Ayant annoncé publiquement son intention de se retirer en 2004
du poste de directeur régional de l'Oms pour l'Afrique (Oms-Afro)
après 10 ans de service, Ebrahim Samba ne résiste pas seulement
aux pressions visant à le maintenir, mais insiste aussi sur le fait
de laisser la place à un successeur intègre.
"Je travaille depuis 1959 et, à 75 ans, il est temps de me retirer
et de laisser une chance aux autres", a déclaré le chirurgien gambien,
à la Pana à Dakar. Etant donné sa carrière illustre et son style
de gestion largement acclamé, le co-lauréat 1992 du Prix du leadership
africain décerné par l'association Hunger Project basée à New York,
pourrait, s'il le voulait, aisément briguer un troisième mandat
de cinq ans à la tête du Bureau de l'Oms pour l'Afrique. Mais tout
en rejetant avec véhémence les arguments destinés à le faire rester
dans le contexte d'un continent qui regorge de dirigeants qui s'accrochent
à leurs fauteuils, M. Samba insiste plutôt sur l'intégrité dans
la gestion des ressources et du personnel qui, selon lui, doit être
l'attribut majeur du candidat à sa succession. "Le directeur régional
de l'Oms-Afrique manipule beaucoup d'argent. Ainsi, il doit prouver
qu'on peut lui faire confiance. Sans intégrité, il n'y a pas d'argent
et sans argent, on ne peut pas fonctionner", a-t-il soutenu.
L'Oms-Afrique, un des six bureaux régionaux de l'Organisation mondiale
de la santé (Oms) disséminés à travers le monde, couvre 46 pays
avec un budget bisannuel d'environ 190 millions de dollars. Mais
grâce à leur gestion transparente, M. Samba et son équipe ont souvent
réussi à réunir plus du triple de cette somme par le biais de fonds
extrabudgétaires ou contributions volontaires. "En tant que directeur
régional de l'Oms, il faut être responsable et discipliné pour que
l'on vous confie ces fonds. Vous devez aussi être considéré comme
assez honnête et brave sur le plan moral pour prendre des décisions
non pas dans le but de plaire, mais pour faire ce qui est juste.
Pas de favoritisme, pas de considérations politiques ou ethniques",
affirme M. Samba, ajoutant qu'"en matière de recrutement, vous devez
rechercher la compétence et la qualité, et des gens capables de
faire le travail". M. Samba a pris la tête de l'Oms-Afrique en 1995
après avoir dirigé, avec un succès reconnu par tous, le Programme
de lutte contre l'onchocercose (cécité des rivières) en Afrique
de l'Ouest basé à Ouagadougou et largement financé par les donateurs,
mais géré par l'Oms, qui a permis de libérer des millions de personnes
de cette maladie.
Dix ans après le départ du Dr Samba de sa direction, le projet
tire toujours les fruits de ses contributions au développement de
la santé en Afrique. Cinq candidats ont officiellement déclaré leur
intérêt pour le poste de M. Samba, qui sera vacant en 2004. Il s'agit
de l'Angolais Luis Sambo, actuel directeur de la gestion des programmes
de l'Oms-Afrique, de Francis Omaswa, directeur général des Services
de santé ougandais, du Zambien Everisto Njelesani, représentant
de l'Oms au Zimbabwe, et de Deo Barakamfitiye du Burundi, représentant
de l'Oms au Togo. Phetsile Dlamini, docteur en médecine et ancienne
ministre de la Santé du Swaziland, est la seule femme dans la course.
Mais des sources diplomatiques ont indiqué que d'autres candidats
se présenteraient avant les élections, à l'occasion de la 54e session
du Comité régional de l'Oms au siège de l'Oms-Afrique, à Brazzaville,
au Congo.
A six mois de l'élection, le bureau du directeur général de l'Oms
à Genève doit écrire aux 46 pays membres de l'Oms-Afrique pour leur
annoncer la vacance du poste de directeur régional. Les références
des candidats sponsorisés par les pays seront alors soumises à la
réunion du comité régional pour l'élection du candidat adéquat.
Mais, alors qu'un candidat doit être sponsorisé par un pays africain,
il peut ne pas être le candidat de son propre pays. Pour être élu,
un candidat doit posséder, entre autres, "des qualités de leadership
éprouvées, une capacité de gestion établie, des qualifications professionnelles
et techniques, et une certaine sensibilité aux différences culturelles,
sociales et politiques". S'il y a moins de cinq candidats, le comité
régional peut passer directement au tour de scrutin final, mais
s'il y en a plus de cinq, il y aura un scrutin préliminaire pour
réduire le nombre de candidats à cinq, qui vont s'affronter au dernier
tour. Le candidat élu va prendre officiellement fonction au début
de l'année 2005.
Etant donné la position importante du directeur régional de l'Oms
pour l'Afrique, et vu le fait qu'il serait difficile d'écarter un
candidat après son élection, il incombe aux dirigeants africains
de passer au crible les antécédents et les qualifications des postulants
afin de s'assurer que le meilleur soit choisi pour le continent.
Le fait que M. Samba sera difficile à égaler est une évidence, mais
le plus gros défi à relever par les dirigeants africains est de
s'assurer que rien ne sera fait pour compromettre son bilan enviable,
lors du choix de son successeur. Les problèmes de santé et de développement
en Afrique sont immenses et, comme le reconnaît M. Samba lui-même,
"la santé est une question trop sérieuse pour être laissée aux mains
des seuls médecins".
Lire l'article original : http://www.walf.sn/societe/suite.php?rub=4&id_art=5634
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