Le but du Docteur Arilaza Razafimahaleo, qui clôture ainsi sur
une réflexion majeure de santé publique le 10e anniversaire de l'organisme
médical qu'il a créé, est sans doute de sensibiliser les pouvoirs
publics pour une synergie effective, efficace des moyens financiers
colossaux mis en place pour éviter la prolifération du sida, ainsi
que des ressources humaines disponibles, pour lutter également et
avec autant d'apparente détermination contre toutes les autres maladies,
quelque peu marginalisées.
Le sida, et les fonds colossaux qu'il mobilise officiellement et
dans les comptes rendus de la presse, ne serait-il pas sur le point
d'occulter, de marginaliser et de faire quelque peu oublier toutes
les autres maladies dont les Malgaches meurent aujourd'hui ? Les
129 milliards Fmg que l'on dit disponibles, ou en partie dépensés,
pour sensibiliser au sida, ne pourrait-il pas en même temps à servir
à lutter contre ces autres maladies "oubliées" et pourtant plus
"mortelles", actuellement ?
Les priorités dans les chiffres
Les chiffres officiels du ministère de la santé sont pourtant suffisamment
révélateurs sur les véritables urgences en matière de santé publique,
donc de mortalité de la population. L'espérance de vie à la naissance
est de 57,5 ans, mais de 40 ans seulement pour 32% de la population
(un peu plus de 5 millions de personnes). Le taux de mortalité infantile
est de 88 pour 1.000 naissances vivantes. La malnutrition chronique
frappe 48,6% des 16,5 millions d'habitants (8.019.000 personnes).
Le taux de couverture vaccinale effective des enfants n'étaient
que de 44,4% en 2000. Voilà déjà un aperçu qui mérite certainement
que l'on ne se trompe pas de combat.
Les principales maladies qui frappent les Malgaches et dont ils
meurent souvent de façon prématurée sont les insuffisances respiratoires
aigües (21,6%), le paludisme (19,4%), les maladies diarrhéiques
(9,4%), les infections cutanées (4,2%), les affections bucco-dentaires
(3,5%) et les infections sexuellement transmissibles (2,8%). Les
urgences actuelles sont normalement inscrites dans ces données.
Il en découle que parmi les principales causes de mortalité de
la population, on trouve le paludisme (14,7% soit 2.392.500 personnes
par an), les maladies diarrhéiques (11,9% soit 1.963.500), la tuberculose
(4,1% soit 676.500), la pneumonie grave (3,8% soit 627.000), l'hypertension
artérielle (3,4% soit 561.000), les intoxications (3,2% soit 528.000)
et, enfin, les affections rénales et génito-urinaires (2,7% soit
445.500). Là encore, les priorités de santé publique du moment apparaissent
clairement.
S'il ne faut pas, bien sûr, que le sida vienne dans quelques années
bousculer cet ordre sanitaire établi, depuis longtemps d'ailleurs,
il parait évident et vraisemblablement possible que les crédits
affectés de façon aussi spectaculaire à la sensibilisation et à
la prévention du sida servent également, et de façon pertinente,
à lutter contre toutes ces autres causes de mortalité réelles.
Sommité mondiale en visioconférence
C'est donc le but de ce colloque organisé ce jour par Espace Médical,
à la tour Zital d'Ankorondrano à partir de 14 h 30, pour marquer
la fin de la célébration de son 10e anniversaire sur le thème d'un
"Aperçu des grands problèmes de santé à Madagascar en 2003", avec
une intervention en visioconférence de Paris du professeur Patrice
Bourée, de l'hôpital Kremlin-Bicêtre, une autorité mondiale en matière
de parasitologie et de médecine tropicale, donc parfaitement qualifié
pour apporter sa vision globale des grands fléaux de santé dans
le tiers-monde. Cette visioconférence est d'ailleurs la raison pour
laquelle ce colloque est organisé au Centre des technologies avancées
de Telma.
Les réalités locales et vécues sur le terrain seront par ailleurs
exposées par le service médical des églises luthériennes (Salfa),
tandis que des intervenants du ministère de la santé, de l'Instat
et des journalistes spécialisés apporteront leurs concours pour
établir ce diagnostic médical du pays, afin d'en dégager les urgentes
priorités.
Pour le Dr. Arilaza Razafimahaleo, directeur-fondateur d'Espace
Médical, il ne s'agit pas d'oublier l'indispensable et impérieuse
sensibilisation actuelle contre la sida. Il s'en explique ainsi
dans un dossier de presse : "Une revue, aussi sommaire soit-elle,
des problèmes de santé publique malgache est toujours utile. Elle
s'avère, en cette fin 2003, d'autant plus utile que l'importante
et indispensable lutte contre le sida que le pays mène actuellement
constitue une grande opportunité unique pour une approche globale
décisive de la population malgache en matière d'information-éducation-communication
(IEC) sur la santé préventive et l'hygiène en général. Le manque
d'hygiène de la population constitue effectivement le lit de tous
les grands fléaux de santé publique de notre pays".
Il serait donc merveilleux, pour ne pas dire miraculeux, que dans
une approche pluri-pathologique le sida, et la menace réelle qu'il
représente désormais, ainsi que les crédits importants qu'il mobilise,
puissent aussi servir à lutter contre les maladies les plus courantes
dont on meurt encore trop à Madagascar. C'est le message de bon
sens que ce colloque d'Espace Médical espère faire passer.
C.C.
Lire l'article original : http://www.lexpressmada.com/article.php?id=17729&r=4&d=2003-12-19
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