Pour l'accès aux traitements du sida, les Africains avec souvent
le bénédiction de leur gouvernement n'ont jamais cessé d'accabler
l'Occident. Mais que faisons-nous pour nous-mêmes avant de tendre
la main, avant d'accuser les autres? En exposant hier matin à la
session plénière (la troisième) de la 13eme conférence sur le sida
en Afrique sur ''accès et utilisation des médicaments antiretroviraux
en Afrique'', le docteur Eholié Serge Paul, maître assistant au
service des maladies infectieuses d'Abidjan (très ovationné après
sa présentation) a proposé des voies et moyens qui pourraient aider
l'Afrique à compter sur elle, et avoir un partenariat équilibré
avec l'extérieur. Pour le docteur Eholié, l'accès de l'Afrique aux
médicaments antisida ne peut être total, tant que la communauté,
c'est-à-dire les familles , les entreprises, les ONG et le gouvernement
n'ont pas produit des ressources locales. Et pour produire ces ressources,
l'Afrique pourrait par exemple utiliser le coût des décès, l'argent
mis dans les funérailles.
Pour étayer ces propos le docteur Eholié a pris l'exemple de la
Zambie, en 1999 où le coût de l'infection à vih est revenu à peu
près à deux millions de dollars par an. Un coût qui prend en compte
les dépenses occasionnées par la formation, l'absentéisme et les
décès. Soit environ 150 000 $. ''On a simplement fait un calcul
et démontré que cette somme en 1999 aurait permis de prendre en
charge 500 Zambiens''. Ce qui fait dire au conférencier qu'il faut
que l'Etat zambien comprenne qu'il doit intervenir.
Ce message à l'Etat zambien s'adresse en réalité à tous nos Etats.
''Le problème de nos pays, c'est qu'ils attendent tout de l'extérieur.
Au plan local, que font les pays pour donner de l'argent à la lutte
contre le sida.'' S'est interrogé le docteur Eholié. Qui comme le
conseiller régional de l'OMS pour les questions de vih/sida, le
docteur Tsidi Moeti a rappelé la promesse des chefs d'Etat africains
d'accorder 15% de leur budget à la santé et qui n'est toujours pas
suivie d'effet.
En matière de création de ressources propres, les gouvernements
devraient prendre l'exemple sur les entreprises, qui à l'image de
la compagnie ivoirienne de l'électricité, font une mobilisation
des fonds à l'intérieur pour prendre en charge leurs employés. ''Même
si on vous donne des médicaments pendant deux ans, après deux ans
qui prend en charge? Il n'y a que 11% des Africains qui ont un revenu
et ceux-ci doivent prendre en charge toute une famille. Il faut
que les Etats aident les patients qui sont infectés.''
Pour le docteur Eholié Serge Paul l'accès aux médicaments antirétroviraux
de l'Afrique implique la solidarité de tout le monde (implication
forte de la famille, du gouvernement les communautés) ''Si vous
arrivez à dire dans votre communauté religieuse par exemple qu'on
veut faire un fonds de solidarité, on veut cesser de payer pour
les décès, les cotisations vont se faire et on peut trouver des
fonds''. Et pour l'utilisation des traitements a-t-il souligné ''on
n'a pas besoin de transférer les modèles du Nord, on a suffisamment
de connaissances, d'expériences pour faire notre propre modèle pour
traiter nos patients''.
Mais pour que ces expériences réussissent, il doit être mis fin
à la fuite des cerveaux.'' Nous demandons qu'on forme le personnel
de santé avant de faire la décentralisation. Mais si les gens que
vous formez partent, ce ne sera plus un problème à l'accès, mais
un problème à la bonne utilisation''. La conférence de Nairobi dénonce
en effet depuis son ouverture le départ des experts du continent
vers d'autres cieux. C'est ainsi que le docteur Tsidi Moeti dira
" qu'il y a plus de scientifiques nigérians aux USA qu'au Nigeria
". Mais dénonçant toujours ces fuites de cerveaux, d'aucuns accusent
les institutions internationales aussi de dépouiller l'administration,
notamment les ministères de la Santé de leurs experts. Mais cela
on préfère le dire sous cape.
B. ZEGUELA
Lire l'article original : http://www.fratmat.co.ci/story.asp?ID=23893
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