Créé depuis le mois de mai dernier, le centre de dépistage volontaire
et anonyme du sida de Ziguinchor, est certes très peu connu du public
ziguinchorois. Mais qu'à cela ne tienne, situé au cœur de l'hôpital
" Silence " de Ziguinchor, il reçoit régulièrement des " clients
" qui viennent, soit pour se faire dépister, soit pour s'informer
simplement et repartir. En cinq mois d'existence, ses responsables
jugent l'affluence assez acceptable.
Mercredi 15 octobre 2003, il est 9 heures. La vie bat son plein
un peu partout dans la ville de Ziguinchor. Les gens vont et viennent,
chacun vaquant à ses occupations quotidiennes. A la formation sanitaire
de Ziguinchor, plus connue sous l'appellation d'hôpital " Silence
", la vie bat aussi son plein. Ici, les agents s'affairent autour
des patients qui, en cette période de fin d'hivernage, sont devenus
plus nombreux. En raison de la forte prévalence des maladies hivernales,
du paludisme notamment, tous les services sont submergés par les
malades. En fait, depuis qu'il a été réfectionné, cet hôpital est
à nouveau devenu le lieu de ralliement de beaucoup de malades qui
viennent s'y faire traiter. Mais dans cet hôpital, ne viennent pas
seulement les malades. Des personnes supposées bien portantes fréquentent
aussi régulièrement cet établissement hospitalier. Non pour se faire
traiter pour une quelconque maladie, mais pour aller se faire dépister
au niveau du Centre de dépistage volontaire et anonyme (Cdva) qui
a élu domicile au niveau de cet hôpital.
292 personnes dépistées en cinq mois
Sur sa façade principale, une petite enseigne indique sa présence
dans cette structure beaucoup plus fréquentée par des malades souffrant
de diverses pathologies que par " de simples visiteurs ". Pourtant,
le Centre de dépistage volontaire et anonyme ouvert en mai dernier
remplit fièrement la mission qui lui a été assignée. A l'entrée,
les visiteurs (" les clients ", comme ils les appellent) sont accueillis
dans une salle d'attente où sont exposées plusieurs chaises ainsi
qu'une télévision et un lecteur vidéo servant à la sensibilisation
sur les Mst/ Sida. Mais aussi sur les avantages qu'offre le centre
et l'importance du test de dépistage. Bien que n'étant pas encore
très connu du public ziguinchorois, ce centre, le troisième du pays,
après Dakar et Kaolack, avec une équipe de six personnes (le coordonnateur,
la gestionnaire, la technicienne de laboratoire et trois conseillers)
reçoit pourtant régulièrement des " clients ".
" Les gens viennent souvent ici, certains pour se faire dépister
alors que les autres ne viennent que pour se renseigner et repartir
après, sans même subir le test de dépistage ", renseigne le coordonnateur
du centre, M. Jean Diémé qui précise que le dépistage n'est ni obligatoire,
encore moins payant. "Quand quelqu'un vient chez nous, les conseillers
commencent d'abord par lui faire le counselling qui est très important
afin de lui expliquer ce que c'est le Sida et pourquoi il devrait
faire le test de dépistage. S'il se dit prêt à faire le test, on
le lui fait faire, sans qu'il ne décline son identité. Mais s'il
n'est pas d'accord, il peut repartir mais on prend quand même le
soin de bien lui expliquer. C'est pourquoi il arrive que certaines
personnes qui refusent une première fois de subir le test reviennent
le faire après ", ajoute M. Diémé.
Ainsi le centre reçoit régulièrement des " clients " en provenance
des différentes localités de la région, mais aussi de la Guinée-
Bissau voisine. L'affluence de la " clientèle " est jugée acceptable
par le coordonnateur du centre. " Au mois de mai nous avons effectué
60 prélèvements, 56 en juin, 79 en juillet, 46 en août et 51 en
septembre ", font remarquer les agents du centre. Au total, 292
prélèvements ont été effectués entre mai et septembre 2003. La faiblesse
des prélèvements au mois de septembre (46) s'explique, selon un
des conseillers, en l'occurrence Amadou Diémé, par les fortes précipitations
qui ont eu des répercussions assez significatives sur le taux de
fréquentation de la population. Pour ce qui est du taux de prévalence
noté auprès des personnes ayant accepté de subir le test de dépistage
du Sida, c'est motus et bouche cousue. Secret professionnel oblige,
les responsables du centre préfèrent ne pas révéler de statistiques.
La peur de connaître son statut sérologique
Toutefois, malgré cette affluence assez significative, certaines
personnes rencontrées en ville rechignent encore à fréquenter le
centre afin de subir le test de dépistage. Par la simple peur de
connaître leur statut sérologique. C'est le cas de D. Diatta employé
dans une société privée. Pour lui, il est hors de question de se
faire dépister. " Je n'irais jamais dans ce centre parce que je
ne veux pas connaître mon statut sérologique. Je préfère rester
comme ça car je ne sais pas ce que je serais si on me disait que
j'étais séropositif. Cela va me traumatiser toute ma vie ", affirme
notre interlocuteur qui dit pourtant être conscient des risques
qu'encourent ses partenaires.
Son camarade de service qui reconnaît avoir des comportements à
risque ne veut pas non plus entendre parler de test de dépistage.
Lui aussi, préfère mourir plutôt que de se sacrifier à cet exercice
angoissant. La raison est toute simple, il " ne veut pas vivre le
restant de ses jours en ayant un fardeau sur la tête. Il faut être
très fort psychologiquement pour supporter sa sérologie ". Alors,
il vit sa vie sans pour autant songer au Sida, malgré les échos
qui lui parviennent ou les images de malades qu'il voit à travers
la télévision. Ce que comprennent du reste les responsables du centre.
A les en croire, c'est le fait de savoir son statut sérologique
qui fait fuir certaines personnes. " Moi même , j'ai eu tous les
problèmes du monde pour faire le dépistage. D'ailleurs, j'ai, été
le dernier au niveau du personnel du centre à l'avoir fait. Mais
cela ne doit pas amener les gens à fuir parce que c'est très important
de connaître son statut sérologique ", renseigne Amadou Diémé, conseiller
au niveau du Cdva.
Prise en charge sociale et médicale gratuite
Au contraire de ces jeunes qui refusent de faire le test afin de
ne rien savoir de leur statut sérologique, les responsables du Cdva
estiment que d'autres ne le font pas tout simplement en raison de
certaines croyances qui nient jusqu'à l'existence de la maladie.
Alors que celle-ci ne cesse de faire des ravages en décimant une
partie de la population. C'est pourquoi ils n'entendent pas dormir
sur leurs lauriers. Au contraire, ils envisagent, en rapport avec
l'Asvie qui gère le centre, d'accroître la sensibilisation afin
d'amener les populations à mieux connaître la structure mais surtout
à la fréquenter et à subir le test de dépistage du Sida. D'autant
plus que la région est limitée par deux pays( Gambie et Guinée Bissau)
où le taux de prévalence du Sida est assez élevé. Mais aussi parce
que jusqu'à présent , certains personnes qui connaissent l'existence
du centre, n'entendent, sous aucun prétexte se faire dépister. Au
seul motif qu'elles ne veulent " rien savoir ". Dans cette campagne
de sensibilisation, ils insistent aussi beaucoup sur la prise en
charge médicale et sociale qui est assurée aux porteurs du virus
et malades du Sida.
En effet, de l'avis du coordonnateur de la Cdva, " une fois le
test positif, nous demandons à la personne de lever l'anonymat si
elle le veut. Ensuite, elle bénéficie d'un suivi médical et d'une
prise sociale et psychologique par nos personnes ressources. Il
y a aussi des groupes de paroles qui regroupent des porteurs du
virus et qui tiennent des réunions et créent des activités génératrices
de revenus afin de leur faire comprendre qu'ils font partie de la
société. Si par contre la personne a déjà développé la maladie,
elle bénéficie aussi d'une prise en charge médicale avec surtout
les anti-rétroviraux qui lui sont fournis ", affirme Jean Diémé
qui estime que " le Sida n'est pas une maladie mortelle mais une
maladie chronique, ce n'est pas non plus une maladie animale mais
une maladie humaine ". Selon lui, cette assistance aux malades et
porteurs du virus du Sida participe de la lutte contre cette pandémie
qui ne cesse de faire des victimes au sein de la population.
Landing DIEME
Lire l'article original : http://www.sudonline.sn/archives/17102003.htm
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