L'ablation du sein ou des deux seins semble devenir une fatalité
dans le traitement du cancer en Côte d'Ivoire. Un triste constat
qui s'impose au docteur Adoubi Innocent, cancérologue au CHU de
Treichville, et à ses collègues. Parce que seulement 20% des femmes
consultent au stade précoce. Ce qui signifie que 80% des femmes
ne se manifestent que quand le cancer est à un stade avancé. Et
sur toutes les malades prises en compte une étude menée de 1993
à 1998 , révèle que seulement 30 femmes sur 100 atteintes du cancer
du sein sont vivantes après cinq ans. Les 70 autres décèdent des
suites du cancer du sein. Dont la gravité vient du fait que, selon
le docteur Adoubi la tumeur ou la boule dans le sein va donner naissance
à des cellules filles, qui, à leur tour, vont coloniser d'autres
organes tels le poumon, le foie, le cerveau, les os, etc. Ce qui
va provoquer un dysfonctionnement général de l'organisme.
Le sein ne peut être conservé que si la boule ou la tumeur cancéreuse
qu'elle contient a une taille inférieure à 3 cm. Alors que les femmes
arrivent généralement en consultation avec des boules de 5 cm de
diamètre dans le sein. Selon le docteur Adoubi, une tumeur d'un
cm de diamètre engendre environ un milliard de cellules filles (métastase).
Ce sont au bas mot 25 nouveaux cas de cancer du sein qui sont enregistrés
par an pour 100.000 femmes. Contre 80 à 100 nouveaux cas pour 100.000
femmes en Europe.
Un chiffre qui paraît insignifiant comparativement à celui de l'Europe.
Mais le fait est que ces 25 cas sur 100.000 sont déjà alarmants
pour les cancérologues de Côte d'Ivoire. Et cette " flambée " s'explique
par un certaines habitudes des femmes européennes. En effet, selon
le docteur Adoubé " les femmes africaines ont commencé à avoir les
mêmes habitudes que celles de l'Occident. A savoir est la pratique
de l'allaitement mixte contre l'exclusif, la limitation du nombre
de grossesse, alors même qu'il est démontré que plus la femme fait
moins d'enfant, plus le risque de contracter le cancer du sein élevé."
Une alimentation riche en graisse, en viande mais pauvre en fruits
et en végétaux fait également partie de ces habitudes incriminées.
De même que l'alcool et le tabac.
Toute douleur au sein chez une femme de 30 ans doit amener à consulter,
insiste le docteur Adoubi Innocent. De même qu'une déformation du
sein (sein rétracté). Un écoulement de sang des mamelons doit aussi
amener la femme à s'inquiéter, même s'il s'agit là de facteurs dits
de risque, c'est-à-dire non responsables à 100% du cancer du sein.
Tout comme la prise continue de pilules contraceptives sur une période
supérieure à 10 ans.
Autres facteurs de risque, cette fois liés à la vie génitale de
la femme, c'est la puberté précoce inférieure à 12 ans, la ménopause
tardive supérieure à 55 ans. Les femmes qui n'ont jamais eu d'enfant
ou qui ont eu une première grossesse tardive (âge supérieur à 35
ans) sont exposées au cancer du sein. L'ablation fait partie du
traitement médical du cancer du sein. Ce traitement en Côte d'Ivoire
est complété par la chimiothérapie et l'hormonothérapie . Il manque
à l'appel pour une meilleure prise en charge du cancer du sein,
la radiothérapie. Elle devait accompagner la chirurgie.
L'ablation des seins (chirurgie) et les traitements médicaux sont
normalement suivis par une radiothérapie. Mais l'Institut de cancérologie
du CHU de Treichville ne peut l'offrir à ces patients parce qu'il
n'en existe pas.
C'est une femme sur deux qui est systématiquement opérée nous a
confié le docteur Adoubi. Parce que le traitement hormonal s'épuise
avec le temps. Par conséquent, à un certain moment, les médecins
traitants sont obligés de l'arrêter. De plus, ce traitement a des
effets indésirables qui peuvent s'avérer très néfastes particulièrement
sur l'utérus. Aussi, généralement au bout de trois, quatre ou cinq
ans, le traitement hormonal est arrêté.
Généralement, dans le traitement du cancer du sein, lorsqu'une
femme est opérée, il lui est proposé soit la chimiothérapie, soit
l'hormonothérapie ou les deux à la fois. La chimiothérapie se fait
dans un délai de six mois à un an, en raison d'une séance par mois.
Et l'hormonothérapie, elle, s'utilise pendant deux à cinq ans avec
des médicaments à prendre tous les mois.
Au bout de cinq ans généralement, le tour des traitements médicaux
disponibles pour le cancer du sein est vite fait. Place doit donc
être faite à la surveillance à cause du grand risque de rechute.
B. Zéguéla
La ligue ivoirienne informe et sensibilise
La Ligue ivoirienne contre le cancer (LICC) organise cet après-midi
au palais de la Culture à Treichville une session de formation et
d’information des professionnels à la prise en charge du cancer.
Cette initiative qui vise à marquer la Journée mondiale contre le
cancer du sein (dimanche), sera suivie, demain matin, d’une séance
de dépistage gratuit au service des consultations externes de chirurgie
du CHU de Treichville.
Le cancer du sein tend à devenir un véritable problème de santé
publique en Côte d’Ivoire. De plus en plus de jeunes femmes encore
en activité génitale en sont frappées. Les ravages qu’il entraîne
sont d’autant plus graves que le mal est souvent découvert à un
stade très avancé, “ alors qu’il existe des moyens efficaces de
prévention dont le premier est l’information”, fait observer la
LICC. C’est pour pallier cette insuffisance que l’Association a
décidé de s’investir dans cette campagne aujourd’hui et demain.
Selon les estimations de l’OMS (Organisation mondiale de la santé),
15 000 cas de cancer sont attendus chaque année en Côte d’Ivoire.
L’incidence chez la femme est de 98 cas pour 100 000 femmes et de
83 cas sur 100 000 chez l’homme. Les cancers les plus fréquents
chez ce dernier sont ceux du foie, de la prostate, des ganglions,
de l’ORL et des poumons. Chez la femme, ce sont les cancers du sein
et du col de l’utérus qui prédominent. Les enfants ne sont pas épargnés,
avec une prédominance de la maladie de Burkitt.
E. KODJO
Le registre laissé pour compte
Le registre du cancer est l’unité d’épidémiologie du cancer. Situé
au CHU de Treichville , son rôle est de recenser tous les nouveaux
cas de cancer dans la ville d’Abidjan chaque année. Ce recensement
est fait par seulement deux enquêtrices qui doivent parcourir les
services, les cliniques pour réaliser cette banque de données sur
le cancer .Elles doivent parcourir la ville d’Abidjan en bus et
les informations ne leurs sont pas données par toutes les structures,
notamment les cliniques dont certaines font des réticences. Résultat
? Cela fait aujourd’hui près de deux ans que ces enquêtrices ont
arrêté tout recensement. Le registre qui devait être la cheville
ouvrière de la lutte contre le cancer, selon le seul technicien
qui y travaille, M. Bandama Samuel , n’a plus de médecin épidémiologiste.
Comment réaliser dans toutes ces conditions des enquêtes afin d’orienter
la lutte, d’aider les autorités à mieux situer le problème du cancer
en Côte d’Ivoire pour une meilleure orientation de la lutte ?
B. Zéguéla
Les trois attitudes qui sauvent
Le premier moyen de prévention efficace contre le cancer du sein,
selon le docteur Adoubi Innocent est l’information. Celle portant
sur ce qu’il appelle les trois attitudes qui sauvent.
Il s’agit de la méthode dite d’auto-palpation des seins qui permet
aux femmes de détecter très tôt la présence d’une quelconque boule
dans le sein.
La deuxième attitude à avoir, c’est que tous les trois ans une femme
doit faire une mamographie ( une radio du sein). Cet examen est
surtout conseillé aux femmes de 40 à 45 ans. Chez des jeunes filles
, cet examen n’apporte rien, a précisé le docteur Adoubi, parce
que les seins sont encore fermes. Au CHU de Treichville cet examen
coûte 10 000 f cfa. Une somme à débourser tous les trois ans pour
toute femme qui veut en tout cas prévenir ou faire détecter tôt
un cancer du sein.
Voir un gynécologue au moins une fois par an est la troisième attitude
qui sauve une femme du cancer du sein ou permet la détection précoce
du mal.
B. Zéguéla
Repères
- La radiothérapie, consiste à envoyer des rayons qui vont détruire
les cellules cancéreuses. Tous les malades opérés doivent bénéficier
d’une radiothérapie. Le CHU de Treichville est obligé d’envoyer
ses malades au Ghana où il collabore avec l’hôpital Kole-bou à
Accra. La radiothérapie revient là-bas à 400 000 F CFA.
- Une unité de radiothérapie reviendrait moins cher à la Côte
d’Ivoire qui est obligée de faire des évacuations sanitaires selon
les spécialistes. Le Gabon, le Cameroun, le Sénégal , le Nigeria
etc. ont leur unité de radiothérapie.
- La chimiothérapie est un traitement administré par perfusion
ou par voie orale (comprimés). Il associe plusieurs médicaments
qui tuent les cellules cancéreuses de la tumeur, mais aussi celles
qui auraient pu s’échapper pour aller coloniser d’autres organes.
La chimiothérapie a des effets secondaires qui disparaissent à
la fin du traitement.
- L’hormonothérapie consiste à administrer au patient des hormones
de synthèse (comprimé ou injectable), qui vont bloquer les cellules
et les empêcher de se multiplier et de disséminer. On peut aussi
supprimer les ovaires (les ovaires fabriquent une hormone capable
de stimuler les cellules cancéreuses), ou administrer un médicament
spécifique qui va bloquer la production des ovaires.
- L’ablation du sein coûte au CHU de Treichville 75 000 F (acte
et kit compris). C’est une chirurgie d’un jour selon le docteur
Adoubi Innocent, puisque le malade peut rentrer chez lui le même
jour.
Lire l'article original : http://www.fratmat.co.ci/story.asp?ID=24554
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