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Le quotidien | Sénégal | 14/07/2015 | Lire l'article original
Les personnes vivant avec le VIH/Sida se plaignent des effets secondaires occasionnés par le traitement des antirétroviraux. Ces effets secondaires, qui deviennent encombrants au fil du temps, font l’objet de consultation chez le médecin traitant. Les PVVIH, qui capitalisent 20 ans de traitement, accusent les ARV comme étant les responsables des maladies comme le diabète, le cancer, les allergies, les troubles du sommeil et d’autres maladies. Pourtant il y a de cela 20 ans, les ARV suscitaient l’espoir d’une longue vie pour ces nombreuses personnes, dont le sort était la mort.
Il y a de cela 20 ans, apparaissaient les Antirétroviraux (ARV). Un miracle ! Un vrai miracle pour les personnes séropositives qui ne voyaient que la mort comme remède au virus du Sida. Les pays aidés et les organisations non gouvernementales, comprenant les enjeux, avaient vite mis en place des mécanismes de financement pour rendre accessible ce traitement.
Le Sénégal s’est ainsi battu pour rendre les ARV gratuits. Depuis lors, le traitement suit son petit bonhomme de chemin. Les personnes vivant avec le VIH ont vu leur espérance de vie s’allonger et ont acquis une qualité de vie meilleure. Une victoire partielle sur la maladie qui fait dire à Dr Karim Diop, pharmacien à la Division Sida, que les ARV ont considérablement changé l’histoire naturelle de la maladie.
Mais, après deux décennies de traitement, est-ce qu’on peut dire réellement que l’histoire naturelle de la maladie a changé ? Le traitement certes a redonné de l’espoir aux PVVIH mais d’un autre côté, il a pris aujourd’hui une autre allure. La première génération de patients sous traitement ARV capitalise une vingtaine d’années de prise de médicaments. Une prise de médicaments quotidienne qui, au fil des ans, n’a pas manqué de poser quelques soucis de santé aux patients.
Fatou Samb, la quarantaine épaisse, est séropositive. Elle est sous traitement ARV depuis 15 ans. Pour Fatou Samb, testée positive en 1993, le traitement est loin d’être une sinécure. « La prise prolongée de médicaments est difficilement supportable au point qu’au bout de six années, j’avais arrêté. J’étais découragée et je n’en pouvais plus d’avaler ces gros comprimés qui restaient à travers la gorge », confie Fatou qui, à l’époque, prenait cinq comprimés dont deux le matin et trois le soir.
« Au bout de 6 ans de traitement, j’avais arrêté »
Le calvaire de Fatou ne s’était pas arrêté avec sa petite rébellion. Au bout de six mois d’arrêt, elle tombait malade et perdait du poids. « Je me suis dit que si je continue à bouder les médicaments, j’allais bientôt mourir et, sans avoir le choix, j’ai repris le traitement », confesse Fatou, le visage grimacé, rien qu’en évoquant les comprimés.
En plus, note-t-elle, il y a l’oubli. Elle dit : « Des fois, tu prends, des fois tu oublies d’en prendre au point que maintenant, j’y ai associé mes enfants. Ils ne savent pas de quoi je souffre. Je leur ai menti à propos de ma maladie. Je leur ai dit que je souffre d’asthme et que si je ne prends pas mes médicaments à l’heure indiquée, après le déjeuner et après le dîner, je risque de mourir. Et maintenant, ce sont eux qui volent à mon secours. Ils me rappellent mes médicaments, au besoin », explique-t-elle.
Elle n’est pas la seule. Abdou Sylla est sous traitement depuis 2003. Il est confronté à la même difficulté. « J’ai fait quatre à cinq ans avec un protocole qui consistait à prendre trois fois par jour des médicaments avec un intervalle de 12 heures. C’était très dur, parce que je devais les prendre une heure ou deux heures avant les repas. Cela avait bouleversé mes habitudes alimentaires. Je ne pouvais plus prendre les repas avec le reste de ma famille », se plaint Abdou Sylla. Qui ajoute : « Aujourd’hui, la prise s’est améliorée, puisque je prends juste deux médicaments, un le matin et un autre le soir ».
« Au bout de quelques années, tu te lasses, le traitement devient difficile »
Le cas de Fama est plus grave. Elle a connu son statut sérologique, juste après son accouchement en 2005. « Tout au début, dès qu’on annonce ta sérologie, tu te bats pour commencer tôt le traitement. Mais après quelques années, tu te lasses et ça devient difficile », témoigne-t-elle. Fama préfère prendre des risques avec les infections opportunistes comme la tuberculose. Les médecins lui ont proposé de prendre en plus des ARV, des médicaments pour prévenir la tuberculose, mais elle n’a pas souhaité en prendre. « C’est vital, je sais. Mais depuis dix ans, je suis sous ARV, je ne vais pas en rajouter surtout que les médicaments contre la tuberculose se prennent en fonction du poids et vu ma masse physique, je risque de me retrouver encore avec plus de médicaments », grommelle-t-elle.
La prise n’est pas le plus difficile. Le véritable problème, ce sont les effets secondaires des antirétroviraux. Fatou Samb attribue ses chutes de cheveux, la bosse qu’elle a sur son dos et des déformations qu’elle a constatées sur son corps aux effets des médicaments. « On en parle avec nos médecins et des fois, ils interprètent et essayent de répondre à nos inquiétudes mais le problème reste entier », s’inquiète-t-elle.
Abdou Sylla, lui, ressent des douleurs intenses au niveau des articulations, des muscles et fait régulièrement des allergies. Il se plaint des bouffées de chaleur. D’ailleurs, ces douleurs et ces maladies occupent largement les conversations des PVVIH, lors des assemblées des différentes associations.
Selon Sylla, les gens se plaignent beaucoup de ces maux au niveau des associations. « Je ne peux pas lier les autres maladies comme le diabète, l’hypertension, le cancer aux antirétroviraux, mais je constate que il y a beaucoup de PVVIH sous traitement depuis de 10 ans qui sont atteintes de ces maladies », constate-t-il.
Troubles de sommeil, allergies et vertiges
Fama, elle, est convaincue que ce sont les effets secondaires qui lui causent les ennuis de santé qu’elle a constatés depuis la prise de ces médicaments. En permanence, elle se plaint de reflux gastriques et a des troubles du sommeil. « Allergie, vertige et autres difficultés dans le traitement au point que cela nécessite un accompagnement tout le long pour trouver un traitement adapté », note Fama, qui indique en outre, qu’au début de son traitement, les médicaments la faisaient dormir. « En ce moment-là, j’allaitais. Mon enfant également dormait beaucoup », partage-t-elle.
Les effets secondaires n’occupent pas seulement les conversations des PVVIH durant les moments de retrouvailles. Ils sont des motifs de consultations auprès des médecins traitants. « Nous sommes conviés à aller au niveau de nos médecins traitants pour leur parler de nos ennuis de santé occasionnés pas les effets secondaires, mais aussi des infections opportunistes qui nous menacent », narre Mouhamadou Moustapha Dia, président du Réseau des PVVIH. « La prise de médicaments provoque chez moi, des allergies. Et, c’est cela qui m’amène souvent chez mon médecin. Je suis diabétique également comme la plupart d’entre nous », fait-il remarquer.
Aussi, ajoute Moustapha Dia, les PVVIH ont besoin de bien manger en qualité et en quantité à cause des médicaments qu’ils prennent. Mais là aussi il y a un problème, indique Abdou Sylla. « Il y avait un programme qui donnait un appui nutritionnel avec l’avènement de Wade, il a demandé qu’on forme les PVVIH à cultiver afin d’arrêter l’appui et cela nous a causé beaucoup de mal », regrette-t-il. « Le programme Fonds mondial a aussi médicalisé l’appui nutritionnel à tel point qu’à l’instant, nous avons perdu l’accompagnement nutritionnel. C’est seulement les malades dénutris, qui sont en fin de vie, qui bénéficient de cet appui, alors que 90% des PVVIH sont bien portants ».
Ps : A part le président des PVVIH, toutes les autres personnes citées portent des noms d’emprunt.
Ngoundji Dieng
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