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L'actualité de la santé en Afrique

Établissements privés de soins de santé : Le boum qui fait mal au serment d'Hippocrate - L'HEBDOmadaire - Burkina Faso - 17/10/2003

Chaque année, ce sont environ 50 milliards de FCFA qui sont dépensés par l'Etat burkinabé au titre du budget de santé publique. Outre ces dépenses publiques s'ajoutent les dépenses individuelles que chaque Burkinabé met dans ses soins et ceux de ses proches. Mais face à la recrudescence de certaines endemies comme le paludisme ou la méningite, l'apparition de nouvelles maladies notamment le SIDA et la persistance d'autres (choléra, fièvre typhoïde, tuberculose, etc.), l'offre de prise en charge sanitaire est de plus en plus insuffisant dans les services publics. Conséquence, le secteur des soins de santé est aujourd'hui investi par le privé qui développe cabinets, cliniques et autres laboratoires d'analyses. Ces établissements pour beaucoup d'entre eux suppléent valablement aux déficiences de services publics. Par contre certaines d'entre eux font précéder la recherche avide du gain à leur sacerdoce qui devrait être celui de soigner pour soulager. Gros plan sur un secteur en plein essor au Burkina.

Y a t-il encore ce secteur de la ville de Ouagadougou dans lequel n'est pas implanté 3, 4 voire 5 et plus d'établissements privés de soins de santé ? Des cabinets de soins aux cliniques huppées, ils offrent des prestations très variées qui vont de la simple prise de tension aux opérations chirurgicales les plus compliquées. On y rencontre parmi le personnel médical qui y exerce du simple garçon ou fille de salle au professeur spécialiste ou agrégé. L'éventail des pathologies prises en charge est donc très large. A priori on devrait donc se réjouir que face à l'insuffisance des services publics de soins et aux difficultés qu'ils rencontrent dans la prise en charge des malades, le privé concourt à résolver ces déficits. En réalité, ce dynamisme du sous-secteur de la santé est objet d'interprétations diverses, voire contradictoires. Pour les uns, c'est un développement remarquable qui entre en droite ligne dans la politique sanitaire nationale. Pour d'autres, c'est une prolifération incontrôlée qui met en avant la recherche du profit. La vérité est certainement au milieu de cette vision opposée des choses. En effet, de toute évidence tous les promoteurs des établissements privés de soins de santé ne font pas œuvre de charité. En plus d'équilibrer leurs budgets, ils cherchent à faire des bénéfices. Situation tout à fait compréhensible d'autant plus que, outre de prendre en charge des problèmes de santé publique, ils participent à réduire le chômage et sont tenus de payer des taxes et impôts à l'Etat. Là où le bât blesse, c'est quand le serment d'hypocrate est mis à rude épreuve par des praticiens visiblement plus préoccupés par l'espèce sonnante et trébuchante que par la santé de leurs clients. C'est connu, les agents de santé n'ont pas l'obligation de guérir tous les malades qui viennent à eux, ils ont par contre l'obligation de les soigner et surtout de bien les soigner. En est-il toujours ainsi dans ces établissements privés de soins ? Pour beaucoup d'entre eux, c'est à voir ! Néanmoins, d'emblée les populations leur accordent un avis favorable comparé à l'accueil et aux prestations qui leur sont offerts dans les services publics. Un paradoxe quand on sait que devant la gravité de la maladie de leurs patients des cabinets de soins, des centres et d'autres cliniques privés "ordonnent" des évacuations sur l'hôpital Yalgado Ouédraogo, le plus grand établissement public de soins du pays. En outre, les plus grands spécialistes qui exercent dans le privé sont souvent des fonctionnaires d'abord affectés dans le public. Qu'est-ce qui peut alors motiver un bon accueil et une meilleure prise en charge dans le privé de la part du même personnel soignant qui accueille et soigne mal dans le public : La loi de la concurrence avec les autres établissements privés ? La peur du licenciement immédiat ? La vigilance du fondateur ou fondatrice ? La remontrance de l'Ordre des médecins ?

Du coup des prestations de service

La libéralisation du secteur de la santé n'est pas pour faciliter les choses au niveau des couches défavorisées de la population dans les établissements de soins privés. Il est reconnu aujourd'hui qu'il n'est pas donné à n'importe quel Burkinabé de s'offrir des soins de qualité dans les centres privés du fait de la cherté des prestations.

De la consultation à l'hospitalisation, des soins médicaux aux différents examens, il faut débourser des sommes faramineuses pour être à même de se payer ces services. Dans aucune polyclinique, encore moins dans les cliniques de la place on a une consultation à la bourse du Burkinabé moyen ; les prix variant entre 5 000 à 10 000 voire plus pour certaines spécialités. Dans les cabinets de soins, cela varie entre 300 FCFA à 3 000 F voire plus selon le standing et la situation géographique du cabinet.

Quant aux examens médicaux, ils varient également selon qu'on veut un simple KOP ou une fibroscopie de 1 500 CFA à 30 000 FCFA et plus. Que dire alors des chambres d'hospitalisations, là aussi il n'est pas donné à n'importe qui de s'hospitaliser dans une clinique et pour cause, les chambres varient entre 8 000 F voire 30 000 F selon qu'elle est ventilée ou climatisée avec un minimum de confort (télévision, téléphone etc..)

Sacerdoce en péril ?

Le pire, c'est que des médecins, en dépit des textes réglementaires qui existent , privilégient les consultations des patients dans les établissements privés où ils touchent des ristournes plutôt que de soigner ces patients dans les centres pas de point publics de soins où les coûts sont relativement plus abordables. Il est fréquent de voir des médecins qui émargent au compte de l'Etat exercer dans des cliniques privés si ce n'est pas dans leur propre clinique. Conséquence : le service public est "nazifié" parce que le salaire est déjà garanti. Du même coût, c'est une double concurrence déloyale qui s'établit entre eux et les autres cliniques où les responsables ont choisi la voie du privé.
L'un des trois indicateurs de développement humain durable du PNUD est l'espérance de vie.
Il est de 47 ans au Burkina Faso. Pourtant nul doute que cette espérance de vie commande qu'on jouisse d'une bonne santé qui ne peut être obtenue que si elle est accessible à tous et à moindre coût.
Il est vrai que la santé n'a pas de prix, néanmoins les chefs d'établissements de soins se doivent de se concerter à travers leurs structures associatives (Ordre des médecins etc..) pour uniformiser les différentes prestations en tenant compte du pouvoir d'achat de la majorité des Burkinabè.

Jules R. Ilboudo

Lire l'article original : http://www.fasonet.bf/hebdo/actualite2/hebdo238/Grosplanleboum238.htm


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