BAMAKO - S'imprégner de l'évolution de la pandémie du SIDA au Mali
et des stratégies de prise en charge des personnes infectées. Tel
est l'objectif des échanges avec le Docteur Idrissa Cissé, coordinateur
du Programme national de lutte contre le Sida (PNLS) qui a passé
en revue les différents programmes de lutte mis en place pour stopper
le Sida. C'était lors d'une rencontre qu'il a eue avec le groupe
de journalistes venus de l'Afrique de l'Ouest pour une série de
reportages sur le VIH/SIDA. Le vœu de bouter le SIDA hors du quotidien
des victimes relève pour l'heure, de l'utopie dans la mesure où
tous les malades n'ont pas accès aux ARV.
Avec un taux de prévalence de 1,7 %, le Mali fait partie des pays
dits de prévalence basse. Mais, " l'arbre ne doit pas cacher la
forêt ", soutient Docteur Idrissa Cissé, responsable du Programme
national de lutte contre le SIDA au Mali (PNLS), encore préoccupé
par les 104 300 personnes infectées connues au Mali, qui, à l'instar
des autres pays de l'Afrique subsaharienne, n'est pas épargné par
la pandémie du SIDA. Les jeunes âgés de 24 à 39 ans restent les
plus touchées. C'est ce qui ressort des statistiques tirées de l'Enquête
démographique et de santé (EDS 2002). Cette dernière a permis de
déterminer la prévalence et elle avait pour spécificité d'intégrer
le VIH qu'elle a couplé à d'autres indicateurs de santé. Une préoccupation
que le Mali se targue de partager seul avec deux autres pays : la
Zambie et la République Dominicaine, fait savoir le Responsable
du PNLS au Mali. Concrètement, il s'est agi pour le Docteur Idrissa
Cissé, coordinateur du Programme national de lutte contre le Sida
(PNLS), de soumettre à tous ceux qui ont accepté l'EDS de se faire
dépister. Ce programme fut mis sur pied en 1984 juste après l'apparition
du premier cas avéré de séropositif. Le PNLS est soutenu dans ces
actions par une multitude d'associations et d'Ong intervenant dans
la lutte contre le Sida.
Parmi celles-ci on peut citer le Centre de soins, d'animation et
de conseils (CESAC) pour les personnes vivant avec le VIH, l'Initiative
malienne d'accès aux anti-rétroviraux (IMAARV) et le Programme transmission
mère-enfant (PTME).
Seuls 750 malades sous ARV
L'IMAARV prend en charge actuellement 750 malades dont la majorité
se trouve à Bamako. Se référant à ce chiffre, le docteur Idrissa
Cissé déclare : " Nous n'avons même pas le tiers des malades sous
traitement ", Poursuivant, il indique qu'une infime minorité est
seulement sous ARV, " même si en trois ans, l'IMAARV a investi 3,3
milliards de F CFA ".
Au Mali, l'accès aux ARV est subordonné à une enquête permettant
de déterminer la situation socio-économique des malades. Et la priorité
est donnée aux plus démunis. Selon le coordinateur du PNLS, le traitement
mensuel d'un malade est actuellement estimé à 90 000 F CFA dont
50 % sont subventionnés par l'Etat à travers l'initiative Pays pauvres
très endettés (PPTE). Donc, le traitement revient à 45 000 F CFA
au malade. Ce qui est encore élevé dans un pays où 63 % de la population
vit en dessous du seuil de pauvreté. Si évidemment l'on se réfère
aux indicateurs des Objectifs du Millénaire pour le Développement
qui fixent le seuil de pauvreté à moins d'un dollar par jour et
par habitant.
Par rapport à la cherté du coût du traitement anti-rétroviral,
le responsable du PNLS déclare : " Nous sommes conscients que très
peu de personnes ont actuellement accès aux ARV. L'idéal serait
pour nous, d'arriver à la gratuité pour tous les malades. Mais cela
relève encore de l'utopie ", soutient-il. Toutefois, il reconnaît
que l'Etat a fait des efforts en faisant baisser le coût du traitement
mensuel de 300 000 F CFA au début à 90 000 F CFA aujourd'hui. Aussi,
Idrissa Cissé se réjouit-il de la gratuité de traitement accordée
aux membres des associations de Personnes vivant avec le VIH (PVVIH)
et aux enfants âgés de 0 à 14 ans.
Egalement responsable du PTME, Docteur Cissé indique que ce programme
vient en fait renforcer l'IMAARV. A cet effet, six sites pilotes
sont installés à Bamako. Avec le PTME, chaque femme qui vient en
consultations prénatales (CPN) doit faire l'objet d'un counselling
(préparation) pour l'acceptation volontaire du test de dépistage
et des résultats. Celles qui acceptent de se soumettre au test bénéficient
d'une prise en charge. Le troisième trimestre de la grossesse, l'accouchement
et l'allaitement sont les trois moments les plus risqués pour la
transmission du VIH de la mère à l'enfant. Pour Idrissa Cissé, ces
moments font l'objet d'une surveillance particulière.
Manque de coordinations
Par ailleurs, notre interlocuteur trouve sa structure impuissante
face au nombre élevé de malades. Il a également déploré le manque
de coordinations des actions qu'il juge dispersées. Il en est de
même de la difficulté à mesurer l'impact des actions qui doivent
aboutir à un changement de comportements. Quand bien même, le responsable
du PNLS se satisfait de la mise en place du Haut conseil de lutte
contre le SIDA dirigé par le chef de l'Etat malien. Il en est de
même des nombreux démembrements du PNLS qu'on retrouve dans le Mali
jusqu'au niveau le plus bas de la hiérarchie administrative. Pour
couronner le tout, " nous sommes en train de mettre en place une
unité de suivi ", informe Docteur Idrissa Cissé qui penche pour
l'élaboration de stratégies efficaces de prévention et de sensibilisation
sur le VIH/SIDA. D'autant qu'il se dit jour après jour convaincu
que " le SIDA n'a pas de frontière ". C'est pourquoi dans les stratégies
préventives, il plaide pour l'ouverture de centres de dépistage
volontaire dans tous le pays. Aussi est-il pour " l'accès de tous
les malades aux ARV ".
Maïmouna GUEYE (Envoyée spéciale)
Lire l'article original : http://www.lesoleil.sn/santeenv/article.cfm?articles__id=31684
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