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Le soleil | Sénégal | 23/06/2016 | Lire l'article original
Porteuses de la fistule, une Sénégalaise, une Guinéenne et une Bissau-guinéenne racontent leur calvaire après avoir bénéficié d’une opération à l’hôpital général de Grand-Yoff. Les trois dames qui ont vécu les moments les plus sombres de leur existence espèrent une nouvelle vie.
La fistule est un trou anormal entre le vagin et la vessie ou le rectum. Cette pathologie qui touche des femmes des milieux défavorisés est souvent le résultat d’un accouchement difficile. Elle survient après un accouchement prolongé sans assistance médicale appropriée. Dans un document remis à la presse, les spécialistes expliquent que les conséquences de la fistule sont dues au fait que la femme, en donnant naissance, voit la pression de la tête du bébé coincé dans le bassin contre l’os pelvien de la mère pendant longtemps. Ce qui souvent bloque la circulation sanguine vers une zone de tissus mous de la vessie. La mère est alors incapable de contrôler l’écoulement de l’urine ou des matières fécales à travers le vagin.
A cause de cette incontinence, les porteuses de la fistule sont le plus souvent exclues de la vie quotidienne, de la communauté et souvent abandonnées par leurs maris et leurs familles. « Non seulement elles sont isolées socialement et psychologiquement, mais elles ne peuvent exercer aucune activité économique ; ce qui aggrave leur pauvreté et souffrance », a expliqué Andréa Wojnar Diagne, représentante-résidente au Sénégal du Fonds des Nations unies pour la population (Unfpa). C’est le cas d’Oumy Sylla. Agée aujourd’hui de 37 ans, elle vit avec la fistule depuis 22 ans. Elle l’a contractée en 1994, lors d’un accouchement à l’hôpital Simon Mendes, en plein cœur de Bissau. Depuis, cette femme qui a accouché dans des conditions atroces a perdu tout espoir. « Lors de l’accouchement, j’ai perdu mon bébé et contracté la fistule », s’est-elle souvenue sur son lit à l’hôpital général de Grand Yoff où elle vient d’être opérée. « Les sages-femmes ont forcé pendant plusieurs heures pour enlever de mon ventre un mort-né. C’était atroce. Ce que j’ai vécu cette nuit d’avril 1994, je ne peux pas l’expliquer. C’était très dur. C’est là que j’ai contracté la fistule. Je n’arrive plus à retenir mes urines. Ça sort de partout. En plus, il y a une odeur insupportable », a confié Oumy Sylla qui s’exprime en créole.
Par la suite, elle fond en larmes avant de rendre hommage à son mari. « Il m’a soutenu. Il était toujours à mes côtés. Malheureusement, il n’a pas de moyens me permettant de bénéficier d’une prise en charge correcte », a-t-elle reconnue.
Redevenir une belle femme
Oumy, qui vient d’être opérée, espère pouvoir s’en sortir, reprendre correctement sa vie et oublier le passé. Car depuis 1994, elle vivait en cachette. Heureusement que son mari a eu l’idée de l’amener au Sénégal, il y a seulement quelques mois. Ce voyage a porté ses fruits, puisqu’elle est sur le point de redevenir ce qu’elle était au Sud de la Guinée-Bissau. Une belle dame qui rêvait d’avoir des enfants. « Même si je ne suis pas encore guérie complètement, je sens des améliorations », a-t-elle lâché. Allongée juste à côté, Dado Mballo, originaire du village de Mampatim, dans la région de Kolda, a le même destin qu’Oumy Sylla. Mariée à l’âge de 11 ans, la jeune fille tombe en état de grossesse un an après.
Loin des structures de santé, elle n’a pas pu bénéficier d’un bon suivi médical. Conséquence : elle a accouché dans des conditions difficiles et a perdu son bébé pendant l’accouchement qui a eu lieu à domicile. Depuis lors, tout est noir pour la jeune fille porteuse de la fistule.
Elle a vécu avec cette pathologie pendant 6 ans, isolée des siens. « A cause des urines, je ne pouvais pas être avec des gens. Je me cachais. Ça a été très dur pour moi et ma maman », a-t-elle confié. Dado Mballo qui se sent mieux depuis la réparation de sa fistule espère pouvoir retrouver sa famille et ses copines.
Abandonnée par son mari à cause de la fistule, Mariama Sadio Diallo, originaire de la Guinée, tente, elle aussi, de retrouver le sourire grâce aux médecins du Service d’urologie. Sur son lit d’hôpital, elle rêve déjà de reprendre une nouvelle vie avec un nouveau mari. « Je suis encore jeune. Je peux me remarier, parce que je n’ai que 25 ans. C’est la fistule qui m’a rendu vieille », a-t-elle souligné en essayant d’oublier la douleur et la frustration d’être abandonnée par l’homme de sa vie. Celui qui est responsable de sa première grossesse avec pour conséquence un accouchement difficile et une fistule. Grâce à cette réparation, ces trois dames reprennent une nouvelle vie.
Eugène KALY
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