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GUINEE MADAGASCAR MALI R.D. CONGO SENEGAL TOGO
Sud Quotidien | Sénégal | 11/01/2016 | Lire l'article original
Au niveau du Syndicat Unique des Travailleurs de la Santé et de l’Action Sociale (SUTSAS), la Couverture Maladie Universelle est surveillée comme du lait sur le feu. Conscients de la générosité de cette grande initiative politique, les syndicalistes l’ont approuvée sans réserve à l’issue de leur dernier congrès dont elle était le thème principal. Mais, ils déplorent les difficultés de sa mise en œuvre. Selon son secrétaire général adjoint, Diamé Sow, il faut une option obligatoire par une loi pour huiler et pérenniser la CMU. Dans cet entretien à bâtons rompus il délivre ses critiques, suggestions et analyses sur cette ambition devenue aujourd’hui une volonté politique du président Macky Sall.
Quel bilan tirez-vous de la CMU qui a fait maintenant plus d’un an ?
On peut évaluer. Nous constatons que la CMU est effective. Parce que l’objectif de la CMU c’est de pérenniser les programmes de gratuité. L’on est en train de travailler sur cela, mais les remboursements ne sont pas faits en temps. On avait aussi comme principe de base, l’extension dans le secteur informel, les ruraux. Il fallait aussi en grande partie réformer les mutuelles. Parce comme on le dit, la CMU est basée sur l’entraide et la solidarité. Parce qu’on avait constaté en son temps que 75 % de la population n’avait pas de couverture médicale, ce qui avait motivé la création de cette CMU. Mais pour nous en tant que partenaire, nous avons attiré l’attention du gouvernement dès le départ sur le ciblage qui n’était pas du tout réaliste, qui n’était pas objectivement maitrisé. Nous avons aussi dénoncé les lenteurs sur les remboursements. Nous avons dit d’accélérer la création de mutuelles pour enrôler des ruraux qui sont en grande partie des paysans, enrôler en même temps le secteur informel et réformer les mutuelles.
Est-ce à dire que les mutuelles deviennent des cadres intermédiaires obligatoires pour la prise en charge ?
Quand vous adhérez à une mutuelle, vous participer à 3500 F par an, l’état complète. On avait dit à son temps, une mutuelle par collectivité locale. Parce que quand vous rendez faciles tous les moyens d’accès aux services de santé gratuits, vous ne pouvez plus avoir une attractivité pour les mutuelles. Mais, l’approche que les Sénégalais ont des mutuelles, c’est d’abord la cotisation. Le paquet de soins qu’offrent les mutuelles, cela aussi pose problème. Parce que si vous avez une femme enceinte, du début de la grossesse jusqu’à la fin, il faudrait que la mutuelle la prenne en charge du début jusqu’à ce qu’elle soit à terme.
Est-ce que toutes les mutuelles pourront assurer tout ce paquet de service ?
Les mutuelles ont aussi un problème de fonctionnement. C’est pour cela que nous avons dit que si l’Etat doit mettre beaucoup d’argent dans les mutuelles, il doit également mettre dans chaque mutuelle un comptable pour pouvoir gérer les fonds.
Il semble qu’il n’y a pas un grand engouement des populations vers ces mutuelles, qu’est ce qui l’explique ?
Même la CMU l’a reconnu. C’est un problème de communication. Je vous donne un exemple, si vous allez dans la rue, vous demandez aux gens qu’est ce que c’est une moustiquaire imprégnée, ils vont tous vous répondre. A quoi cela sert, ils vont également tous vous répondre. Mais posez la question sur la CMU vous verrez qu’il y a un problème de communication.
Mais qu’est ce qui fait qu’il y a un déficit de communication et qu’est ce qu’il faut faire ?
C’est parce qu’ils n’ont pas voulu maximaliser les chances du succès. Ils n’ont pas impliqués tout le monde. Par exemple, le Sutsas qui est syndicat majoritaire n’est pas associé dans la mise en œuvre. Ses militants ne sont pas impliqués dans cette communication. Donc, ce qu’il faut faire, c’est d’impliquer tous les acteurs du système sanitaire, et les médias ainsi, il y’aura une large communication.
C’est pour cela que la CMU est souvent décriée dans les postes de santé, les centres de santé, hôpitaux ?
C’est uniquement du aux remboursements qui ne sont pas réguliers. Si le poste de santé applique la CMU, donne des médicaments et fait les prestations qui s’en suivent et que cela met du temps pour être remboursé, cela pose problème. En son temps, il y avait la Cellule de la CMU, et nous l’avions dénoncée. C’est pour cela que le Président de la République a crée à la place une agence qui dépend du ministère de la Santé et de l’Action sociale pour que le remboursement soit plus rapide et plus effectif. Tout dernièrement, nous avons organisé un point de presse à la suite de notre tournée sur l’ensemble du territoire national et identifié les problèmes avec les chiffres. 48 ou 72 heures après notre sortie, on a remboursé toutes les structures sanitaires du pays.
Mais est ce qu’il n’y a pas une certaine lourdeur bureaucratique de l’agence de la CMU, le temps de se mettre en place ?
C’est pour cela qu’en son temps, on avait dénoncé que le fait que la cellule ne règle pas le problème. De ce fait, ils ont créé une agence. L’agence a moins de lourdeur, mais il faut reconnaitre aussi qu’en matière d’argent, il faut des gardes fous. Une mutuelle l’Etat y met 3500 F par individu, l’individu 3500 F, c’est une fortune avec plusieurs centaines de personnes. S’il y a une collectivité locale qui prend en charge une mutuelle, donc l’Etat doit y avoir un droit de regard. Parce que l’argent de l’Etat est celui du contribuable.
Est-ce que les mutuelles ne sont pas politisées quand on les intègre dans le dispositif des mairies ?
Comme que ce sont des collectivités locales, elles peuvent prendre en charge les démunis et ceux qui ont un niveau de vie très bas. C’est pour cela qu’on pense qu’une collectivité locale doit avoir une mutuelle pour sa population. Donc l’idée est de voir les gens qui n’ont pas les moyens et que la mairie puisse les prendre en charge.
Vous du Sutsas, en tant que partenaires, qu’est ce que vous pouvez faire ?
La CMU était le thème de notre dernier congrès et l’on y a invité à l’hôtel King Fahd les experts de l’OMS. On a débattu pendant toute une journée. Nous nous sommes appropriés la CMU. Mais la CMU qui n’était qu’une ambition politique du président de la République, est devenue maintenant une volonté politique. Il faut qu’on maximalise les chances de succès mais pour cela il faut qu’on implique tous les acteurs. Je répète qu’il faut une implication inclusive de tout le monde. C’est cela le point de vue du Sutsas.
Comment les impliquer ?
Quand vous mettez en place une mutuelle, vous invitez les gens. Quand vous faites des tournées pour expliquer aux Sénégalais, alors que nous avons des relais dans toutes les régions, vous nous impliquez.
Donc la CMU en tant que volonté politique ne souffre d’aucune remise en cause ?
Nous croyons à la CMU. Nous croyons que la CMU peut marcher. C’est notre conviction profonde. Ce n’est pas pour rien qu’on a en fait notre thème de congrès.
Est ce qu’il ne faudrait pas un organe de contrôle de l’effectivité de la CMU, parce que dans la réalité la gratuité peine à être appliquée ?
Il y a un cadre juridique. Il y a l’arrêté du ministre. Je crois qu’un ICP responsable doit respecter l’arrêté du ministre qui oblige la prise en charge gratuite des enfants de 0 à 5 ans. Pour cela, la CMU préconise d’y aller étape par étape, chaque année sur la prise en charge. Mais, il y a un arrêté ministériel que tout le monde est tenu de respecter.
Est-ce que tout enfant malade est obligé de passer par la pyramide sanitaire pour se faire soigner gratuitement ?
Cela aussi, il faut qu’on l’explique aux Sénégalais. Quand vous avez un enfant malade, il faut respecter la pyramide sanitaire. Tout le problème des hôpitaux, c’est parce que les gens ne respectent pas la pyramide sanitaire, c’est du à l’anxiété des parents qui par peur vont directement à l’hôpital. Mais, l’enfant malade doit être d’abord amené dans le poste de santé qui évalue la situation avant de l’évacuer vers le district sanitaire. Quand le district l’évalue et ne peut pas le prendre en charge, il le réfère à son tour vers l’hôpital. Toutefois il faudra préciser qu’en cas d’urgence, par exemple si un enfant est fracturé, on doit l’amener directement à l’hôpital parce qu’il ne pourra pas être pris en charge au poste de santé.
Le Rwanda a réussi sa CMU qui a été élaboré et évalué par des sénégalais, pourquoi ne pas suivre l’exemple de ce pays ?
Il faut aller au Rwanda pour voir, vous trouverez des sages et infirmiers partout. 3 à 4 infirmiers et sages femmes dans un poste de santé. En plus de cela, toutes les structures sanitaires sont bien dotées de personnel. Dans ce pays, la CMU est une approche obligatoire. Le Rwanda a en fait une loi, tout le monde cotise. C’est comme l’impôt. Alors qu’au Sénégal on est libre de ne pas adhérer à une mutuelle de santé.
Est-ce que le Sénégal ne doit pas légiférer comme le Rwanda ?
C’est cela notre conviction au Sutsas. Faire une loi et obliger les gens à cotiser dans les mutuelles. C’est cela l’approche obligatoire. C’est la seule voie de réussite pour la CMU. Une loi réglementant la médecine traditionnelle est en gestation. Une loi sur la transplantation rénale pour les dialysés vient d’être votée. Donc il faut une loi pour la survie de la CMU. Une loi doit exister pour que la CMU soit obligatoire. Et bientôt nous serons en 2017. L’objectif est d’enrôler 75 % de la population. Donc il faut non seulement pérenniser la politique de gratuité, mais enrôler le secteur informel, le secteur rural. Mais pour cela, il faut réformer les mutuelles. Ce sont les trois axes de la CMU. Quand vous ne pérennisez pas la CMU, et que vous ne l’élargissez pas aux ruraux et au secteur informel, c’est un échec. Quand vous ne réformez pas les mutuelles, ce sera la faillite, parce que les mutuelles telles qu’elles existent actuellement ne sont pas viables. C’est notre conviction.
Cheikh Tidiane MBENGUE
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