.

Quelles sont les innovations que vous avez apportées à la tête de la PNA ?

Les innovations tournent autour de la mission de la PNA et des activités qui permettent véritablement de mener cette mission. Celle-ci, je le rappelle, est de rendre disponibles et accessibles les médicaments et produits essentiels génériques sur l’ensemble du territoire national, à travers les structures sanitaires publiques et parapubliques. Cette mission se fait grâce à trois activités : l’approvisionnement en produits, leur stockage et distribution.
La PNA a la lourde mission d’acquérir les médicaments suivant, bien entendu, le cadre législatif qui est le sien, puisse que c’est un établissement public c’est à travers les marchés publics.
Les innovations que nous avons apportées, c’est principalement au niveau de la distribution. Parce que la PNA avait mis en place ce qu’on appelle les pharmacies régionales d’approvisionnement (Pra) qui permettaient de décentraliser cette activité de distribution, grâce à laquelle les populations peuvent avoir accès aux médicaments dans les points de prestations, les postes de santé, les centres de santé. C’est ainsi que, depuis sa création, en tant qu’établissement public de santé, la PNA a continué à développer la mise en place de ses relais qui sont les Pra et qui sont vraiment des unités opérationnelles de la PNA. Mais le constat qui était fait, c’est que, malgré cet effort de décentralisation, on avait encore des régions qu’on pouvait qualifier « d’orphelines ». C’est la région de Sédhiou et les autres nouvelles régions : Kaffrine et Kédougou etc. Nous avons pensé à des initiatives novatrices qui permettent d’apporter les mêmes services aux populations de ces régions que celles qui disposent de Pra.

Peut-on alors avoir une idée de ces initiatives novatrices ?

Oui, il s’agit, entre autres, de la PRA Mobile (pharmacie régionales d’approvisionnement) que nous avons lancée. La Pra Mobile est juste un modèle de distribution de proximité qui permet d’accéder à ces régions là, sans passer par l’interface des pharmacies régionales les plus proches. Je donne un exemple : la région de Kaffrine était desservie par Kaolack, avec la Pra Mobile, les médicaments quittent le siège pour aller directement sur Kaffrine. Pour Kédougou, elle dépendait de Tambacounda et nous avons fait la même chose. C’est le cas également pour Sédhiou qui dépendait de Kolda. Tout de suite, nous améliorions l’accessibilité géographique des médicaments. Nous améliorons, du coup, l’accessibilité financière, parce que les populations ont moins d’efforts et de dépenses à faire pour disposer de leurs médicaments.

Quand vous prenez une région comme Kédougou, comment la Pra Mobile réduit les distances ?

Concrètement, si vous prenez les districts sanitaires comme Salimata, Sareya, Neneficha, qui étaient rattachés à Tambacounda, c’est une distance de 350 Km. Et en aller retour, cela fait 700km pour chercher des médicaments. A partir du moment où ces médicaments sont fournis sur place, à Kédougou, c’est non seulement un gain de temps mais, également, d’argent pour ces districts sanitaires. Et tout de suite, le premier rebondissement, c’est une disponibilité améliorée des médicaments.

Quid du réseau de distribution des médicaments, avec ces Pra Mobile ?

Nous avons compris, en effet, aujourd’hui, que le réseau de distribution est un gage de l’accès aux médicaments. Par ailleurs, nous sommes dans un contexte d’un programme, comme on le dit, à haut impact social qui est la Couverture Maladie Universelle (CMU). Or, qui parle de Couverture Maladie Universelle dit, d’abord, accès aux soins, mais un accès équitable et de qualité. Le défi en ce moment majeur devient l’offre de soin. Et celle-ci ne peut être complète, ni de qualité, si les médicaments ne sont pas disponibles au moment où les populations en ont besoin en qualité et en quantité suffisantes. La Pna a donc compris qu’il fallait mettre l’accent, améliorer une nouvelle fois, la chaîne de distribution. C’est pour cela qu’elle a mis en place ce concept appelé « jegesi naa » (mot wolof qui signifie : je me suis rapproché). C’est un concept novateur de distribution qui permet de rapprocher, une nouvelle fois, le médicament de la population.

Le concept « jegesi naa », signifie-t-il que les populations peuvent accéder directement aux médicaments de la PNA ?

Je voudrais préciser que ce n’est pas de la vente au détail. Ce n’est pas la vocation de la PNA. Elle n’a pas un contact direct avec les populations. C’est aux structures sanitaires que revient la mission de dispenser, distribuer des médicaments à partir des dépôts des postes de santé, aux populations.
Ce sont deux concepts très importants et qui sont, d’ailleurs, en cours d’évaluation avec l’appui de l’Usaid. Mais d’ores et déjà, nous pouvons mesurer l’impact de ces modèles de distribution mobile de proximité sur la disponibilité des médicaments. Aujourd’hui, c’est important parce que vous avez des districts qui constituent plus de 36% de notre clientèle. La plupart de ces districts avait des difficultés à mobiliser des ressources financières permettant de s’approvisionner de manière régulière. La conséquence de tout ça, c’est que les points de prestations qui sont les centres et les postes de santé n’arrivaient pas à trouver, au niveau des dépôts de districts, les médicaments nécessaires pour servir la population. Avec l’arrivée de la Pna, qui vient au niveau du district sanitaire avec l’ensemble de la gamme des produits, cela permet au dépôt de district, vraiment, de répondre à la demande des points de prestations de manière très exhaustive, concrète.

La PNA était souvent confrontée à des ruptures de stocks de médicaments. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Je n’aurais pas la prétention de dire que nous avons mis fin à toutes les ruptures de stocks. La rupture de stocks, c’est aussi un élément de la gestion logistique d’une chaîne d’approvisionnement. Mais, je dois dire, qu’aujourd’hui, de gros efforts ont été faits et constituent des motifs de satisfaction pour la PNA.
Quel est le volume des importations de médicaments pour notre pays ?

Il faut absolument qu’on comprenne que le Sénégal aujourd’hui importe 85% de ses besoins en médicaments et que la PNA, pour les médicaments essentiels, met 600 articles (médicaments) à la disposition des populations. La PNA doit lancer des appels d’offres sur le marché international pour acquérir ces médicaments. C’est non seulement un processus long, mais très contraignant qui, quelque fois, occasionne des goulots d’étranglements qui peuvent amener à des ruptures momentanées, je dis bien momentanées, de stocks. Mais aujourd’hui, nous avons réussi à travailler et à avoir de bons résultats sur deux aspects : la durée moyenne de rupture de stocks qui est véritablement réduite à néant et le nombre de produits qui peuvent être en rupture de stocks. Aujourd’hui, la PNA est l’instrument qui gère tous les programmes de santé : le programme Sida, la dialyse, la tuberculose, qui gère aussi les stocks du programme paludisme. Tout cela, est une grosse charge de travail pour la PNA. Mais, toutes les dispositions sont prises pour qu’on évite que les molécules importantes, phares, des produits vitaux soient en rupture. C’est pour ça, que nous avons mis en place des outils de suivi de ce qu’on appelle : les produits traceurs qui sont vitaux, les produits de la médecine d’urgence et qui ne doivent pas manquer.

Les pharmacies IB des districts sanitaires manquent souvent de médicaments. Est-ce toujours le cas ?

Si vous allez à la pharmacie de ces districts, destinée aux produits de L’Initiative de Bamako (IB), vous trouverez aujourd’hui toutes les références. Parce que justement, c’est pour pallier cette situation de rupture de stocks dans les pharmacies Ib des structures sanitaires que la PNA a décidé de mettre en place, ce qu’elle appelle, le dépôt-vente. C'est-à-dire aujourd’hui, elle ne demande plus à ces structures sanitaires (les hôpitaux) de débrousser des montants pour acheter des médicaments. La PNA apporte les médicaments à l’établissement et le paiement ne se fait qu’à postériori. Et ça à permis à l’hôpital de Fann, Abass Ndao, l’hôpital de grand Yoff, l’hôpital Youssou Bargane, d’achalander leur pharmacie, grâce à cette stratégie mise en place par la PNA.

Les hôpitaux régionaux bénéficient-ils de ces dépôts-ventes de la PNA ?

Effectivement, les régions sont concernées, mais cela se fait aussi en fonction des besoins. Vous avez l’hôpital de Kolda qui a un dépôt-vente, vraiment bien achalandé. C’est le cas pour Ziguinchor, Kaffrine etc. L’étude se fait au cas par cas. Il faut aussi que les conditions de stockage et de gestion des médicaments soient maintenues. Nous exigeons que la structure qui est dans l’hôpital soit habilitée à gérer les médicaments et avec la présence d’un pharmacien qui puisse gérer les médicaments comme il se doit.

Quelles sont vos liens avec les officines privées ?

De facto, les officines privées sont approvisionnées par des grossistes répartiteurs privés. Ce sont les principales structures qui les approvisionnent. La PNA n’approvisionne les officines privées que via ces grossistes privés. Et pour une liste bien limitée de produits, une soixantaine. Il y en un parmi ces produits, qui très sensible, c’est l’insuline. Pour ce produit, l’approvisionnement des officines des pharmacies provient uniquement de la PNA. Nous sommes chargés, pour le compte de l’Etat, d’acheter l’insuline et de la distribuer au secteur privé parce que l’Etat subventionne ce produit à hauteur de 300 millions de nos francs. Ce qui permet d’avoir aujourd’hui l’insuline dans les officines privées au prix auquel il est vendu, qui est un prix tout à fait social. Dans la sous-région, le Sénégal est le seul pays où l’insuline est vendue à moins de 1500frs. Ce sont avec ces produits que la PNA approvisionne le secteur. Ces deux dernières années, la PNA n’a pas connue de rupture d’insuline et elle arrive à approvisionner, de manière correcte, l’ensemble du pays via les grossistes privés. Pour les autres spécialités, il faut que tout le monde sache que la structure ne fait pas de spécialité. La PNA ne vend que des médicaments génériques.

Les patients sont-ils suffisamment informés de l’existence de ces médicaments au niveau des pharmacies IB ?

C’est vrai que certaines populations ne sont pas toujours informées. Mais, je peux vous dire que, de plus en plus, malgré la prescription du médecin, les populations vont d’abord à la pharmacie IB. De plus en plus, le médecin écrit sous la forme de dénomination commune internationale c'est-à-dire le nom du médicament générique. Dans les structures hospitalières on écrit rarement de nom, sauf quand il s’agit des maladies chroniques. Aujourd’hui, ce qu’il faut souligner, c’est que dans quelques mois même les maladies chroniques qui posaient de grandes difficultés vont être prises en charge dans le secteur public. Je veux parler des anti cancéreux qui posaient de graves problèmes d’accès en raison de leur coût. Ils sont maintenant intégrés dans la liste des médicaments essentiels et la PNA est en train de les commander. Dorénavant, la majeure partie de ces anticancéreux sera bientôt disponible dans les pharmacies hospitalières.

Quels sont les chantiers de la PNA ?

Certes, aujourd’hui, nous ne sommes pas là pour distribuer des spécialités, mais absolument développer le générique et faire sa promotion. Ce qui revient à préserver les ressources financières de nos populations. Le Sénégal est un des pays où les dépenses de santé sont très élevées. Parmi celles-ci, les médicaments occupent une place très importante. En plus, la couverture maladie ne couvre aujourd’hui que 20% de la population. Le reste, c’est-à-dire les 80%, au moment du lancement de la couverture maladie universelle, n’avait pas de couverture sociale. Par conséquent, les patients supportaient la plus part de leurs dépenses de santé. Plus les médicaments seront accessibles, moins les dépenses de santé supportées par les populations seront importantes. C’est là où se trouve le challenge de la PNA, c’est-à-dire avoir la gamme la plus élargie possible qui puisse permettre vraiment aux populations d’être soulagées. C’est aussi la clé du succès de la couverture maladie universelle.

Et l’autre chantier ?

C’est la délocalisation de la PNA, car comme vous le voyez, nous sommes à l’étroit ici.
Vous savez que la qualité du médicament dépend en grande partie des conditions dans lesquelles il a été stocké et distribué. Aujourd’hui, la PNA s’est inscrite dans ce qu’on appelle les bonnes pratiques de stockage et distribution, conformément aux directives de l’Oms. Nous avons un projet de renforcement du système d’assurance-qualité. La PNA a été sélectionnée parmi les centrales d’achat d’Afrique qui doivent mettre en place un système d’assurance-qualité. Par conséquent, il y a un projet phare qui doit s’attacher à cela, c’est la construction de la nouvelle centrale d’achat de la PNA à Diamiadio. Et pour lequel nous sommes en train de chercher les financements, aux fins de créer cette plateforme logistique qui puisse recevoir l’ensemble des médicaments qui sont destinés aux structures sanitaires du pays. Aujourd’hui que nous aspirons tous à un Sénégal émergent, ce projet s’inscrit dans ce sillage. Le Sénégal émergent, c’est une population qui produit, une population en bonne santé et dont on préserve le capital humain. C’est une population qui a un accès à des soins de qualité. Par conséquent, ça doit être un projet phare de l’Etat et qui a bien compris cela, en mettant à la disposition de la PNA un site de 30 000 m2 dans le pôle urbain de Diamniadio. Aujourd’hui la question reste celle du financement de ce projet.

La PNA rencontre-t-elle des difficultés dans l’exercice de ses missions. Lesquelles ?

Les difficultés demeurent l’acquisition des médicaments avec les contraintes du code des marchés. Le dernier code des marchés permet à la PNA, en cas de rupture de stocks, et pour les produits de la médecine d’urgence, d’acquérir les médicaments sans passer par les dispositions du code des marchés. Pour tous les autres médicaments, nous devons nous soumettre aux dispositions du code des marchés. Ce qui constitue un goulot important. Les impératifs sanitaires, particulièrement en cas d’urgence, ne font pas bon ménage avec les délais. Les médicaments ne sont pas des produits qui sont stockés. Leur fabrication demande 90 à 120 jours. Par conséquent, entre le temps où ils sont commandés et celui où ils sont livrés, il faut trois à quatre mois. Ajouter à cela toutes les dispositions du code des marchés, avec ses contrôles a priori qui doivent se faire entre toutes les procédures de passations qui vont du contrôle, à la revue des dossiers, en passant par l’approbation ensuite des dossiers. Même si les seuils d’approbation ont été relevés, cela ne semble pas avoir encore un impact suffisant pour permettre vraiment de diligenter les commandes de médicaments. A notre avis, il faut aujourd’hui que le médicament soit un cas particulier et qu’on essaie de voir comment trouver les moyens de sortir totalement le médicament du champ d’application du code des marchés publics.

L’Etat injecte combien, en termes de budget, pour les commandes de médicaments ?

L’Etat du Sénégal, malgré ses moyens limités, investit énormément pour permettre aux populations d’accéder aux médicaments. Aujourd’hui, l’Etat met 1,500 milliard pour acheter les antirétroviraux, plus de 300 millions pour l’achat des antituberculeux qui sont totalement gratuits, 2, 700 milliards pour les intrants concernant la dialyse, c’est ce qui permet, aujourd’hui, de rendre la dialyse totalement gratuite. L’Etat achète également les produits pour la santé de la reproduction. En gros, chaque année, l’Etat met environ 5 Milliards pour l’achat des médicaments. C’est quelque chose de remarquable pour un pays à faible revenue comme le notre.

Bacary Domingo MANE

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