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GUINEE MADAGASCAR MALI R.D. CONGO SENEGAL TOGO
Sud Quotidien | Sénégal | 10/03/2016 | Lire l'article original
Depuis la finition de ses bâtiments qui couvre une large superficie non loin de l’océan, le nouvel hôpital Dalal Diam de Guédiawaye, un bijou d’infrastructure sanitaire incrusté au cœur de la banlieue, est sujet à toutes les supputations à cause de son démarrage tardif. Repoussée à chaque échéance, l’ouverture de Dalal Diam sera bientôt une réalité, si l’on se fie aux déclarations faites par son directeur, Moussa Sam Daff, avec qui nous avons fait le tour de la question sur cet établissement dont le fonctionnement est attendu avec impatience par les populations. En parlant de sa vocation d’Etablissement public de santé (Eps), le directeur a dégagé le profil et la fonctionnalité de sa structure, tout en rassurant les populations sur ses tarifs qui seraient à la portée de tous. Entretien...
L’hôpital Dalal Diam de Guédiawaye va bientôt ouvrir ses portes au public. Qu’est-ce qui explique ces multiples reports de démarrage ?
Je dois, d'emblée, préciser que la construction et l'équipement de cet hôpital n'est pas directement piloté par le Ministère de la Santé et de l'Action Sociale (MSAS), mais plutôt par un projet appelé Projet Hôpital Dalal Diam. Au regard du coût de cette infrastructure, des différents intervenants et des multiples phases (études techniques, appels d'offres internationaux, recours, adjudication, exécution,...), il peut se passer quand même du temps. Ceci pourrait être une explication, mais peut-être pas toute l'explication. Il s'y ajoute qu'il y a quand même des préalables à assurer pour éviter de vivre les mêmes problèmes que les populations reprochent aux hôpitaux.
Il ne s'agit donc pas de tergiversations, mais plutôt d'une volonté de mettre à la disposition des populations une structure hospitalière aux normes et standards internationaux, capable de répondre efficacement à leur problème de santé. Toutefois, il faut reconnaître quand même qu'il y a eu du retard dans la livraison de cette infrastructure.
Où en êtes-vous avec les préparatifs de démarrage ?
Le Président de la République a donné des instructions fermes pour que les blocages où qu'ils se situent soient levés et que la structure commence à servir les populations. A cet effet, une importante rencontre s'était tenue au mois de septembre 2015 entre les partenaires financiers et les autorités de ce pays. Cette rencontre a servi de déclic car les partenaires ont réitéré leur volonté de poursuivre le financement et l'Etat du Sénégal s'était engagé à s'acquitter de sa contrepartie.
Des équipements ont déjà été livrés et sont en cours d'installation, les travaux supplémentaires ont été identifiés et leur financement disponible, tous les avenants administratifs sont signés, le Projet travaille en parfaite intelligence avec les directions du MSAS (Direction des infrastructures, des équipements et de la maintenance, Direction de l’Administration générale et des équipements, Direction de l'Hôpital) et ceci sous la supervision de Mme Awa Marie Coll Seck, ministre de la Santé et de l'Action sociale qui fait tout pour que l'hôpital commence ses activités à la fin du premier trimestre 2016. Il s'agit maintenant juste de respect des procédures. Nous pensons que bientôt certaines activités vont débuter.
Quelles dispositions seront prises pour le démarrage ?
Au lieu d’attendre que tout soit au point (équipements, mobiliers, personnels, etc) pour commencer, ce qui risquerait de prendre encore du temps, nous avons décidé d’ouvrir les services progressivement. Nous comptons démarrer par les consultations externes. Et en fonction du rythme d’arrivée et d’installation des équipements et du mobilier médical, nous ouvrirons d’autres services. En tout état de cause, s’il n’y a pas de blocages majeurs, l’hôpital sera fonctionnel dans sa globalité avant la fin du troisième trimestre 2016 Inchalah. Pour chaque service ouvert, nous veillerons à ce qu’il soit vraiment fonctionnel. Maintenant c’est aux populations qui ont vraiment trop attendu de nous comprendre et de nous accompagner en prenant leur mal en patience pour les services qui ne seront pas ouverts au début. Aussi, nous allons en même temps accompagner la croissance de l’hôpital avec l’élaboration d’un plan stratégique comme instrument de pilotage car l’avenir de l’hôpital se prépare maintenant.
Comment a été monté le financement de l'hôpital et son équipement ?
Il faut préciser qu’il y a deux volets dans le montage financier de ce projet. Un volet génie civil et équipements techniques et un volet équipements médicaux. Concernant le génie civil, la contribution en valeur relative de chaque partenaire s’établit ainsi qu’il suit : le Fonds Saoudien de Développement 31,19%, la Banque Arabe pour le Développement Economique en Afrique 13,26%, le Fonds de l'OPEP 17,11%, la Banque islamique de Développement 19,02% et l’Etat du Sénégal 19,43%.
S’agissant des équipements médicaux, sur les onze lots, la Banque Islamique de Développement en a financé trois à 100% et pour le restant, la part de chaque partenaire financier est la suivante : Fonds Saoudien de Développement 41,67%, Banque Arabe pour le Développement Economique en Afrique 18,52%, Fonds de l’OPEP pour le Développement International 13,89%, Etat du Sénégal 25,92%.
Ce financement n'est pas géré par la direction de l'hôpital.
Les craintes des populations se situent au niveau des tarifs d'admission et redoutent qu’ils soient alignés à ceux de l'hôpital de Pikine (tarifs qu’elles jugent exhorbitants) assimilé à une clinique pour les riches. Qu'en sera-t-il de Dalal Diam ?
Le problème de l'accessibilité que vous posez ici doit être appréhendé sous une triptyque : l'accessibilité géographique, l'accessibilité technique et l'accessibilité financière. S'agissant de l'accessibilité géographique et technique, c'est vrai que le site d'implantation rapproche davantage l'hôpital des populations surtout que les quartiers polarisés ont une très forte densité. Il s'agit principalement des Parcelles Assainies (unité 1 à 26), Cité Fadia, Golf (nord et sud), Camberene, Cité des Nations Unies, Guédiawaye, Pikine, Hamo et même au-delà. C'est véritablement au cœur des populations que l'hôpital Dalal Diam est implanté. C'est aussi de la haute technicité qui sera mise à leur service tant du point de vue des équipements que du point de vue des ressources humaines. En effet, des professeurs d'université et des professionnels de la santé aguerris vont y être affectés.
S'agissant maintenant de l'accessibilité financière, il ne faudra pas commettre l'erreur de dire que banlieue égale pauvreté. On trouve dans la banlieue du tout. Des gens très riches qui sont aussi bien dans le formel que dans l'informel, des fonctionnaires et des gens de classe moyenne comme des gens très démunis habitent la banlieue. L'hôpital a une mission de service public, donc pas de politique d'exclusion. Mais aussi, il a des exigences de qualité et celle-ci a un coût qui devra être supporté par l'effort de contribution des populations, si on veut pérenniser les investissements réalisés. Une de nos stratégies en tant que direction ayant la responsabilité de gérer cette structure c'est de tout faire pour capter les patients "clients" solvables afin de pouvoir prendre en charge les patients non solvables. La Couverture Maladie Universelle est aussi une opportunité pour les populations de réduire leur niveau d'insolvabilité en adhérant massivement aux mutuelles de santé. La communauté devra aussi user d'autres mécanismes de solidarité pour faciliter sa prise en charge. Ce qu'il faut retenir c'est que l'hôpital sera accessible à toutes les catégories sociales, c'est la volonté maintes fois exprimée par Mme le Ministre de la Santé et de l'Action Sociale, car c'est ça qui est la raison d'être de l'hôpital et qui lui donne du sens.
Quelle sera la capacité de l'hôpital, son standing et ses différents départements ?
La capacité d'accueil sera de trois cent lits extensibles à cinq cent. En plus des services d'aide au diagnostic (laboratoires, imagerie médicale), il y aura la médecine et les spécialités médicales Néphrologie, Gastro-entérologie, Médecine interne, l’Hématologie clinique), la chirurgie et les spécialités chirurgicales (l’Orthopédie, la Chirurgie générale, l’Urologie et l’Oncologie chirurgicale), la maternité, la néonatologie, la pédiatrie, l'odontologie, un service des urgences et un service de consultations externes, entre autres. Au vu de la réserve foncière, il y’a la possibilité d'augmenter d'autres disciplines lorsque le besoin se fera sentir.
L’Hôpital sera de niveau 3, c'est-à-dire qu’en plus des soins il y aura de l’enseignement et de la recherche. Mais notre ambition est d’en faire un hôpital à statut spécial puisque le niveau 4 n’existe pas encore dans la classification des hôpitaux au Sénégal. C’est bien possible car l’engagement et la détermination de la direction d’œuvrer dans ce sens sont là
Est-ce que le personnel a déjà été désigné ?
Le personnel universitaire est déjà désigné, les professionnels de santé relevant de la fonction publique ou contractualisés par le Ministère de la santé et de l'action sociale sont en cours de désignation. Ceux qui seront appelés à travailler dans cet hôpital devront s’approprier cette volonté afin qu’ensemble, dans un élan de solidarité et de synergie nous puissions offrir à nos compatriotes des soins de qualité, dans un environnement apaisé et propice aux innovations.
On annonce l'érection d'un grand centre de traitement du cancer à Dalal Diam, avez-vous acquis le matériel de pointe nécessaire ?
Avec la transition épidémiologique et la résurgence de maladies chroniques et à soins coûteux comme le cancer, les autorités développent des stratégies pour apporter des réponses adéquates. Le cancer pose effectivement un réel problème de santé publique, c’est dans ce sens certainement qu’un grand centre sera construit à Diamniadio. L’objectif est de multiplier les centres de traitement pour augmenter l’offre dans ce domaine. En effet, nous avons l’ambition d’avoir un service de référence dans le traitement du cancer avec une offre sans commune mesure par rapport à ce qui se fait actuellement sur l’étendue du territoire national et même au-delà. Pour cela, nous aurons un gamma caméra, une mammographie avec option biopsie, du matériel de curiethérapie, de radiothérapie (accélérateurs linéaires 10mev) et de chimiothérapie. Ce lot n’est pas encore livré pour des raisons de procédures en cours.
Les finances sont souvent décriées dans beaucoup d’hôpitaux. Que comptez-vous faire pour tenir une gestion saine et équilibrée à Dalal Diam ?
C'est vraiment dommage qu'on juge la gestion de certains hôpitaux de cette manière. Cela est d'autant plus regrettable que ceux qui le font et le rabâchent sans cesse ne sont pas des professionnels de la gestion hospitalière. Il faut maîtriser le contexte et l'environnement dans lequel évoluent les hôpitaux. L'hôpital dans le cadre de la loi 98-08 portant réforme hospitalière est certes une entreprise, mais une entreprise à caractère social qui cherche juste à équilibrer ses comptes. Combien de gens sont soignés sans payer vu leur état d'indigence ou d'insolvabilité ? Combien de fois les consommables qui constituent la matière première ont connu une hausse sans que cela ne soit répercuté sur le tarif appliqué aux patients alors que l'orthodoxie de gestion aurait recommandé, à défaut d'une subvention d'équilibre que cette hausse soit supportée par le consommateur final à savoir le patient ? Ensuite l'hôpital n'applique pas des prix aux prestations (coûts de production + marge bénéficiaire) mais plutôt des tarifs qui sont encadrés, ne tenant pas compte de la vérité des coûts. Il s'y ajoute des décisions d'ordre politique, économique, social, juridique, culturel qui influent grandement sur la gestion. On parle beaucoup de la dette des hôpitaux en occultant peut-être volontairement de parler de leurs créances. Encore que l'endettement est une stratégie de gestion dont il faut juste maîtriser la capacité de remboursement. Ensuite, une dette, il faut l'analyser de manière structurelle et conjoncturelle. Au vu de tous ces aspects, c'est un mauvais procès qu'on fait aux hôpitaux et à leurs gestionnaires.
Pour revenir maintenant sur le cas précis de Dalal Diamm, comme je l'ai dit plus haut, il s’agit de tout faire pour capter la clientèle solvable en créant de la valeur ajoutée par rapport à ce qui se fait. Avoir une approche clientèle plutôt qu'une approche patient (améliorer l'accueil, l'information, la communication, la maîtrise des besoins et une réponse personnalisée etc). Mme le Ministre nous a instruit l’appropriation du concept de Renouveau du service public qui est une volonté de chef de l'Etat de rapprocher le service public de ses usagers et d'en faire une réalité.
Ensuite, une nouvelle organisation sous forme de pôles sera expérimentée. Elle sera basée sur une plus grande responsabilisation des chefs de pôle et la mise en place d'un directoire. Tout ceci sera sous tendu par des principes de reddition des comptes et d'imputabilité.
Nous veillerons aussi au respect des procédures et des textes de loi qui régissent la réforme hospitalière notamment les lois 98-08 et 98-12 ainsi que leurs décrets d'application.
La Cmu est un sujet qui tient à cœur le chef de l'Etat, mais que rechigne à appliquer certains hôpitaux, êtes-vous prêts à appliquer cette mesure sociale, notamment le plan sésame, solution de salut pour des personnes du 3é âge d’accéder à des soins de qualité ?
Comme je vous l'ai dit, l'hôpital Dalal Diam a une mission de service public, il a un statut d'Etablissement public de santé, donc inéluctablement il devra mettre en œuvre la politique des pouvoirs publics. Le plan Sésame plus qu'une décision est une instruction que toute structure sanitaire publique devra appliquer. Il en est de même pour toutes les autres initiatives de gratuité. C'est vrai que ce plan a connu des errements qui ont eu un impact négatif sur la trésorerie des hôpitaux, mais des efforts de recadrage ont été notés et Madame le Ministre de la Santé et de l'Action Sociale veille particulièrement sur la mise en œuvre effective de ces initiatives. Cette volonté est bien matérialisée par la création de l'Agence pour la Couverture Maladie Universelle.
Quel est l’avenir de l’Hôpital au Sénégal ?
L’hôpital sénégalais a de beaux jours devant lui. Pour avoir effectué plusieurs missions dans la sous région, je suis fier du Sénégal et des hôpitaux sénégalais. Nous occupons une place de leader dans le domaine sanitaire si nous comparons le niveau des plateaux techniques avec les investissements faits ces dernières années, l’organisation et la gestion de nos hôpitaux. Mais je ne me voile pas la face, il faudrait qu’on tire vers le haut en nous comparant aux pays maghrébins. Et dans cette optique il y a encore beaucoup d’efforts à faire en termes d’investissements et de maillage du pays en spécialistes, mais aussi en termes de comportement vis-à-vis des patients et de l’outil de travail. Il faudra davantage de moyens (humains, matériels et financiers) pour le Ministère de la santé puisque la santé est un préalable à l’émergence d’une économie pour ne pas dire d’un pays.
Cheikh Tidiane MBENGUE
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