La nuit est tombée depuis une heure déjà sur Kolda. Une fraîcheur
relative a fini de gagner toute l'étendue de l'hôpital régional.
Les couloirs de l'infrastructure sanitaire majeure de la capitale
du Fouladou restent déserts en cette nuit du 1er décembre. On apprend
d'ailleurs que cette structure flambant neuve n'est pas trop fréquentée
par les populations de Kolda.
Une situation qu'il faut, peut-être, attribuer au prix des consultations
jugées chères par des populations trop affectées par la pauvreté,
d'après certaines informations glanées. Un jugement que le directeur
de l'hôpital régional de Kolda est loin de partager. Oumar Bâ considère
que "ceux qui trouvent cher le prix des consultations fixé à 1 000
francs Cfa ne connaissent pas la pyramide sanitaire". Pour des éclairages
à ce sujet, le responsable du centre hospitalier de Kolda argumente
: "Quand vous vous sentez mal, au lieu d'aller à l'hôpital, vous
allez directement au centre de santé pour une consultation qui vous
revient à 200 francs Cfa, le ticket. Si le centre de santé ne peut
pas vous soigner, c'est en ce moment que vous vous rendez à l'hôpital."
Entre absence de motivation et manque de sang
Mais, des ombres planent sur l'hôpital de Kolda qui a été inauguré
en mai dernier par le chef de l'Etat. La première concerne le non-fonctionnement
de deux de ses services : les urgences et la pédiatrie. Des démembrements
de l'infrastructure hospitalière qui "ne fonctionnent pas du fait
de l'absence de personnel". Cependant, le directeur de l'hôpital
régional remarque que la situation du service pédiatrique va connaître
un début de solution avec le retour de congé du pédiatre en service
à ce niveau "dès la semaine prochaine". L'hôpital régional de Kolda
est "le seul du Sénégal à disposer d'un vrai service d'urgences.
Malheureusement, ce service ne fonctionnement pas faute de médecins
et d'infirmiers d'Etat", déplore le directeur de l'hôpital. D'autres
tâches qui salissent l'hôpital régional de Kolda sont loin de devenir
de vieux souvenirs pour ceux qui veillent à son bon fonctionnement.
On peut noter des réticences dont font montre certaines compétences
du secteur de la santé à travailler dans une région aussi lointaine.
"Un problème de motivation se pose. Certains estiment que Kolda
est très loin de Dakar, puisque 700 kilomètres séparent les deux
villes. Et pour déplacer un infirmier d'Etat ou une sage-femme,
il faudra prévoir une somme de 30 000 francs Cfa, au moins, pour
des frais qui doivent lui permettre d'effectuer ses déplacements.
Une somme à laquelle il faut ajouter d'autres situations qui peuvent
se présenter comme, par exemple, le fait d'aller voir sa famille
à la fin du mois." D'où l'invite faite par le directeur de l'hôpital
de Kolda aux collectivités locales à "investir dans le secteur de
la santé pour ne serait-ce que loger les médecins". Au service de
la maternité, les femmes qui "y sont évacuées sont confrontées souvent
à un problème de sang. Et les gens (les populations de Kolda) ne
veulent pas donner leur sang parce qu'ils ne veulent pas qu'on sache
leur statut sérologique", explique l'assistant social de l'hôpital
de Kolda, Baye Omar Thiam. Ce dernier soutient qu'une "collecte
de sang a été effectuée récemment" à la suite d'un communiqué lancé
par voie radiophonique. "Mais la capacité de sang obtenue reste
insuffisante. Les populations doivent venir en aide à l'hôpital."
Sempiternelle anémie
Sur ces entrefaites, une scène inédite, non loin de la salle d'accouchement
à laquelle nous n'avons pas accès, la sage-femme de garde, Ndiaye
Kassé, qui y officiait informe que "sa patiente souffre d'anémie
sévère. Elle a besoin de sang". Des inquiétudes vite dissipées par
l'assistant social de l'hôpital. Le gynécologue-obstétricien de
cet hôpital, Dr Raade, explique la permanence du manque d'anémie
des populations par "l'absence de diversité alimentaire chez les
populations locales". Notre visite guidée des locaux de cette structure
hospitalière nous mène à la cabine des opérés récents, où se trouve
un malade interné à la suite d'une balle reçue à la joue, le jour
de la Korité. Le patient, qui avait à ses côtés ses parents, suivait
les conseils du capitaine Diaw de l'antenne chirurgicale de l'armée,
le "grand secours" de la structure sanitaire qui n'a pas voulu éclairer
notre lanterne, invoquant l'obligation de réserve. Le bloc de consultation
externe reste le service le plus visité, car "le plus grand nombre
de malades de l'hôpital sont des paludéens". Pour mieux justifier
les ravages que fait le paludisme à Kolda, le directeur de l'hôpital
pointe le doigt, en l'absence de statistiques sur "l'humidité de
la zone (Kolda), beaucoup d'arbres. (En plus), les nids larvaires
sont nombreux et les gens n'utilisent pas les moustiquaires imprégnées".
Par ailleurs, l'obsession des responsables de l'hôpital régional
de Kolda demeure la propreté de leurs locaux. Ce joyau qui fait
la fierté de Kolda possède un château d'eau d'une capacité de 120
m3 qui constitue une réserve de 24 heures. Un équipement auquel
il faut ajouter un groupe électrogène d'une puissance de 300 Kilowatts.
Le fonctionnement de l'infrastructure sanitaire est l'affaire de
44 agents et de 60 travailleurs communautaires. On ne relève pas
dans les effectifs des contractuels encore moins des bénévoles à
cause du fait que les textes de l'hôpital, qui n'est pas un établissement
public, l'interdisent.
Mamadou Ticko DIATTA - mdiatta@lequotidien.sn
Lire l'article original : http://www.lequotidien.sn/archives/article.cfm?article_id=9205&index_edition=274
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