Chaque année, ce sont environ 50 milliards de FCFA qui sont dépensés
par l'Etat burkinabé au titre du budget de santé publique. Outre
ces dépenses publiques s'ajoutent les dépenses individuelles que
chaque Burkinabé met dans ses soins et ceux de ses proches. Mais
face à la recrudescence de certaines endemies comme le paludisme
ou la méningite, l'apparition de nouvelles maladies notamment le
SIDA et la persistance d'autres (choléra, fièvre typhoïde, tuberculose,
etc.), l'offre de prise en charge sanitaire est de plus en plus
insuffisant dans les services publics. Conséquence, le secteur des
soins de santé est aujourd'hui investi par le privé qui développe
cabinets, cliniques et autres laboratoires d'analyses. Ces établissements
pour beaucoup d'entre eux suppléent valablement aux déficiences
de services publics. Par contre certaines d'entre eux font précéder
la recherche avide du gain à leur sacerdoce qui devrait être celui
de soigner pour soulager. Gros plan sur un secteur en plein essor
au Burkina.
Y a t-il encore ce secteur de la ville de Ouagadougou dans lequel
n'est pas implanté 3, 4 voire 5 et plus d'établissements privés
de soins de santé ? Des cabinets de soins aux cliniques huppées,
ils offrent des prestations très variées qui vont de la simple prise
de tension aux opérations chirurgicales les plus compliquées. On
y rencontre parmi le personnel médical qui y exerce du simple garçon
ou fille de salle au professeur spécialiste ou agrégé. L'éventail
des pathologies prises en charge est donc très large. A priori on
devrait donc se réjouir que face à l'insuffisance des services publics
de soins et aux difficultés qu'ils rencontrent dans la prise en
charge des malades, le privé concourt à résolver ces déficits. En
réalité, ce dynamisme du sous-secteur de la santé est objet d'interprétations
diverses, voire contradictoires. Pour les uns, c'est un développement
remarquable qui entre en droite ligne dans la politique sanitaire
nationale. Pour d'autres, c'est une prolifération incontrôlée qui
met en avant la recherche du profit. La vérité est certainement
au milieu de cette vision opposée des choses. En effet, de toute
évidence tous les promoteurs des établissements privés de soins
de santé ne font pas œuvre de charité. En plus d'équilibrer leurs
budgets, ils cherchent à faire des bénéfices. Situation tout à fait
compréhensible d'autant plus que, outre de prendre en charge des
problèmes de santé publique, ils participent à réduire le chômage
et sont tenus de payer des taxes et impôts à l'Etat. Là où le bât
blesse, c'est quand le serment d'hypocrate est mis à rude épreuve
par des praticiens visiblement plus préoccupés par l'espèce sonnante
et trébuchante que par la santé de leurs clients. C'est connu, les
agents de santé n'ont pas l'obligation de guérir tous les malades
qui viennent à eux, ils ont par contre l'obligation de les soigner
et surtout de bien les soigner. En est-il toujours ainsi dans ces
établissements privés de soins ? Pour beaucoup d'entre eux, c'est
à voir ! Néanmoins, d'emblée les populations leur accordent un avis
favorable comparé à l'accueil et aux prestations qui leur sont offerts
dans les services publics. Un paradoxe quand on sait que devant
la gravité de la maladie de leurs patients des cabinets de soins,
des centres et d'autres cliniques privés "ordonnent" des évacuations
sur l'hôpital Yalgado Ouédraogo, le plus grand établissement public
de soins du pays. En outre, les plus grands spécialistes qui exercent
dans le privé sont souvent des fonctionnaires d'abord affectés dans
le public. Qu'est-ce qui peut alors motiver un bon accueil et une
meilleure prise en charge dans le privé de la part du même personnel
soignant qui accueille et soigne mal dans le public : La loi de
la concurrence avec les autres établissements privés ? La peur du
licenciement immédiat ? La vigilance du fondateur ou fondatrice
? La remontrance de l'Ordre des médecins ?
Du coup des prestations de service
La libéralisation du secteur de la santé n'est pas pour faciliter
les choses au niveau des couches défavorisées de la population dans
les établissements de soins privés. Il est reconnu aujourd'hui qu'il
n'est pas donné à n'importe quel Burkinabé de s'offrir des soins
de qualité dans les centres privés du fait de la cherté des prestations.
De la consultation à l'hospitalisation, des soins médicaux aux
différents examens, il faut débourser des sommes faramineuses pour
être à même de se payer ces services. Dans aucune polyclinique,
encore moins dans les cliniques de la place on a une consultation
à la bourse du Burkinabé moyen ; les prix variant entre 5 000 à
10 000 voire plus pour certaines spécialités. Dans les cabinets
de soins, cela varie entre 300 FCFA à 3 000 F voire plus selon le
standing et la situation géographique du cabinet.
Quant aux examens médicaux, ils varient également selon qu'on veut
un simple KOP ou une fibroscopie de 1 500 CFA à 30 000 FCFA et plus.
Que dire alors des chambres d'hospitalisations, là aussi il n'est
pas donné à n'importe qui de s'hospitaliser dans une clinique et
pour cause, les chambres varient entre 8 000 F voire 30 000 F selon
qu'elle est ventilée ou climatisée avec un minimum de confort (télévision,
téléphone etc..)
Sacerdoce en péril ?
Le pire, c'est que des médecins, en dépit des textes réglementaires
qui existent , privilégient les consultations des patients dans
les établissements privés où ils touchent des ristournes plutôt
que de soigner ces patients dans les centres pas de point publics
de soins où les coûts sont relativement plus abordables. Il est
fréquent de voir des médecins qui émargent au compte de l'Etat exercer
dans des cliniques privés si ce n'est pas dans leur propre clinique.
Conséquence : le service public est "nazifié" parce que le salaire
est déjà garanti. Du même coût, c'est une double concurrence déloyale
qui s'établit entre eux et les autres cliniques où les responsables
ont choisi la voie du privé.
L'un des trois indicateurs de développement humain durable du PNUD
est l'espérance de vie.
Il est de 47 ans au Burkina Faso. Pourtant nul doute que cette espérance
de vie commande qu'on jouisse d'une bonne santé qui ne peut être
obtenue que si elle est accessible à tous et à moindre coût.
Il est vrai que la santé n'a pas de prix, néanmoins les chefs d'établissements
de soins se doivent de se concerter à travers leurs structures associatives
(Ordre des médecins etc..) pour uniformiser les différentes prestations
en tenant compte du pouvoir d'achat de la majorité des Burkinabè.
Jules R. Ilboudo
Lire l'article original : http://www.fasonet.bf/hebdo/actualite2/hebdo238/Grosplanleboum238.htm
|