Le Sénégal connaît une situation nutritionnelle inquiétante, malgré
les efforts consentis par l'Etat, les ONG et les partenaires au
développement pour l'amélioration de la nutrition. Et la malnutrition
contribue, selon les statistiques disponibles pour 33 %, à la mortalité
chez les enfants de moins de 5 ans. Alors que les données tirées
de l'Enquête Démographique et de Santé (EDS) 2 et 3 font déjà état
d'une mortalité infanto-juvénile élevée. Pis, si des mesures adéquates
ne sont pas prises, on assistera d'ici l'an 2011 au décès de 130.000
enfants. Cette certitude fait ainsi dire à Bidjélé Fall, directeur
de Cabinet du Premier ministre que : "la malnutrition infantile
constitue une hypothèque pour notre pays". M. Fall s'exprimait ainsi
ce jeudi lors de l'atelier sur "Nutrition et Médiats" organisé par
la Cellule de Lutte contre la Malnutrition (CLM).
L'une des principales causes de la malnutrition étant une mauvaise
conduite de l'allaitement maternel, plus de 4.000 enfants de moins
d'un an perdront la vie des suites d'une pratique inadéquate de
l'allaitement maternel. Également du fait de la carence en vitamines
A qui affecte 56 % des enfants, près de 80 % des enfants vont mourir.
Si des causes de la malnutrition comme la pratique inadéquate de
l'allaitement maternel, la carence en vitamines A ainsi que l'anémie
par carence en fer qui frappe 58 % des femmes et qui contribue pour
une large part à la mortalité maternelle ne trouvent pas vite des
solutions idoines, la situation nutritionnelle des enfants au Sénégal
ne peut que devenir de plus en plus alarmante.
Améliorer le statut nutritionnel
Justement, c'est pour endiguer ce mal pouvant causer une lourde
perte pour le pays que le Programme décennal (2002-2012) de Renforcement
de la Nutrition (PRN) a été mis en place. Entre autres objectifs,
le PRN, domicilié au niveau de la Cellule de Lutte contre la Malnutrition
(CLM), elle-même logée à la Primature, vise l'amélioration du statut
nutritionnel des enfants, des femmes enceintes et mères allaitantes
et le renforcement des capacités institutionnelles et organisationnelles
du système de nutrition. Cette volonté de lutter contre la malnutrition
est plus accentuée en milieu rural où la malnutrition sévit de manière
endémique. C'est pourquoi, la première phase du PRN (2002-2005)
va concerner au-delà des 25 communes déjà couvertes par le Programme
de Nutrition Communautaire (PNC) qui a précédé le PRN les zones
rurales des trois régions considérées comme étant les plus pauvres
du Sénégal. Il s'agit de Kolda, Fatick et Kaolack. Ce qui permettra
de toucher d'ici à la fin de la première phase du PRN (2005) 740.000
enfants âgés de moins de 5 ans et près de 510.000 femmes en l'espace
de trois ans. Cela avant l'extension du programme à toutes les régions
du pays, objet de la deuxième phase du PRN qui, à terme, a l'ambition
"d'intégrer la politique de nutrition dans les plans sectoriels
et les plans nationaux".
Si les stratégies mises en place pour lutter contre la malnutrition
s'avèrent efficaces, elles entraîneront des gains considérables
par rapport aux nombreuses dépenses de santé. Un tel constat pousse
ainsi Diakhaïdia Diarra, nutritionniste à la Division de l'Alimentation,
de la Nutrition et de la Survie de l'Enfant (DANSE) à affirmer :
"la malnutrition a des conséquences sur l'économie". Citant le "Profile"
(processus basé sur le recueil de données épidémiologiques ayant
permis à des chercheurs de mener des études de projection sur les
5 années à venir pour promouvoir un développement intégral à travers
le pays), le nutritionniste de la DANSE indique : "rien que la faible
pratique de l'Allaitement Maternel Exclusif (AME) coûte 24,5 milliards
de F.CFA à l'Etat". Soit l'équivalent de 80 % du budget du ministère
de la Santé et de la Prévention, précise-t-il.
En effet, au Sénégal, seul 1 enfant sur 10 est allaité exclusivement
au sein pendant les 6 premiers mois de la vie. Pendant ce temps,
les pertes dues à un retard de croissance sont évaluées à 94 milliards
et celles liées à une carence en iode à 318 milliards. En gros,
l'ensemble des pertes relatives à la malnutrition des enfants est
évalué à 821 milliards.
Des gains … si …
Ces dépenses exorbitantes ont poussé les intervenants du secteur
à adopter de nouvelles stratégies devant aboutir à un changement
de tendance, voire à la réalisation de bénéfices. C'est ainsi que
les autres objectifs identifiés consistent à : relever le taux de
l'AME de 10 à 50 %, réduire la prévalence du retard de croissance
des enfants de moins de 2 ans de 19 à 10 %, la prévalence de la
carence en fer chez les femmes en âge de procréer de 58 à 35 % et
chez les enfants de 50 à 30 %. Pour la carence en vitamine A et
en iode, l'intervention à travers le PRN vise "l'élimination virtuelle".
Ces mesures adoptées, une fois qu'elles seront bien conduites, doivent
aboutir à des résultats qui auront un impact sur les dépenses de
santé ayant servi à lutter contre la malnutrition. Ces gains sont
évalués à 273 milliards de F.CFA, aussi bien pour les carences en
iode et en fer que pour le retard de croissance. Sans compter évidemment
les gains humains considérables. Ces derniers sont estimés pour
la pratique de l'AME à 1.400 vies d'enfants de moins d'un an sauvées
chaque année, pour le faible poids par rapport à l'âge à 29.000
vies d'enfants de moins de 5 ans, pour les carences en vitamine
A et en iode respectivement à 21.000 vies d'enfants de moins de
5 ans et à 360.000 nouveaux-nés sauvés du retard intellectuel. Justement
l'économie de cet argent peut bien contribuer de façon considérable
à la lutte contre la pauvreté.
MAÏMOUNA GUEYE
Lire l'article original : http://www.lesoleil.sn/santeenv/article.cfm?articles__id=32864
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